L’état aux abois va tenter un emprunt forcé

Voilà quelques jours, un député UMP lançait, au détour d’une interview sur BFM, une sonde médiatique. Il s’agit d’une idée, porteuse en elle d’une bonne grosse polémique bien grasse et bien baveuse, qu’on dévoile discrètement, pour tester l’opinion publique. Si personne ne moufte, si les journalistes ne relaient que mollement et sans s’exciter, l’idée peut passer au stade suivant (le niveau 2), celui de la rumeur de couloir elyséen. L’étape d’après, le niveau 3, est le projet de loi en cours d’étude. Et à partir de ce moment, il est déjà trop tard. L’infection est complète.

Nous venons de passer au niveau 2.

Au niveau 1, c’est donc Mariton qui, le 21 avril, a testé l’opinion en lançant l’idée d’un « emprunt d’état obligatoire » pour éponger les dettes kolossales de l’état.

En pratique, une fois toutes les économies possibles réalisées, en imaginant que l’état soit subitement devenu propre sur lui et arrête son incontinence chronique de subventions, l’idée de Mariton « serait d’imaginer une recette extraordinaire. Elle pourrait être non pas d’augmenter les impôts mais de lancer un emprunt (…), qui pourrait être un emprunt forcé » . Facile, simple, décontracté, le Mariton.

Et l’avantage d’un tel emprunt est multiple. Outre que l’idée a déjà été mise en pratique pendant les années Mitterrand, on peut distinguer les bénéfices suivants :

  • un tel emprunt ne serait pas nécessairement lié au revenu. On peut l’assoir sur n’importe quelle base ; par exemple, tout possesseur d’un livret A se le verrait amputé de 10% ou 20%. Pour des raisons évidentes de « popularité », il reste tout de même probable que le revenu servirait d’étalon, mais n’oublions pas qu’un état aux abois, ça ose tout. C’est même à ça qu’on le reconnait…
  • comme on emploie ici le terme d’emprunt, on sous-entend un remboursement ; ceci évite de le classer dans les impôts et le dégage de la plupart des lois fiscales en vigueur. Et puis, sur le plan psychologique, ça permet de mieux faire passer la pilule : « on va vous prendre de force encore plus que d’habitude, mais là, promis juré craché, on va vous le rendre un jour. » Le psychologique, c’est plus de la moitié du travail d’un politique, ne l’oublions pas.
  • un tel emprunt peut être lancé n’importe quand et pour un nombre indéfini de fois (genre deux ou trois : après tout, tant que l’état gagne, il joue) ; et les modalités de remboursement sont en outre totalement libres puisque c’est l’état qui décide lui-même quand et combien il remboursera. Le plus rigolo étant qu’il fixe à la fois le taux d’intérêt de cet « emprunt obligatoire », et, au travers des injections massives de liquidités par la banque centrale, le taux d’inflation, c’est-à-dire le taux de spoliation imposé. En jouant finement, il peut donc même s’offrir un emprunt à taux effectif nul ou, plus couillu, à taux négatif. C’est objectivement ce qui nous pend au nez si l’inflation déboule d’un coup…


Tout ceci ne vous rappelle rien ?

L’idée lancée, il fallait regarder ce qui allait se passer dans les jours suivants. Et là, divine surprise, cadeau du ciel ou utilisation d’un penchant naturel de la presse à faire du boudin du sensationnel sur des histoires de cochon, pendant la semaine écoulée, personne n’a semblé s’émouvoir que l’état puisse lancer un emprunt obligatoire.

Alors on est passé au niveau 2 : la petite idée de Mariton a bien vite été reprise par l’Elysée : puisqu’il se murmure qu’on va devoir nationaliser ces p-tain de banques toutes pourrites, autant le faire avec l’argent de ceux qu’on peut tondre. C’est d’autant plus indiqué que, de toute façon, on commence à manquer furieusement de sous et qu’on a de plus en plus de mal à en emprunter sans que ça se voie.

Et pendant que la pantalonnade grippale grimpait elle aussi les niveaux, le gouvernement français aura, aussi discrètement que possible, fait monter de son côté les niveaux de sa fabuleuse idée d’emprunt obligatoire.


Un gouvernement qui vous donne tout peut aussi tout vous prendre

On attend maintenant le passage au niveau 3, qui indiquera que l’idée est non seulement sortie des cartons, mais qu’une version Loi existe ou est en cours de rédaction. Ceci ne devrait plus tarder, maintenant…

Or si ceci indique quelque chose, ce n’est certainement pas la capacité de nos hommes de pouvoir à se renouveler ou à trouver des solutions innovantes en temps de crise. Non. Ceci montre de façon lumineuse qu’ils ont une conscience aigüe de l’ampleur réelle de la catastrophe en cours et à venir, et du montant de douleur qu’il faudra infliger aux moutontribuables pour que la bergerie ne s’écroule pas sur place.

Et franchement, on peine à voir ce qui va permettre de la faire tenir, cette bergerie : au vu des systèmes sociaux d’aide et de retraite, on constate qu’elle prend déjà l’eau de toutes parts. Par une présentation habile de photos massivement photoshopées, on a réussi l’exploit de plusieurs fois l’hypothéquer à droite et à gauche, alors que les clichés originaux montraient clairement les trous, les moutons les plus laineux qui partent de tous les côtés, et le terrain, très en pente, dont la nature argileuse favorise les glissements.

De loin, je vous le dis : cette bergerie est foutue.

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Commentaires15

  1. bibi33

    Et le gros avantage c’est que l’état pourra prélever de la CSG et de la CRDS sur les intérêts histoire d’être sur que l’emprunt se fasse bien à taux positifs pour lui.

  2. Jesrad

    C’était prévu depuis Octobre dernier. D’un côté ça me rassure que l’état français suive son cap vers la banqueroute, de l’autre les conséquences inévitables m’effraient…

  3. Emma

    Pourquoi de loin, H16, vous avez quitté notre marigot ?
    Je trouve votre billet excellent et l’idée de l’emprunt obligatoire non moins géniale. A quand la campagne ‘Donnez votre or pour la France’ ?

  4. D.E man

    100% d’accord avec Jesrad! mais à l’endroit ou j’habite (Brou, eure et loire) je pense qu’il ne se passera pas d’évenement majeur.

  5. @Emma : j’ai quitté la France il y a un peu plus d’un an. Je ne participerai donc pas à cet emprunt citoyen, festif et probablement ultime avant fermeture. Ca ne m’empêche pas d’avoir mal pour tous ceux qui sont restés…

  6. zed

    Moi aussi je suis partie, mais il y a longtemps, en 82, direction NZ et maintenant on est en OZ.
    Et toi tu es parti ou, h16?

    En tout cas, merci pour ton site que je visite chaque jour.

  7. viccho

    vous avez des noms de pays qui soient pas sur une pente savonneuse? La nouvelle zélande ça me fait loin…. Connaissez vous l’état de santé de l’espagne?
    merci

  8. Libertas

    C’est exactement le sens de la question posée sur Libertas aujourd’hui : quel est le pays francophone le plus libéral, selon vous ?

  9. Flak

    apprenez une autre langue: les francophones sont des champions de l’antiliberalisme partout dans le monde, meme si c’est mieux a peu pres partout ailleurs qu’en fRance.

  10. Geoffrey

    Puisqu’on parle de quitter le navire pendant que la fête est finie, je me permets d’y ajouter ma note.

    Singapour est intéressant à bien des égards. Je n’ai pas attendu mon diplôme de grande école pour me faire la male (il me reste 4 mois à faire à Istanbul en septembre)

    Le marché de l’emploi reste assez fluide, le visa s’obtient facilement.
    Vous pouvez rester 3 mois sur place avec un simple passeport français, sans démarches.

    Je découvre le pays depuis 1 mois. C’est beau, sûr, agréable à vivre, les gens sont aimables généralement.

    J’ai trouvé du taffe intéressant et correctement rémunéré assez rapidement (IT Consulting, Account Management). Pourtant, je n’ai pas encore de diplôme, c’est bien la preuve que leur marché de l’emploi reste assez fluide.

    L’immobilier n’est pas trop trop cher (je paye 400E à 20min de centre ville, et j’ai une piscine). Je n’ai pas vraiment cherché à optimiser la dépense étant en situation d’urgence, mais si vous êtes prêt à faire un peu plus de métro vous pouvez vous en sortir avec le tiers en louant une chambre.)

    Perso je ne ressent pas le besoin de côtoyer des francophones, mais si c’est votre cas je crois savoir qu’ils sont assez nombreux ici (mais préférez ceux qui ont émigré par pur choix aux expats de grosses entreprises, ces derniers vous serviront souvent les même rengaines : "la Fraôôônce c’est quand même vachement mieux" ou "tout est artificiel ici" alors qu’ils n’ont jamais quitté les chemins touristiques et le centre ville.

    Certains peuvent penser que d’un point de vue extérieur, l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Pourtant c’est vraiment le cas ici.

  11. Flak

    "mais si c’est votre cas je crois savoir qu’ils sont assez nombreux ici (mais préférez ceux qui ont émigré par pur choix aux expats de grosses entreprises, ces derniers vous serviront souvent les même rengaines : "la Fraôôônce c’est quand même vachement mieux" ou "tout est artificiel ici" alors qu’ils n’ont jamais quitté les chemins touristiques et le centre ville."

    ah oui, je l’ai vecu aussi ! 🙂

    "l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Pourtant c’est vraiment le cas ici."

    pareil, je ne suis pas au meme endroit mais j’ai note l’augmentation nette de bonheur et de tranquilite des qu’on quitte le monde franco-franchouille des froncais entre eux.

  12. gnarf

    D’accord a 100% concernant les Francais des grandes boites… je les appelle les Francais des ambassades.

    Ce sont les pires… c’est a cause d’eux que je fais un rejet complet.

    D’ailleurs c’est assez singulier. Les ressortissants des autres pays ont en general une communaute sympathique. A ma connaissance seule la communaute Francaise s’organise de cette facon a l’etranger: les francais des ambassades completement rancis, meprisants et arrogants, et les autres electrons libres qui evitent presque tout contact avec les premiers.

  13. carole

    Un bémol,

    Encore un cliché bien français de mettre tout le monde dans le même sac.

    Il va de soi que vous ne trouverez dans les ambassades, consulats, alliances françaises………… que des français de gauche parce que tous ces organes de la République sont à gauche.
    Et quand on est à l’étranger, on le comprends très vite.

    la critique est facile, il faut d’abord se demander qui fréquente qui et POURQUOI !

    Ah j’oubliais aussi, il y a aussi des français résidents, qui s’en tape comme de leur première chemise de la France, mais qui vont déguster une petite coupe…………… au frais de la République.

  14. gnarf

    Non non, ce ne sont pas que des Francais de gauche. Ce que j’appelle les francais des ambassades, ce sont des Francais qui travaillent pour de grands groupes Francais.
    Ils sont donc de droite, et persuades de travailler dans le prive, alors que les grands groupes dans lesquels ils travaillent ne tient que par les subventions publiques de l’Etat Francais.

    Donc ce sont des gens qui analysent le monde qui les entoure a partir de leur vision completement faussee de ce qu’est une entreprise privee. Ils croient que tout ce qu’ils recoivent du pompage de subventions, ils le doivent a leurs qualites personnelles, et que tous les gens qui travaillent un tant soit peu devraient en avoir logiquement autant. Et donc forcement ils se la petent.

    Ils sont autant a cote de la plaque que la gauche Francaise, mais dans une autre direction. Mais ils partagent tous la passion pour les subventions, l’art de recuperer chaque goutte deversee d’en haut.

    Donc, Francais de gauche comme Francais de droite, il ne reste pas grand-chose a garder dans les expats. Les residents c’est different. Mais les expats c’est vraiment pas tres varie. C’est pas politiquement correct, ca nie la diversite de ces pauvres cheris … et bien tant pis, c’est comme-ca.

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