Petits et grands se sont donné rendez-vous : le chapiteau a été monté sur la grand’place, les fanions et les lampions de papier égayent les lieux ; les publicités aguicheuses ont attiré une foule bigarrée qui se masse à présent aux portes du cirque. Le spectacle promet d’être amusant, captivant et d’un constant renouvellement. Pensez donc ! Le Cirque Demaerd™ est en ville !
La soirée commence tambours battants et sous les applaudissements, le Monsieur Loyal s’appelle ici Chirac et souhaite une bienvenue joyeuse au public nombreux massé sur les gradins. Dans son habit bien coupé, son visage blafard contraste avec les lumières vives et son haut de forme noir classieux. Tout sourire, il va, pendant la soirée, donner la réplique aux clowns, se faire maître de manège ou régisseur de la piste.
Et déjà, le premier numéro se met en place : pour épater le public, ce sont les fauves qui entrent dans l’arène. Sarko le dompteur fait claquer son perpignan, pour mater les deux terribles carnassiers au regard froid qui grognent et montrent des crocs en exécutant leur premier pas de danse. Sarko, entre deux claquements, présente d’un geste autoritaire ses deux monstres dressés : celui sur sa droite s’appeller Devill, et celui à son extrême-droite répond au sobriquet de Neuneuil. Pendant les quelques minutes qui suivent alors, le dompteur montre sa parfaite maîtrise de la puissance contenue de ces deux fauves. Enfin, après quelques cris autoritaires ponctués de fouettements péremptoires, les animaux rentrent dans leur cage, sous les applaudissements de la foule ébahie. Tout le monde sait que les griffes des félins sont limées et leur appétit éteint par de bons morceaux réguliers de barbaque et que, derrière le rideau lourd et épais du cirque, le dompteur papouille gentiment ses deux amis. Mais l’illusion est parfaite, le spectacle captivant !
Le second numéro est un numéro de magie. Le prestidigitateur, présenté par Monsieur Loyal sous le nom de Breton, habit sobre et coupe de cheveux en caniche un peu fou, lunettes en demi-lunes comiques, pénètre sous le chapiteau avec un air grave. Haut de forme, baguette magique, gants blancs : tous les ingrédients sont réunis. Le tour ressemble à un numéro de bonneteau. Une table recouverte de velours vert, trois petits gobelets, une pièce d’or. Un habile mouvement des mains, et hop ! la pièce d’or disparaît. Ni dans le premier, ni dans le second, ni dans le troisième gobelet, mais … Oh ! Dans la poche de monsieur Chirac-Loyal. Qu’il est habile, ce Breton !
Mais le tour n’est pas fini. On place à présent deux pièces d’or. Les gobelets son remplacés par des pichets. Pif, paf, pouf ! Les deux pièces disparaissent à leur tour. Monsieur Loyal ne se démonte pas et commence une pile de son côté. Le magicien continue : cette fois, ce sont trois pièces qui se retrouvent sous 3 grands seaux à champagne. Zip, zoup, la dextérité du magicien ne fait plus aucun doute : peu importe le volume des godets, peu importe le montant placé, pouf, tout doit, tout peut, et tout fini par disparaître ! Monsieur Loyal, dans son coin, construit une petite tour avec les pièces qui apparaissent dans ses poches.
Mais voilà, tout a une fin, même les meilleurs numéros : Monsieur Loyal ramasse sa tour – les pièces disparaissent à nouveau, définitivement cette fois – , et Breton se retire, un sourire modeste et le chapeau sous le bras, sous les vivats de la foule conquise.
A présent, le maître de cérémonie introduit un numéro de clown traditionnel : un cloOown triste, Mamère, et un cloOown drôle, BorloOo. Pendant les minutes qui suivent, le clown Borloo fera rire petits et grands en manipulant de gros chiffres en carton, en les tordant, en les pliant et en les faisant disparaître plus ou moins habilement, le visage coincé sur un sourire gamin. De son côté, le clown Mamère pleurnichera toutes les larmes que la petite fleur en plastique à son plastron sera capable de produire, le faciès déformé dans une grimace tristoune ; tout rend ce clown plus triste à chaque minutes : les lampes électriques restées allumées en arrière scène, la petite mobylette qui pollue et qui pétarade et sur laquelle Borloo fait des pirouettes, les deux plants de maïs en pot qui forment un sobre décor aux pitreries lacrymales de Mamère.
La performance des deux comiques est ponctuée par les commentaires du monsieur Loyal, qui propose à intervalles réguliers des idées plus ou moins farfelues, des galipettes idiotes et des PJC (petits jeux cons). Sur chacun, le clown Borloo lance un « youpiiii, formidable » en se trémoussant, pendant que le clown Mamère, tordant ses poignets et redoublant de grimaces théâtrales, couine des « On va tous mourir » à qui veut l’entendre. Petit à petit, le numéro se transforme en petite bagarre de chiffonniers, et les deux clowns quittent la scène en s’apostrophant et en s’envoyant les plants de maïs à la figure, sous les rires presque hystériques du jeune public et le regard amusé (et un peu désabusé) des parents.
Suit ensuite un petit numéro d’intermède, avant le grand numéro final. Il s’agit de Maître Krivine et son chien savant, Besancabot. On sent que le couple a beaucoup roulé sa bosse. Le maître est un peu désabusé, le chien, docile et habitué de sa performance mille fois rôdée, enchaîne les petites pirouettes et les pitreries simplettes qui attendrissent les plus naïfs. Certains adultes, moins poètes et impatients du grand final, remarqueront sans doute l’air un peu endormi du maître légèrement alcoolique, et les efforts mécaniques du canidé parfois un peu décousus pour faire monter la sauce d’un numéro un peu conventionnel. Mais baste, tous les numéros ne peuvent pas être exceptionnels !
Roulement de tambours. L’attraction qui va terminer le spectacle est celle mentionnée dans les publicités colorées, et a motivé à elle seule une bonne part du public rassemblé sous le chapiteau. Les lumières se tamisent, et des assistants apportent des accessoires volumineux pendant que monsieur Loyal-Chirac explique la tournure du numéro. Il s’agit d’une cascade, mélange de danger maîtrisé et de spectacle pyrotechnique. Pour cela, une haute chaise de bois massif a été disposée au milieu de l’arène centrale. Un gros câble métallique relie un groupe électrogène à la coupelle qu’on a placé sur le dossier de la chaise. Monsieur Loyal se place sur un grand panneau de contrôle incrusté de trois gros cadrans à aiguilles. D’un geste circulaire, il montre rapidement les cadrans, et sa main s’arrête sur un levier-interrupteur imposant.
Entre alors, par petits bonds souples, affublé d’un juste-au-corps bleu couvert de strass, une folle mèche de cheveux gris flottant au vent, un athlète au regard d’acier qui, tout frétillant, effectue quelques exercices d’échauffements pendant que monsieur Loyal-Chirac le présente : il s’agit de … Galoupin de Villezeau, l’Homme Fusible !
On l’installe sur la haute chaise, en refermant à ses poignets de lourdes sangles de cuir, et on coiffe sa tête de la coupelle métallique. Roulement de tambours plus prononcés. Monsieur Loyal prend une pose digne ; Galoupin se tient droit comme un « i », le regard fixe, concentré. Les lumières s’éteignent à l’exception d’un spot, braqué sur le cascadeur. Les tambours s’interrompent net. Le bras de monsieur Loyal s’abaisse, basculant l’interrupteur de cuivre. Dans une gerbe d’étincelles, la lumière du spot vacille. Un bruit d’éclair qui fend l’air, l’odeur d’ozone qui emplit rapidement l’atmosphère, la lumière vive d’un arc électrique, puis – pouf -, c’est le noir total. Une petite odeur de grillé remplit le chapiteau, muet. Quelques secondes s’écoulent, angoissantes.
Et soudain, un petit frémissement, la lumière revient, éblouissante, braquée sur le fauteuil : il est vide ! Galoupin se tient debout, à côté de monsieur Loyal-Chirac, un sourire aux lèvres ! Il a certes la touffe en bataille, les sourcils grillés et les poignets manifestements abimés, mais le personnage semble avoir survécu. Prestement, il se retire, sous une standing ovation. Peu nombreux sont les spectateurs à remarquer les claudications discrètes du héros de l’électricité, et son sourire franchement crispé. Peu importe, la performance fut belle, elle laissera des souvenirs joyeux dans la mémoire des petits et des grands venus ce soir là.
Formidable cirque Demaerd …
Un seul petit défaut tout de même : un tarif de billet d’environ 30.000 EUR par Français.
Verrons-nous dans quelques temps un remake féminisé avec une Mme Loyal (SégoReine) ?
Haa, Formidable, H16! Ton analyse du spectacle politique est une merveille. Tu devrais soumettre ton billet au Canard.
Tres bon analise mais je prefere des vrais clowns avec leurs gags et des ballons et des magiciens avec des tours de magie incroyables qui nous trompent mais qui ne coutent pas si cher.
companycircus.free.fr
Je suis bien d’accord : les vrais clowns sont des poètes. Les autres, les faux, sont des escrocs…
J’aurai bien voulu voir ce numéro de pièces, c’est de plus en plus rare des magiciens dans les cirques.