La politique dans le couple

C’est dimanche, il fait beau et l’actualité politique est assez calme. Fillon fait un petit tour en Bretagne, Sarkozy se livre des pizzas en frétillant d’impatience pour demain, lundi, où il ouvrira à nouveau les vannes à amphétamines, et les socialistes continuent à se bouder les uns les autres dans la plus grande amitié. C’est donc relativement décontracté que je peux me consacrer à la cuisson du poulet dominical et à la réponse d’une question essentielle, qui bruisse actuellement sur la blogosphère et qui me fut relayée par b.mode de Ruminances : Peut-on vivre à plein temps avec une moitié de droite (si l’on est à soi-même à gauche), ou à gauche (si l’on est soi-même à droite) ?

Que voilà une question palpitante en ce qu’elle m’oblige à décrire une situation de science-fiction : il me faut en effet imaginer une réalité alternative où ma femme aurait l’impudence, le consternant mauvais-goût et l’aveuglement étrange d’avoir des opinions politiques différentes des miennes.

Comme je l’ai choisie avec soin, sélectionnée parmi les – évidemment – très nombreuses prétendantes qui se bousculaient au portillon (c’est ça, d’être un libéral multi-millionnaire avec mocassins à glands), il va de soi qu’elle sait à la fois faire la cuisine, sauf le dimanche car c’est moi qui régale, élever avec tendresse et fermeté ma nombreuse progéniture, être une vraie bombasse au lit et ne parle jamais politique tout en pensant, dans son for intérieur, que j’ai puissamment raison.

Notre mariage repose d’ailleurs sur le contrat tacite que les opinions publiques de la famille en matière de vêtements pour nos enfants, leur apprentissage de la lecture, ou le comportement à adopter chez des amis relevaient de la compétence de ma femme, alors que je serais en charge des relations extérieures et des déclarations officielles de notre foyer concernant l’Iran, les pignouferies de Sarkozy ou la réforme de la justice en France.

Simple, non ?

Ici, j’en profite pour mettre le four en marche.


Miam. Slurp.

En réalité, s’il y a bien quelque chose de mauvais goût, c’est de parler politique entre époux.

C’est une mauvaise politique.

A table, il y a toujours le risque, non négligeable, de se prendre un plat (parfois chaud) sur la figure, un coup de fourchette, ou de se retrouver avec une semelle à la place du steack. Au lit, c’est une telle incongruité que c’en devient même contre-productif : parler Fillon ou Aubry au milieu de nuisettes vaporeuses, c’est totalement refroidissant.

Parler politique, ça ne peut s’envisager que dans des lieux de débauche alcoolisés, dans des fumoirs de club sélects où les libéraux en haut de forme, un verre de cognac en main, se retrouvent pour gérer la domination des classes laborieuses avec des plans démoniaques, des tuyaux boursiers et où ils échangent leurs derniers cartons d’invitation au Bildberberg. La routine, quoi.

Là, j’ai retourné le poulet. L’atmosphère se parfume des effluves du volatile qui cuit doucement. Mes narines frémissent.


Un magazine de bon goût !

Mais au-delà de ces constatations que tout gentleman connaît, il doit cependant être pénible de vivre avec une femme qui serait systématiquement à l’opposé de ses propres convictions politiques ; en tant que libéral, faire les courses, le vendredi soir ou le samedi matin, avec une libertaire anarcho-révolutionnaire deviendrait probablement un petit parcours du combattant pour trouver à la fois les produits qui ne viennent pas de multinationales exploiteuses du prolétariat ou de pays impérialistes, et qui respectent l’environnement, l’équitabilité, l’éco-conscience et, bien sûr, le mangibougisme nécessaire à la survie dans cette société de consommation.

En pratique, les affinités de caractères, celles qui permettent de forger un couple sur la durée, écartent naturellement ce cas extrême. D’autre part, statistiquement, les gens ont tendance à se rencontrer pendant leurs études, ou au travail ou dans des associations plus ou moins lucratives ou de rencontre, lieux où, en général, le comportement de groupe tend à gommer les disparités les plus importantes (ici, je dis bien « tend à gommer » et « disparités importantes », hein).

Le poulet sent bon. Pareil à Actarus se rendant dans le cockpit de Goldorak – moins le débat relatif – , il va se retourner encore une fois, zip zoup, et sera à point pour rejoindre quelques frites goûtues.

Et comme c’est une chaîne, je tagge à tous hasard Aurel, l’Hérétique, Criticus et Toréador, en leur rappelant la question initiale : pour supporter votre conjoint(e) qui est d’un autre bord politique que vous, quel petit plat succulent préparez-vous le dimanche ?

Miam.

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Commentaires11

  1. Jesrad

    Bien que mon autre soit du même bord anarchiste et libertarien que moi, un abonnement à l’appétissant magazine exposé ci-avant m’intéresserait grandement… miam.

  2. b.mode

    Jolie contribution. Et c’est pour moi l’occase de te dire que j’aime beaucoup ton style d’écriture. Et c’est pour moi plus important que pas mal de choses, y compris les tendances politiques. La forme pousse le fond rappelait un peintre abstrait de mes amis…

  3. l’hérétique

    Salut h16

    Il se trouve précisément que ma compagne n’a pas les mêmes opinions politiques que moi…
    Mais bon, on n’est pas non plus très éloigné : enfin, tout de même, je suis à droite (libéral pragmatique de centre-droit), elle est à gauche (social-démocrate modéré). Quand on s’est connu, je votais encore à gauche…

  4. @b.mode : merci, flatté 🙂

    @l’hérétique : eh bien voilà justement l’occasion nous en dire plus sur les bris de vaisselle au sein du foyer hérétique 😉 !

  5. Redsparks

    Même situation que l’hérétique.

    J’étais de droite (tendance libérale) quand j’ai rencontré mon épouse il y 8 ans. Elle votait socialiste et même parfois LO !

    Depuis je suis devenu libertarien grâce au net et elle évolue lentement vers le libéralisme bien qu’il y ait encore du chemin à faire. Ce qui est sûr c’est qu’elle déteste maintenant les socialistes et la gauche en général. On discute souvent politique sans s’envoyer la vaisselle à la tête, bien au contraire, et en toute modestie, je ne pense pas être étranger à cette évolution…

    Le plus épatant c’est qu’on s’entend très bien depuis le début !

    Et encore une fois félicitations pour ton blog qui est pour moi le meilleur blog libéral de la blogosphère !

  6. omer

    Ah ! Le poulet du dimanche !
    Dans ma (très) lointaine jeunesse, on disait chez moi le poulet hebdomadaire. Un mot d’enfant l’ayant transformé en "poulet dromadaire", l’expression était restée et nous a fait rire pendant des décennies… Nostalgie, nostalgie…

  7. Fredouille Bastiat

    Mmmmh un bon poulet rôti à la broche sur son lit de patates…J’en ai l’eau à la bouche!

  8. Leepose

    Comme tu sais ma femme est Russe. Elle n’est pas communiste mais pas hostile a Staline, bizarrement.

    Pour ces raisons, et pour celles que tu mentionnes, tu comprendra qu’on évite de parler politique.

    Comme tu dis, je lui fais juste comprendre que j’ai raison d’une manière générale, mais elle en était déja convaincue.

  9. Yaakov

    Ma conjointe à moi, elle me prend pour le roi de l’univers, et acquiesce à tous mes dires, toutes mes opinions. C’est pas facile d’avoir toujours raison, mais moi j’y arrive, d’autant plus en politique.
    Bon ta technique est pas mal, faire le repas le dimanche pour éviter la discussion politico-nuisible. Mais est-ce que cela évite la dispute conjugale de qui fait la vaisselle et nettoie la cuisine ? Pour pousser le vice, tu devrais bien entendu le faire, et lui montrer que toi tu le fais mieux qu’elle donc que c’est pas bien compliqué. Si jamais tu galères, voilà quelques tips pour rendre tes plaques cuisson plus neuves que neuves : Comment nettoyer ma plque cuisson induction. Cela devrait suffire à t’élever au rang de dieu vivant et qu’elle se range à ton opinion (pi en même temps, elle voudra s’entraîner à faire le ménage pour y arriver aussi bien que toi, et fini la corvée partagée !)

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