Euro et 35 heures : les mauvais coupables

Il y a toujours un risque à promettre des sucettes et ne pas les distribuer : ça fait des aigris. Le président Sarkozy en fait modestement les frais avec Gérard Longuet. Il lui avait promis une petite place au chaud dans son nouveau gouvernement de rupture qui change, et voilà le président du groupe UMP du Sénat retoqué : la rupture gouvernementale n’étant pas là, le changement se résumant à quelques coups de gommes sur des sous-secrétariats en plastique, la sucette s’évapore. Longuet en profite donc pour se lâcher.

C’est terrible, un politicien qui se lâche. Et comme actuellement, c’est une belle crise économique qu’on a sur les bras, il se lâche en économie. Et c’est un peu comme un Patrick Artus (c’est maintenant un habitué de ces colonnes) qui préconise des solutions innovantes pour lutter contre l’étouffement de la zone euro (accroissement autoritaire des salaires de 20%, dévaluation de l’euro de 20%, demain on imprime gratis etc…) : on lit, on pleure, on rit, au pays de Patrick, il y a des méchants et des gentils…

Bref : un type qui n’y connaît pas grand-chose en économie et qui se lâche, c’est rapidement n’importe quoi, et c’est donc dans Le Monde qu’on apprend les solutions innovantes de Longuet.

En substance et pour continuer dans la tradition de rupture mise en place par le président, notre économiste de synthèse explique que “la seule réponse, c’est un soutien aux Etats les plus endettés par un rachat de leur dette par la Banque centrale européenne“. Ben voyons.

Et en plus, ça tombe bien, c’est exactement ce qui se passe : Trichet, pied au plancher, sans casque et sans ceinture, a maintenant largement dépassé les limitations de vitesse et débridé la petite Epson. Solution originale, donc, qui nous assure comme on peut s’en douter des lendemains qui sifflotent vigoureusement.

Epson à dollars

Mais le plus poignant, dans son petit coup de gueule qui mélange une dose d’aigreur de n’avoir point chopé du maroquin à cette analyse économique si spécifique, c’est son désir de trouver deux coupables originaux à la situation française : l’Euro et les 35 heures.

Dit comme ça, on serait en droit de rester calme et d’écouter le bonhomme. Malheureusement, il ne se contentera pas de dodeliner de la tête (qu’il a fort grosse, à défaut de fort remplie).

Gérard Longuet From Outerspace

Pour lui, et il nous l’explique tout de go, “Il faut travailler plus pour le même prix“, ce qui démange déjà un petit peu au niveau des phalanges. Il ajoute ensuite “Ou on sort de l’euro ou on sort des 35 heures, mais on ne peut pas avoir les deux“. Tout de suite, le vague picotement qu’on ressentait s’évanouit : on respire, il dit n’importe quoi, tout va bien, on est dans le cas standard du politicien lâchement excité par un journaliste avec son gros micro mou.

Certes, les 35 heures ont provoqué un paquet de nuisances alors qu’on n’avait rien demandé (rappelons que cette proposition post-it n’a été introduite par Aubry et DSK que pour avoir quelque chose à dire suite à la dissolution parlementaire surprise de Chirac) ; il suffira, pour rire jaune, de se rendre dans n’importe quel service d’urgence hospitalière pour comprendre que la désorganisation y est encore aigüe. Mais on imagine tout de suite l’énorme bazar s’il venait à l’idée de la droite, de la gauche ou de n’importe qui de vouloir tripoter l’imposant mille-feuille administratif mis en place suite à cette loi.

Certes, l’euro a provoqué, on peut le voir, des chocs économiques considérables, tout simplement parce qu’il a donné un véritable blanc-seing aux pays dépensiers, incontinents de la dette ou barbotant dans les magouilles comptables : les comportements négligents ont été littéralement camouflés par une monnaie unique notamment supportée à bouts de bras par des pays à la gestion plus carrée. Ça ne dure qu’un temps.

Mais lier la monnaie unique et les 35 heures, c’est juste n’importe quoi. Ces deux facteurs, en soi, n’expliquent pas les performances historiquement mauvaises de la France à produire de l’emploi. Ils ne permettent même pas de fournir une raison principale, tout au plus s’ajoutent-ils aux vraies raisons qui ont fait de la France une magnifique machine à perdre.

Et il ne faut pas chercher bien loin pour les trouver ; en réalité, les articles abondent qui parlent des vrais soucis des vrais Français, ceux-là même qui font de la vraie économie tous les jours, un peu à la manière de Jourdain et de sa prose, ceux-là même qui ont une vision certainement plus juste de ce qui entraîne le pays au fond de l’abîme pendant que des Longuet, des Artus, des Baroin ou des Lagarde continuent de fanfaronner avec leurs idées nouvelles aux odeurs naphtaline.

Tenez, par exemple, cet article un peu tristoune, qui explique comment, avec le magnifique statut d’Auto-Entrepreneur, on se retrouve embringué dans des démarches ubuesques.

Sans même s’attarder sur l’affaire complète de ce nouveau statut qui aura achevé l’année avec une distribution de vaseline, on peut constater assez facilement l’empilement administratif des chambres de commerce, des caisses sociales, des organismes d’état fiscaux et para-fiscaux, plus les évidentes tracasseries habituelles en comptabilité et en pure gestion de paperasse immanquable dans toute entreprise. Sans compter qu’en général, les aimables préposés de l’ensemble de ces administrations sont d’une compétence dont la marge de progression reste encore très large, et que les règlements internes, les lois en vigueur et le sabir minutieux avec lequel ils sont écrits ajoute à la limpidité des eaux dans lequel tous ce petit monde évolue en faisant des gaz à effet de serre.

Tout ceci donne évidemment une envie irrépressible de se lancer dans l’aventure … habillé intégralement en cuir.

La Crampe

Eh oui, mon brave Gérard : le problème de la France, ce n’est pas d’abord un problème de monnaie, pas plus qu’un problème de temps de travail. Certes, ces deux éléments ajoutent à l’entropie générale, en touillant vitesse turbine dans le caca institutionnel.

Le principal problème, c’est qu’en France, il est devenu impossible de créer de l’emploi sans s’en mordre les doigts jusqu’à l’os à un moment ou un autre. Il est devenu héroïque de créer une entreprise et pouvoir en tirer bénéfice si l’on est honnête et sans réseau. Il est devenu complètement illusoire de s’imaginer rester dans la légalité plus de cinq minutes si l’on veut rester sain d’esprit.

Au rythme où vont les choses, le pays se transforme tous les jours un peu plus et un peu plus vite en pays de l’Est avant la chute du Mur, où le marché noir et les combines sont les seules méthodes pour améliorer l’ordinaire constitué de tickets de rationnement et de soupes populaires.

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Commentaires15

  1. Bill

    Quand se rendront-ils compte que la France est l’enfer des entrepreneurs ?
    Il y a pourtant une réelle volonté ici d’avoir un vivier d’entreprise innovantes, nous avons de bonnes écoles, des jeunes diplômés motivés, mais qui fuient face à ce gloubiboulga de papiers administratifs, de taxes et d’impôts !

    A croire que ceux qui nous gouverne le font exprès …

    1. JG2433

      « A croire que ceux qui nous gouvernent le font exprès … »

      À cela, il n’y a pas l’ombre d’un doute.
      L’administration administre, au plus grand profit des administrateurs eux-mêmes.

      En somme : “Le gala (doux euphémisme… 🙁 ) organisé au profit des organisateurs de galas”.

      1. Nicolas B.

        Eh puis quoi de plus dangereux que des personnes indépendantes de l’Etat providence! Des entrepreneurs en France, ils voteraient pour des étatistes? Certainement pas! Alors autant laisser les gens assistés et dépendants des organisteurs du “gala” 🙂

      2. Higgins

        “Le libéralisme a pour ambition de replacer l’Etat dans l’espace public alors que l’action des conservateurs et des socialistes, perméables aux groupes de pression protectionnistes, aboutit à sa privatisation au profit de castes ou de catégories professionnelles privilégiées.” puis plus loin “Les uns et les autres veulent supprimer de la société l’émulation, l’esprit de concurrence et ce sentiment de la responsabilité personnelle qui est la condition de tout progrès. Ils vouent le pays à l’immobilisme d’abord, à la décadence ensuite.” Michel Leter dans sa préface aux Pamphlets de Frédéric Bastiat édité aux Belles Lettres.

        Ça s’applique plutôt bien à la situation actuelle en France, non?

  2. douar

    la soluce à tous ces problèmes, c’est la taxe carbone: c’est un certain Michel Aglietta, samedi matin sur France Inter qui le dit. Il est conseiller auprès du premier ministre, c’est rassurant

  3. JG2433

    H.S. 1 : « micro mou » = microsoft ?

    H.S. 2 : Imprimante Epson : ne surtout pas la laisser inactive trop longtemps sinon les buses d’encre se boucheraient et elle n’imprimerait plus.

    Toutefois, cet inconvénient disparaîtrait, dans le cas où l’on ferait “tourner la planche à billets” en permanence… 🙂 🙂

  4. Flo

    Concernant le machin qui a remplacé la taxe professionnelle c’est halucinant.
    La partie foncière est identique à ce qui existait dans l’ancienne TP et comme c’est relativement simple le Trésor envoie l’avis tout rempli avec le TIP que tu signes et renvoies et tout le monde est content.
    Pour l’autre partie “CVAE” pour “contribution sur la valeur ajoutée des entreprises” alors là c’est la méga cata.
    En toute bonne foi j’ai esssayé de comprendre.
    Déjà c’est au contribuable de la calculer (là tu commences à sentir qu’il y a embrouille). Entre les différences d’assiette, les exonérations temporaires ou pas et tutti quanti c’est un exercice de haute voltige à tel point que dans les documents explicatifs edités par la DGI elle même ils te donnent un exemple (absolument imbitable) qui est lui même précédé par la mention : “à titre de simplification, il n’est pas fait état des TCCI et des TCM…”
    A la lecture des “instructions fisacles” de la Direction Générale des Finances Publiques” on se demande vraiment si Marie Christine la signataire est saine de corps et d’esprit mais on est absolument sûr qu’elle n’a jamais travaillé dans aucune entreprise.

    1. Epicier vénéneux

      Oui, j’ai vu ça au courrier la semaine dernière…

      Déjà c’est au contribuable de la calculer (là tu commences à sentir qu’il y a embrouille)

      C’est un procédé très simple pour tester votre honnêteté et la compétence de leur service. En cas de différence entre les chiffres que vous déclarez et les chiffres qu’ils attendent, votre honnêteté est mise en doute.

      C’est le fameux effet “choc de la troisième année de cotisation au RSI”. Hu hu hu

  5. Kelevra

    soit disant sarko a supprimer la taxe pro!!!!! mais en fait quand vous additionnez la CVAE et la CFE ca vous fait payer encore plus qu avant. je vois pas en quoi les entreprises vont payer moins, je dois etre con. mais les communes departements et regions en ont profite, sous pretexte de moindre rentree fiscale du a suppression de taxe pro, pour augmenter les impots. c est le double effet vaseline.

  6. Théo31

    Ca ne m’aurait pas déplu du tout de me mettre à mon compte. Mais se faire enculer et injurier à longueur de journée par des merdes de bourreaucrates et de payer en plus pour ça, non merci.

  7. Galuel

    Le problème est monétaire.

    Nous vivons au sein d’un système monétaire de type MINITEL, centralisé, asymétrique, où le premier payeur est toujours le même indépendamment de tout respect de la relativité de la valeur.

    La Théorie Relative de la Monnaie démontre que la monnaie n’a pas d’autre base valide que d’être un crédit mutuel, et non pas une dette à un centre d’émission unique !

    Tous producteurs, tous entrepreneurs = tous émetteurs de monnaie !

    http://www.creationmonetaire.info/2010/11/theorie-relative-de-la-monnaie-10.html

    Voir aussi la conférence à Genève avec la présence de Richard Stallman et les parallèles que l’on peut faire avec les logiciels libres, valeur globale énorme totalement sous-valorisée par bridage artificiel des créateurs de valeur !

    http://www.creationmonetaire.info/2010/11/video-de-la-conference-avec-richard.html

    1. Ah pitié, pas Jorion. Sa théorie gloubi/boulga, c’est une resucée du marxisme, ni plus, ni moins. Ce n’est pas parce qu’on colle “relatif” et “théorie” qu’on est un Einstein.

  8. Yul

    Et ce sont les mêmes crétinoïdes shootés et/ou alcooliques, parfois sachant tout juste lire et écrire et rarement se servir d’un ordinateur (sauf parfois pour faire leurs courses ou jouer au démineur, et même encore…), la moitié de l’année en arrêt-maladie, qui se foutent complètement de leur boulot (dans le meilleur des cas fait à leur place par un CDD payé au rabais), ce sont ces mêmes crétinoïdes surpayés donc, qui tiennent des raisonnements sur la solidarité, la pénibilité (lol!) et l’ultra-libéralisme. Ou les retraites (alors qu’ils ont la capitalisation rien que pour eux). Et pour parfaire le tableau, ce sont en général les derniers qui se déplacent encore pour voter…

    1. Flo

      Et à Théo31.
      Attention néanmoins de se garder de toute généralisation excessive.
      Pour ma part tant au niveau professionnel que personnel j’ai toujours eu des contacts courtois avec l’administration fiscale avec des personnes qui m’ont paru relativement compétentes et efficaces (il est vrai pour des questions relativement simples).
      Quand on voit la production écrite de leurs supérieurs (les fameuses “instructions fiscales”) on peut même faire preuve de quelque indulgence en se disant qu’ils ont parfois bien du mérite s’ils s’y retrouvent!

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