Prises séparément, la plupart des informations dont nous abreuvent les médias, tous les jours, ne sont pas à proprement parler toutes pertinentes, ni même reliées. Parfois, le manque de recul ou le manque de perspective nouvelle ne permet pas de se faire une idée cohérente de cette masse d’informations. Pour les hommes de la rue, cela n’est pas, à proprement parler, gênant. Pour les politiques qui nous gouvernent, cela conduit généralement à de gros problèmes.

En montagne, lorsqu’il neige, les spécialistes du cru savent reconnaître dans les flocons, leur densité, leur nombre et l’état du sol qui va les recevoir les conditions de formation d’une avalanche. Cette faculté, bien sûr, ne s’acquiert pas en se contentant de regarder chaque flocon individuellement. D’abord car cela n’est pas possible et surtout parce que cette prévision s’appuie surtout sur une vision d’ensemble.

Les Français se sont détournés de la politique, progressivement. Il y a plusieurs raisons sans doute, mais l’une d’elle est précisemment le fait que, parmi les politiques, ceux qui gouvernent et ceux qui les critiquent, aucun ne semble disposer d’une vision d’ensemble, aucun ne semble voir, perché sur sa montagne, que l’avalanche approche.

Tous, studieusement, étudient minutieusement chaque flocon d’information, le dissèque et le commente. Tous ont une ou plusieurs idée à émettre à son sujet, sur comment le faire fondre – ou comment le conserver, comment en modifier la forme, où en trouver un autre semblable, où le déposer pour qu’il fasse joli ou qu’au contraire il passe inaperçu. Mais aucun de ces élus, politiques, gouvernants ou homme de pouvoir ne semble avoir pris la distance nécessaire pour voir l’avalanche qui se prépare.

Pour étayer mon analogie, j’ai déjà introduis dans les posts précédents quelques éléments de réflexions. Je me suis livré à certaines analyses sur des faits d’actualités saillants (sur un ou deux flocons, en somme).

Mais ces derniers jours, la pluie neigeuse semble plus drue. Jugez plutôt…

• L’association des hôpitaux privés sans but lucratif a indiqué le 3 décembre que leur situation financière (900 établissements) est plus que précaire fin 2005. Leurs charges sociales sont significativement plus élevées que les hôpitaux publics dont une partie est prise en charge sur le budget de l’état.

• Toujours dans le domaine de la santé, n’oublions pas que les retraites des médecins hospitaliers vont se voir amputées de 40% en janvier 2007, et ce qui génère un mouvement de grève.

• Sarkozy, notre miniministre, a confirmé dans la foulée l’octroi d’une prime de 300 euros pour les 22.000 fonctionnaires de police (cela fait 6.600.000 euros) pour le mois de décembre. Cette prime sera évidemment prélevée sur le budget de l’état.

• Le Pôle des Retraités de la Fonction Publique semble inquiet de la part des retraites dans la dette publique (900 milliards sur les 2000 maintenant officiels) (la Tribune du 3/12).

• Selon Jean Arthuis, la dette réelle serait en fait proche de 2300 milliards, car il faudrait prendre en compte les régimes spéciaux (RATP, SNCF, La Poste, EDF, …), l’amortissement de la dette de la SNCF, et certaines dépenses fiscales (avantages de Robien, Besson, …). S&P a raison de s’inquiéter.

• Villepin (pour doubler Sarkozy, je suppose, dans la course qu’ils mènent à celui qui distribuera le plus de cadeaux) a confirmé la reconduction de la prime de Noël des RMIstes (les déclarations afférentes qu’il a commises sont d’ailleurs croquignolesques, mais pas le sujet de ce post – dommage, il y avait de quoi rire). Les 200 millions d’euros pour cette prime sont évidemment prévus sur le budget de l’état.

• Christian Jacob, le ministre monotâche dédié à la gestion de la gestion au ministère de la fonction publique, propose maintenant de revaloriser les salaires des fonctionnaires de 0.8 à 1%, ce qui aurait un coût global de 1.5 milliards d’euros, dont 800 millions pour (je vous le donne en mille) le budget de l’état.

• etc, etc, etc…

Je n’ajouterai pas à mon petit panorama les informations que j’ai déjà relatées auparavant, mais on se rend facilement compte qu’à chaque fois, l’état intervient. L’état prend fermement d’une main ce qu’il donne mal de l’autre. L’état distribue, revalorise, ponctionne, tripote et manipule.

Le tableau brossé est sans équivoque : les petits flocons sont en fait, à force de compter, de grosses congères. Le sol est glissant. Et, pour paraphraser un premier ministre à la formule facile, même si la route est droite, la pente est forte.

Mais, ce qui est le plus surprenant, c’est l’absence (apparente ou réelle, voulue ou inconsciente ?) de prise de recul de nos politiques. Aucun ne semble avoir, devant ces informations, la grille de lecture adaptée. Ils se sont tous dotés d’un objectif macro, alors qu’un grand-angle semble s’imposer. Ils ont tous le désir affiché d’aider tout le monde et chacun, en s’attardant sur chaque cas spécifique : ils font dans le social, l’assistance puis l’assistanat puis l’irresponsabilisation, l’abêtissement et l’infantilisation.

En voulant ainsi aider tout le monde, ils n’aident personne. En refusant, par dogme, par peur de la vérité, par atavisme et par habitude, de se pencher sur les solutions libérales, ils se contentent des seuls instruments qu’ils manipulent avec art, le microscope, au lieu de relever la tête et de regarder autour d’eux…

Quand, toujours baignés de leurs grilles marxisantes, bienpensantes ou seulement gnangnan, ils appuient les médias franco-français dans leur haine du libéralisme, dans leurs caricatures d’analyses collectivistes, ils se coupent de toutes les solutions qui ont fonctionné, fonctionnent et fonctionneront dans tous les pays qui les ont mises en place.

En attendant, les flocons tombent, et, au lieu de préparer les avertissements d’avalanche pour la vallée ou les explosifs pour la déclencher préventivement …

… ils mettent en marche les canons à neige.