Fabuleux ! Si vous le désirez, vous pouvez dès à présent, en tant que particulier, devenir l’heureux possesseur d’OAT. Vous pouvez ainsi prendre une part active dans le désastre prévisible et prochain de l’état. Encore une magnifique idée de notre petit trésor pour trouver de l’argent quand il n’en a plus.
Avec la possibilité offerte par France Trésor aux particuliers de devenir directement détenteur d’OAT, nous avons franchi un nouveau cap dans la gestion de la dette, pardon, de la DETTE (vu le montant, cela mérite des majuscules).
Cette proposition de l’état (car France Trésor, c’est France Dette, c’est l’état, ne pas s’y tromper) est extraordinaire : elle va donner la possibilité à chaque ménage français de devenir détenteur d’OAT, c’est à dire d’obligations à terme, de petits bouts de papier sur lequel sera inscrit un montant (“l’état vous doit N euros…”) et une date (“… que l’état vous remboursera en 2055” par exemple). Ces obligations représentent donc très concrêtement une partie de la dette.
Mais avec cette ouverture aux particuliers d’un instrument pareil, l’état montre clairement qu’il prend ses créanciers pour des imbéciles. Pourquoi ?
Avant de répondre, un petit rappel : comme vous avez sans doute pu le lire à droite ou à gauche (et notamment ici), la dette de la France est pour le moment notée AAA. Ce qui veut dire “bien notée”. Les investisseurs (créanciers) institutionnels (et donc pas des particuliers, mais des banques, des instituts de crédit, notamment, et, à plus de 50%, étrangers) peuvent donc avoir confiance dans la capacité de l’état à les rembourser. Or, Standard & Poors (institut qui note cette dette) commence à avoir des doutes…
A plus ou moins long terme, ceci veut dire que les investisseurs institutionnels pourraient se détourner du produit de choix que constitue la dette française. Or, la situation est relativement gênante pour l’état : toutes les semaines, c’est 700 millions qui sont discrêtement empruntés pour, à 92%, payer les dépenses courantes (salaires des fonctionnaires, retraites, etc…). Inquiétant. Un défaut de la part de ces investisseurs institutionnels constituerait pour l’état une mauvaise passe douloureuse : fini le caviar et les boules de choco dans les réceptions de l’ambassadeur.
Quelle issue de secours ? Les vaches à lait, pardi !
Nous, donc. Et pour cela, l’état propose donc une version modifiée du Pal Rond, engin de torture moyen-âgeux qui ne tuait qu’après une très longue agonie :
- D’un côté, vous achetez de la dette : de l’argent sort de chez vous (logique).
- Cette dette sera remboursée avec vos impôts, de l’argent qui sort encore de chez vous.
- Il faut faire vivre les gens qui font travailler France-Trésor : on ponctionne donc une petite partie de l’argent qui est sorti de chez vous pour acheter de la dette.
- Il faut faire vivre les gens qui collectent l’impôt : on ponctionne donc une petite partie de l’argent qui est sorti de chez vous pour rembourser la dette.
- Vous serez donc potentiellement remboursés de ce que vous avez donné (de l’argent rentre), avec les intérêts. Chouette. Sauf que vous aurez été prélevé sur ce bénéfice honteux, l’état prelevant CSG et CRDS sur les intérêts de la dette que vous remboursez par vos impôts.
Et, au fait, pour que vous soyez remboursés, il faut bien sûr que l’état trouve de l’argent (via la croissance et la création de richesse). Sinon, … eh bien sinon, il vous rembourse en monnaie de singe. Ou pas du tout.
Je pense qu’il n’est nul besoin de s’attarder sur l’analogie avec le Pal évoqué plus haut, je crois qu’à ce point, vous avez saisi.
…
La question qui se pose alors est : pourquoi l’état se donne-t-il maintenant, après plus de ving ans d’émissions d’OAT (les premières datent du début des années 80), la possibilité de collecter des fonds auprès des particuliers ? Serait-ce parce que bientôt, il le sait, il n’y aura pas d’autre source réelle d’argent frais ?
Ca ne sent pas bon, ou c’est moi ?
France Trésor met les OAT à portée des particuliers
Note : pour être totalement honnête, il existe depuis 94 la possibilité pour les particuliers d’acheter des OAT. Mais le fiasco général succès mitigé de l’opération a sans doute fait pencher notre Trésor pour une simplification salvatrice. Après tout, le temps nous est compté, non ?