En France, c’est bien connu : si on n’a pas de pétrole, il nous reste des idées. Bien souvent, ce sont des idées fumeuses, mais des idées tout de même ; dernière en date, l’Etat nous invente la machine à compter sur les autres.
Pour cette machine, il faudra faire compliqué, car s’il est une chose qu’on ne doit pas trop voir, c’est bien le principe d’auto-flagellation turbocompressée sur lequel elle repose.
La machine à compter sur les autres est composée de plusieurs parties toutes essentielles à son bon fonctionnement :
- L’admission rétrocontrôlée bâtie sur deux pièces vibrantes que sont le culbuteur médiatique et le tripoteur public. Le tripoteur public se charge de tripoter une question jusqu’à ce qu’elle soit prise en charge par le culbuteur médiatique, qui en fera, par un effet d’autocatalyse intéressant et de gonflage systématique baudruchesque, une question centrale pour le public qui la tripotera dès lors en retour beaucoup plus, alimentant encore et encore le culbuteur médiatique. La frénésie de tripotage et de culbute fait alors entrer en marche le second élément de la machine à compter sur les autres :
- Le système d’admission, qui permet à tous et à chacun d’admettre qu’il est nécessaire de mettre en place…
- … la pompe à carburant, qui se chargera de pomper les phynances visant à répondre aux problématiques soulevées par le tripoteur public et le culbuteur médiatique.
- Enfin, l’injection électronique permettra aux éléments les premiers et seuls concernés par la question tripotée et culbutée en point 1. de profiter du système d’admission et de pompe mis en place aux points 2. et 3.
Cette machine est donc ainsi faite qu’il faut, au départ, initier le mouvement par la soumission au public d’une question, d’un problème de société, d’une réflexion citoyenne qui taraude tout un chacun à son insu. En effet, la plupart du temps, l’honnête homme s’endort, généralement béat et repus d’une bonne soupe chaude aux croutons généreux, sans vraiment se soucier de ce qui peut bien se passer autour de lui. L’honnête homme, bien qu’honnête, reste un grand benêt. L’état et sa machine merveilleuse à compter sur les autres intervient insidieusement à peu près entre la soupe et le coucher, en poussant quelques unes de ces »réflexions citoyennes » sur la table du repas familial, car il ne faut pas que cet honnête homme s’endorme sans réfléchir vraiment à sa condition privilégiée de possédant. A la limite, la douce chaleur de la soupe doit lui être légèrement désagréable, ou, au moins, teintée de remords.
Mais à cette péripétie près, la machine est fort bien huilée. Un problème (éventuellement créé de toute pièce ou directement entretenu par l’état lui-même) se présente, on en discute, on en débat, on arrive parfois à faire passer l’envie d’un deuxième bol de soupe à l’honnête travailleur qui veut comprendre et s’endormir moins benêt ce soir qu’hier et bien moins encore que demain.
Petit à petit s’installe un rituel où l’homme honnête et impliqué devient conscient de sa citoyennitude spatio-temporelle et de sa responsabilité collective et individuelle dans, au choix, le massacre des bébés phoques, la disparition de la forêt amazonienne ou la précarité des intermittents du spectacles dans une société toujours plus basée sur l’instantané, etc…
Une fois sensibilisé correctement (i.e. au bord des larmes), le citoyen est paré pour la ponction, le mouton prêt pour la tonte, le fruit mûr pour la récolte…
Pour que cette sensibilisation soit rapide, efficace et surtout, Durable (™©® Demaerd Inc.), on aura soin d’utiliser la Machine A Compter Sur Les Autres, Option Droit Créance.
Un droit créance est développé sans référence à la propriété, à la responsabilité et à la liberté de contracter de l’individu, et, contrairement aux droits de faire quelque chose, impose aux autres de faire pour soi. Un tel exemple serait le Droit A La Santé, ou le Droit A l’Education, ou encore le Droit A l’Egalite Des Chances Sexuelles ; ces droits imposent à la collectivité, aux autres, de faire ce qu’il faut pour que les besoins en éducation, en santé ou l’appétit sexuel soient correctement pourvus.
Pour le cas qui nous occupe, le Droit Créance qu’on met en place est celui, préparé de longue date, du Droit Au Logement. Pour le moment, il n’est pas encore constitutionnel, mais ça ne saurait tarder. Le Conseil Constitutionnel est probablement en train de se tatouiller pour définir ce qu’on appelle logement, le nombre de pièces, la superficie, le type de lambris, la nature des parquets, le style des moulures aux plafonds et la puissance (en Lumens) des lustres emperlousés que le dit-logement devra posséder pour se qualifier dans ce nouveau droit, mais à ces petits détails près, il va de soi que bientôt, tout citoyen Fraônçais pourra se prémunir d’un droit constitutionnel à vivre sous un toit, de préférence celui des autres. Ajoutons une petite réforme orthographique, et la réussite sera totale : chacun vivant chez les autres, on vivra tant sous un toi(t) que chez toi(t).
La Machine à Compter Sur Les Autres ira même plus loin en proposant que ce droit, bidon au départ, prenne corps de façon bien concrète, avec l’ajout calculé du mot Opposable. En clair, on va bientôt pouvoir traîner l’Etat en justice pour n’avoir pas fourni ce fameux toi(t) qui protège.
Au passage, on pourra se demander à quoi, exactement, sert un Droit Bidon Pas Opposable. Comme la bicyclette pour le poisson, dont le petit casque protecteur lui permet, profilé qu’il est, de fendre l’eau dans laquelle il pédale avec élégance, le Droit Bidon Pas Opposable ne sert à rien, mais fait assez joli dans le paysage.
A contrario, le Pas De Droit Officiel Mais Plein De Lois Foutraques Et Perverses permet en pratique d’obtenir le résultat voulu, sans que personne ne s’en soit ému auparavant. On ménage l’honnête homme. Certes, la soupe chaude pourra lui valoir quelques remords, mais on ne voudrait pas qu’elle lui provoque des brûlures d’estomac. Il faut qu’il tienne, le brave mouton homme : c’est, finalement, lui qui paye les traites, ne l’oublions pas. Dans cette optique, on se reportera à ce petit lien, qui permettra à chacun d’entre vous de bénéficier, si ce n’est officiellement, du moins officieusement, de ce fameux droit opposable sans qu’il ait été voté. Formidable, non ?
…
Et maintenant, me demanderez-vous, que se passe-t-il si la Machine A Compter Sur Les Autres ne fonctionne pas ? Disons, au départ, que le relai d’opinion n’est pas là : le culbuteur médiatique est cassé, l’opinion n’est pas mise au courant, et … patatras, la Machine ne démarre pas.
Eh bien dans ce cas, l’Etat n’est plus là. Du tout. Rien. Pas de Droit Opposable Au Petit Coup de Main, pas de Droit du tout, « Adieu, faut plus appeler maintenant, oubliez nous ».
En pratique, un Droit-Créance n’existe que parce qu’il y a des gens assez cyniques, cupides ou idiots (ou les trois) pour le réclamer d’un côté, et assez grégaires, peureux ou stupides pour l’accepter de l’autre.
Que la Dékoulakisation des logements commence !
Quant au droit à l’égalité des chances sexuelles, votez CHIBRES: http://www.monsieur-le-chien.fr/
Merci pour cette verve.
Un petit bémol toute fois. La "Machine à Compter sur les Autres" ne fonctionnera pas bien sur, sur une telle chimère, tant le produit fini est indéfinissable, mais le but n’est encore une fois pas là. Il s’agit pour eux d’obtenir le badge du Plus Compatissant de France, celui qui vous promet la Lune !
Et pendant ce temps là, le temps passe bien sûr ! …Nos hommes politiques ? Quoi nos hommes politiques ?. .. Ils s’ocupent de …. la France . 🙂
excuse moi mais on dit ‘la FraOnce’ (avec la voix qui tremble un peu).
merci 🙂
ping
Merci h16 pour cette rentrée sur les chapeaux ardents ;o)
L’amusante bataille que se livrent nos élus d’élite prêterait presque à sourire… Je me dis parfois que le Chi est encore bien vivace, à surfer comme ça sur la mascarade médiatique.
Vivement la suite, ça promet d’être rock’n’roll…
G.
Un lecteur attentif me souligne que l’article de l’express (lien en fin de billet) n’est plus en ligne : on pourra se reporter aussi à celui-là : NouvelObs
MDR puissance 1 000 000 000.
Je crois que tu vas avoir plein de sujets croustillants jusqu’aux élections.
Ca promet d’être une franche rigolade, je crois que la FraOnce régresse.
Nivellement par le bas, tel est le nouveau mot d’ordre de nos politi"chiens".
;-)P
La poubelle de Darwin: voilà ce que va être notre beau pays. On cherche en effet à accueillir à bras ouverts tous les damnés de la terre, les assistés, tous ceux qui comptent sur les autres pour vivre, etc. et on cherche en même temps à décourager les entrepreneurs, les créateurs d’entreprise, ceux qui veulent s’en sortir et bénéficier du fruit de leur travail (en les taxant toujours plus, ou en leur piquant le fruit de leur travail ou leur épargne de façon confiscatoire).
Bref, on lutte systématiquement contre la sélection naturelle (ou plutôt on pratique une sélection à l’envers), et je me demande ce que ça va donner dans quelques années, quand il y aura de moins en moins de gens pour alimenter ce tonneau des Danaïdes, ce système pervers, et de plus en plus de gens pour qui tout est dû, qui ne veulent avoir que des droits et pas de devoirs…