Du temps de Néron, alors que l’Empire Romain commençait doucement à virer en sucette, les politiques avaient trouvé cette merveilleuse formule : « du pain et des jeux ». Par là, ils signifiaient que les jeux (du cirque) devaient être accessibles aux citoyens, et qu’on leur distribuerait du pain pendant les festivités, histoire de les tenir sages. Pratique fort efficace s’il en est, puisqu’elle est de nos jours plus encore d’actualité.

Ainsi, regardez le battage médiatique (totalement disproportionné) autour de la victoire de l’équipe de France de futchebol. Pardon. La Victoire des Bleus, comme on dit.

Tout y est : les abondantes publicités avant, pendant et après les rencontres (qui tiennent inconsciemment le rôle du pain), l’homme-héros providentiel (Zidane), la mise à mort (4 à 0, il me semble), le public en délire, et le maximum de bruit.

Tant et si bien qu’on en vient à oublier les déboires divers & variés de tout le reste de nos institutions. On parle même (accrochez-vous bien) d’élever le tapeur de balle en chef au rang de Chevalier (ou Commandeur, je m’y perds) de la Légion d’Honneur. C’est sûr, le bougre aura, en son temps, droit à un enterrement national digne d’un grand homme politique. Pour avoir tapé dans des ballons.

Le mythe du héros, du gladiateur, est solide. Il est nécessaire pour les sociétés qui ont besoin, régulièrement, de grands hommes pour orienter les esprits (et manipuler, parfois). Mais… toutes qualités intrinsèques de Zidane à part, il n’en reste pas moins que ce n’est pas lui qui résorbe le chômage. Ce n’est pas lui qui va permettre de débloquer le conflit de la SNCM, pour être caricatural. Tout le monde le sait, et personne cependant n’en tient compte : il est devenu, lui et son équipe, providentiel. Il va sauver la France, et laver l’affront de 2002, puis des JO râflés par Londres.

On me dira qu’il est nécessaire pour le « bon moral ». Et que le « bon moral », c’est utile pour se sentir employable, ou compétitif, ou je ne sais quoi. Mais je répondrai simplement que nenni, bouffon : c’est le contraire. Si tu es employable, ton moral est bon. Si tu es compétitif, itou. Il est grand temps de prendre les mesures énergiques pour l’emploi. Et après, on s’occupera de nos belles victoires ballonneuses.

Mais non, on préfère dérouler le tapis rouge, lancer les paillettes et faire jouer les flonflons pour les jeux du cirque.

Et pendant ce temps, tout part en couilles. Discrètement…