Rien de tel qu’un petit tour sur Libération pour découvrir tout une panoplie de nouvelles odeurs nauséabondes. Oui, je sais, c’est très facile d’aller taper sur Libé. C’est un peu comme faire un tour sur les sites altermondialeux, ou commenter une tranche du Monde Diplodocus : c’est facile, et c’est un boulevard simple à une bonne poilade. Mais ce qui pourrait passer pour un penchant un peu honteux envers la fange intellectuelle permet parfois, au détour d’un article particulièrement polémique, de découvrir un angle intéressant de cette humanité toujours prête à distribuer le coeur des autres.
Pour le coup, je choisirai les miasmes fumants de l’article consacré à Famille De Fraônce, Second Life et les velléités de l’association d’obliger les fournisseurs Internet de notre beau pays à filtrer tout ça pour protéger les moutards.
A l’aune d’une première lecture dont on aura expurgé les biais journalistiques typique « Libé », on retient ceci : une association décide de tout faire[1] pour imposer un filtrage de Second Life aux FAI français[2], en invoquant la présence d’éléments pornographiques ou tout simplement interdits (jeux d’argent, notamment) directement accessibles aux mineurs.
La réaction normale du libéral est évidente : « Nom d’une pipe en bois de bordel de pompe à merde (en substance), encore une association de petits emmerdeurs qui veulent à nouveau et absolument interdire quelque chose d’autre, comme si nous n’étions pas déjà garrotés de tous côtés ! ». Et effectivement, le communiqué de presse de l’association ne laisse aucun doute :
« Familles de France ne peut accepter que la publicité pour le tabac, l’alcool ou la drogue ne subisse aucune restriction légale, de même que l’utilisation des machines à sous virtuelles, des jeux de loto et de loterie.
Familles de France demande un contrôle sur les casinos virtuels puisque que de l’argent bien réel y est dépensé.
Ces dérives, si elles ne concernaient que des « adultes consentants » poseraient des problèmes limités à une simple question d’éthique, mais, étant donné que des mineurs peuvent avoir accès au site sans limite, la question devient plus importante.
Aussi, Familles de France réclame des mesures techniques efficaces de protection afin que des contrôles soient mis en place pour empêcher l’accès à ces dérives par les mineurs. «
FDF veut bien imposer, par la loi, aux fournisseurs d’accès internet, intermédiaires techniques ou personnel compétent, des filtres interdisant aux mineurs l’accès aux zones de débauche réelle du monde virtuel.
Et là, quand on lit les réactions des internautes, notamment sur les sites des organes de presse cités, on est très surpris de voir que finalement, un paquet d’internautes partage l’opinion libérale initiale : « touche pas à mon internet », en somme.
Mais …
Mais justement, le libéralisme, en France, est ultra-minoritaire, et on peut dès lors commencer à douter : douter que la réaction de ces internautes qui est à ce point similaire du libéral moyen soit à ce point semblable pour les mêmes raisons.
Et à la suite de cette analyse, on se rend compte qu’il existe effectivement deux types de réactions, dont les prémisses sont diamétralement opposés, mais qui aboutissent directement aux mêmes réactions outrées.
La première réaction est celle du libéral : effectivement, utiliser la loi pour résoudre ce problème, c’est, à nouveau, utiliser la coercition pour diminuer les libertés, et, de façon exactement symétrique, diminuer les responsabilités des personnes concernées. Ici, il s’agit clairement des parents. En imposant aux FAI de filtrer leurs contenus, on déresponsabilise les parents dans la même proportion qu’on gangrène la liberté des FAI. Dès lors, il apparaît clairement deux choses :
– FDF a raison de dénoncer les dérives du jeu et l’accès direct par des mineurs à des pratiques directement condamnables dans le monde réel comme la pornographie, la vente d’armes, les jeux d’argent.
– FDF a tort de demander une intervention étatique pour régler le problème.
Autrement dit, le combat est juste, la course d’action est mauvaise. Or, quand on prend la peine de lire les valeurs de cette association, il apparaît clairement qu’elle prône, justement, « l’engagement et la responsabilité ». L’habitude interventionniste en France est si forte que l’association, probablement remplie d’étatistes joyeux, aura certainement oublié cette « responsabilité » pour la comprendre comme immédiatement reportée sur la collectivité.
La seconde réaction, elle, n’est pas du tout libérale : elle consiste à dire essentiellement que cette association est remplie de gens à l’esprit étroit qui sont incapables de comprendre internet et les ordinateurs, et qu’en conséquence, leurs revendications sont stupides voire surannées. On s’approche d’ailleurs assez rapidement de l’ad hominem de base dans la démarche.
Or, s’il est probable que les membres de cette associations n’entendent rien à la technologie – j’en veux pour preuve le rejet de la responsabilité individuelle de chacun de leurs membres sur une technique de filtrage et l’aveu que « Aujourd’hui, les parents n’ont pas conscience que leurs enfants peuvent aller dans des mondes clos et Ils « oublieraient » d’actionner le filtre » – , il n’en reste pas moins vrai que faire du vent autour de ces problèmes constitue une excellente voie pour sensibiliser, justement, les parents sur l’accès de leurs rejetons à la paraphernalia du vice sur internet.
La réaction épidermique de la plupart des internautes à-peine lettrés qui fustigent les actions de FDF est alors tout à fait limpide : il s’agit de dénoncer des empêcheurs de tourner en rond, pour ce qu’ils empêchent de tourner en rond, et pas parce qu’ils choisissent un mode d’action déplorable. Rares sont en effet les réactions qui pointent sur la déresponsabilisation croissante des parents, beaucoup plus fréquente sont les réactions qui raillent l’association, ses valeurs, ses principes ou ses remarques.
Dans une certaine mesure, la critique acerbe et répétée des valeurs morales traditionnelles (famille, responsabilité, travail, …) est une marque claire d’une perte de repères, d’un tout collectiviste bien gluant habituel de certaines presses, que les libéraux doivent combattre tout autant que l’aspect inverse qui transforme ces valeurs en articles de loi avec les dérives rigidifiantes qu’on peut imaginer.
Qu’on ne se méprenne pas : je ne soutiens pas FDF de façon générale ; je pense simplement qu’ici, l’information fournie par cette association, que Second Life permet à des mineurs d’accéder à des choses illégales pour eux dans le monde réel, est une information nécessaire à faire passer et connaître de tous les parents notamment.
Mais ma position est claire : on ne laisse pas un gamin seul dans un casino, devant une arme à feu, regarder des films adultes, devant une télé ou devant un ordinateur. Ces machines sont avant tout un canal d’échange d’information, et à ce titre doivent être traités comme les autres canaux : il ne vient pas à l’idée de parents normaux de laisser toute latitude à des enfants pour choisir le programme télé (en ce compris des chaînes à péages « spécialisées ») ; pourquoi, alors, les laisser tripoter sans surveillance un ordinateur qui est plus rapide, plus versatile et plus puissant pour accéder à de l’information ?
Le débat qui agite internet à l’occasion du communiqué de presse de FDF, en conclusion, est bien à l’image de cette France qui perd ses repères : soit on veut résoudre le problème par plus d’état (argh!), soit on fustige cette action sans chercher à en comprendre les motivations (argh aussi!)…
Le socialisme se nourrissant de ce genre de confusions, il a – malheureusement – encore de beaux jours devant lui.
Bonjour,
Vos billets sont excellents, et surtout plein d’un humour…grinçant, et cela j’aime !!
Le problème du média de masse est son accessibilité à tout le monde et donc aux plus jeunes. Il reste donc à définir ce qui doit être accessible ou pas, pour rester dans le, comme on dit maintenant, politiquement correct.
Il y a eu les journaux, avec son cortège de censures et interdits, la radio avec des diffusions à des heures tardives où, le croyaient on, les chères têtes blondes faisaient dodo, la télévision et le CSA, et maintenant l’Internet.
Drôle de bête cet internet, incontrôlable, brutal, on y voit de tout, on y lit de tout, et en plus …oh misère ! les anciens rament pour essayer de comprendre cette nouvel technologie et ce n’est pas tout accessible à TOUT le monde même aux plus jeunes, alors il faut des barrières.
Je ne suis pas d’accord, pas de barrière, et vous avez raison h16, de toutes manières cela ne servirait à rien : une barrière on la saute !
Il faut que les parents redeviennent responsables de leur progéniture, il est trop facile de laisser faire, et ensuite accuser les autres !
Depuis 30 ans les politiques ont institué ce système de déresponsabilisation des foules, car de ce fait, plus facile à contrôler, à manipuler et en cela aidé pas les nombreuse associations.
L’interdit est la solution la plus facile que les systèmes de gauche et de droite préconisent.
Mais l’internet risque de bouleverser la donne, cela obligera les parents, les éditeurs….à devenir RESPONSABLES, mais gare….c’est tellement marrant de braver l’interdit et puis …papa il est couché maintenant, on peut mater l’ordi !!!…
"une association décide de tout faire[1] pour imposer un filtrage de Second Life aux FAI français[2], en invoquant la présence d’éléments pornographiques ou tout simplement interdits (jeux d’argent, notamment) directement accessibles aux mineurs."
Second Life est, d’après l’éditeur Linden Lab, déjà interdit aux mineurs. Donc, qu’est-ce que FDF vient nous casser les miches ?
@geo : Braver l’interdit, c’est justement ce qui permet aux ados de passer à l’âge adulte. S’il n’y a pas d’interdits, il n’y a pas de passage. On se retrouve alors avec des paquets de vieux jeunes, irresponsables et couineurs…
@jesrad : certes, mais FDF veut en fait placer son interdiction au niveau provider internet.
Oui, mais FDF *est* une association remplie de gens à l’esprit étroit qui sont incapables de comprendre internet et les ordinateurs :).
Faudrait interdire des jeux collectivistes de ce style : à part une initiation au bolchevisme il n’y a rien à espérer de ces jeux de lopettes. Mais il y a également des jeux ultra-violents où nos jeunes s’amusent à poser des bombes : pour faire des émules des barbus islamistes ou des brigades rouges il n’y a pas mieux. Je serais à la place de Sarkozy j’interdirais ça et j’enverrais les réfractaires se dégourdir les pattes dans le désert irakien : ça les dresserait un bon coup.