Ce qu’il y a de formidable, dans ce bas-monde gravement étatisé, c’est que bien souvent, les différentes instances étatiques se tirent mutuellement dans les pieds. Et il est serait presque jouissif de voir tout ce petit monde s’entrelarder de coups de couteaux si toute cette masquarade n’avait lieu sur nos fonds. Avec la bureaucratisation massive et accélérée de l’Europe, on assiste de plus en plus à de véritables collisions d’intérêts, notamment lorsque des intérêts majeurs sont en jeu.
Dans le cas qui nous occupe, il est assez croustillant de voir les services de l’Etat Français et ceux de la Commission Européenne se dépêtrer d’une situation assez rocambolesque concernant le droit d’auteur.
Alors que, lobbying aidant, la France avait réussi, au travers de son barde en chef, son torréfacteur du peer-to-peer, j’ai nommé le gringo de la culture, El Donnedio De Vabre, à se forger un petit droit d’auteur bien choukinou pour les majors en cheville avec le gouvernement, l’Europe, elle, continue son petit bonhomme de chemin sur la question.
En gros, le ministre des Majors de la Musique de la Culture avait réussi à faire passer, en s’y prenant à plusieurs fois tout de même, un texte habilement ciselé par les majors locaux. Mais las, ce qui est fort pratique (et probablement rémunérateur) en France est assez gênant quand cela se passe en parallèle à l’échellon supérieur.
Ainsi, en utilisant aussi le lobbying, les majors poussent tant qu’ils peuvent la Commission pour obtenir que la copie privée ne soit plus rémunérée qu’au travers des DRM, rendant caduque la rétribution à la copie comme c’est le cas actuellement. Pire, la Commission vise dans la foulée à rendre les sociétés d’auteurs, qui collectent ces droits, beaucoup plus transparentes, et utilisent l’argument des DRM pour avancer leurs objectifs.
Constatant la situation, notre Dominique national, le regard fougueux et la plume bien trempée, s’est donc empressé de pondre une missive à notre Barroso européen, réclamant en substance un délai de réflexion permettant d’aménager la loi française. Il s’agit ici, on l’aura compris, de tout faire pour que tout ceci ne se termine pas en déconfiture généralisée et scandale politico-culturel dont la France a le secret.
A ce point là, vous devez normalement vous sentir un tout petit peu perdu (si vous pensez avoir compris, c’est que je n’ai pas été clair). En pratique, la gestion d’un droit assez fumeux et qui ne fut introduit qu’artificiellement et très récemment devient une affaire fort complexe dès lors que les techniques modernes permettent en pratique pour tout un chacun de dupliquer une oeuvre (on pense ici essentiellement aux oeuvres numérisables comme le livre, les journaux, la musique ou le cinéma).
Mais pour faire simple, je dirai que nous avons une bataille étatique traditionnelle avec des intérêts massivement lobbyisés d’un côté comme de l’autre, et des manoeuvres d’une grossière inefficacité d’une part comme de l’autre. Ces droits d’auteurs n’existant finalement que sur le papier et n’étant garantis par aucune autre chose que des lois relativement complexe et de plus en plus inadaptées au contexte moderne, chaque acteur majeur du domaine a senti que la bonne soupe risquait de virer à l’aigre. Tableau magnifique : d’un côté, les majors et les sociétés d’auteurs, de l’autre, les sociétés informatiques et les fabricants/producteurs de procédés DRM, et au milieu, les états, sachant que tout ce petit monde mange déjà goulûment à tous les rateliers (TVA, taxes contre le piratage ou pour soutenir la création, subventions diverses, prix plus ou moins artificiels ou quasi-fixés par décrêts, etc…).
Pour ajouter un peu à l’aspect délirant de cette foire d’empoigne, un de ces majors semble justement vouloir se passer des DRM. Au rythme où vont les choses, il ne serait finalement pas surprenant que les DRM soient imposés au moment où les majors des média les abandonneront. Ce ne serait pas si étonnant dans la mesure où, principe de réalité oblige, quelques soient les gesticulations des états et de leurs vassaux obligés que sont les lobbys, sur le long terme, le marché et les consommateurs tranchent.
Ce qu’il y a de triste, finalement, c’est le temps (et donc l’argent, le nôtre) qu’il va falloir pour en arriver là. Et lorsque, enfin, les DRM tomberont, la France, probablement encore en retard d’une guerre et dont les ministres seront passés maîtres dans l’art de polir les cuivres du Titanic, restant fermemant campée sur ses positions, se retrouvera mise à l’amende par … Bruxelles.
Là encore, ce n’est ici que pure spéculation, mais des faits précis tendent à montrer que lorsqu’il s’agit de résister contre vents et marées, la France est toujours sur le pont, aussi rétrograde la bataille soit-elle.
De ce cloaque, que retenir ? Que peut-on imaginer qu’il sortira, si ce n’est, encore une fois, une batterie ahurissante de lois toutes plus compliquées les unes que les autres pour s’assurer le ménagement hypothétique de la chèvre numérique et du choux matériel ?
Dans cette agitation, cependant, on notera, avec entêtement, que personne ne s’interroge sur les business-models directement appliqués par les industries en question. Il y a fort à parier que si ces modèles ne sont pas les bons, comme pour le domaine politique dans lequel le modèle communiste a montré son inadéquation avec le monde réel, le business-model basé sur un droit de copie mal conçu, inadapté ou tout simplement bidon, risque lui aussi de passer par profits… et pertes.
Quant au coût de l’apprentissage de cet échec, bien évidemment, ce sera le consommateur qui le paiera.
Assez d’accord avec toi (pour une fois !) pour la fin de ton article.
Le "business model" de l’industrie du disque n’est plus adapté à la révolution numérique : nouveaux supports en cascade, diffusion d’artistes pouvant se faire hors circuit des maisons de disque, coût des produits – bien que cela bouge un (petit) peu.
La loi pondue par le gouvernement est ouvertement clientéliste. Mais avec un peu de chance, ça tournera en loi "CPE" : la loi a été votée mais surtout, il ne faut pas l’appliquer. Et puis Bruxelles nous collera une amende pour pratique anti-concurrentielle…
De plus en plus de virtuel, de plus en plus d’information qui échappe à tout contrôle (et donc à toute rémunération), ça n’arrange pas nos fervents défenseurs du papier et du plastique à l’ancienne de tradition label rouge tout ça ^___^
Non, mais sérieusement, comme peut-on lutter comme ça contre une évolution naturelle et logique ? Sans aller jusqu’à pronostiquer la mort du disque, j’estime que ce support est destiné à devenir de moins en moins utile à mesure que l’information sera disponible à volonté sur le réseau. Pour l’instant, on balbutie encore question technique (à cause de débits insuffisants notamment), mais ça évolue et ce n’est qu’une question de temps avant que l’on puisse remiser ses armoires de CDs.
Pour le futur proche, j’ai tendance à parier sur les systèmes d’abonnements, proposés soit par des distributeurs (façon Fnac), soit directement par les FAI, pourquoi pas.
Si, à terme, toute la musique disponible n’est accessible que via le réseau, j’espère qu’on pourra avoir à disposition des formats d’une qualité autrement meilleure que les MP3! Pour les amateurs de reproduction hifi, dont je suis, ça serait pas mal…
Franck, vois-tu, ce qui est formidable avec le marché, c’est que n’importe qui est libre d’essayer de rendre service aux autres: si tu est prêt à payer plus pour avoir un format lossless, il y a de très grandes chances que l’offre suive.
Pour ma part, j’ai un envie autrement plus radical de l’évolution souhaitable du monde de la musique:
namu.free.fr/wordpress/in…