L’état vit dans un paradoxe moral constant. En effet, comment motiver ou remotiver les citoyens qu’il ponctionne pour ses besoins, en les culpabilisant d’une dette monstrueuse qu’il rejette sur eux, tout en, dans le même temps, continuant pourtant de creuser cette dette ?
Comment expliquer sa position quand, d’un côté, il prône une égalité de traitement de tous et envisage dans le même temps la discrimination positive ?
Comment peut-il trouver une légitimité alors que d’un côté il distribue les leçons d’économie, de morale, d’histoire ou de politique, et de l’autre, ne peut pas, pour des raisons économiques, morales, historiques ou politiques, appliquer à lui-même les leçons qu’il a si brillamment données ?
Ces jours-ci, le paradoxe moral concerne la Chine.
D’un côté, le Chi et son gouvernement devraient dénoncer les conditions abominables des prisonniers politiques Chinois, le manque (l’absence, devrais-je dire) de liberté d’expression, les inégalités criantes de traitement entre les 10% de Chinois les plus riches et le reste, qui ne mange pas tous les jours à sa faim.
De l’autre, le Chi et son gouverment sont tout à fait heureux de signer des contrats plus ou moins bienvenus pour la France.
Mais quelles bassesses, quelles turpitudes, quels arrangements glauques, faits de petites soumissions, de vils compromis et de silences oublieux bien commodes ces contrats cachent-ils ? Et le bénéfice total de ces contrats, sur le long terme, est-il réellement assuré ?
Bastiat avait bien montré, notamment dans le domaine économique, qu’il y a ce qu’on voit, et que l’état et ses commis, plus souvent qu’à leur tour, oublient bien vite qu’il y a aussi ce qu’on ne voit pas.
Dans le cas des contrats avec la Chine, ce qu’on voit, c’est les milliards d’euros qui rentrent, les technologies qu’on vend, les emplois qu’on crée, et les relations qui se nouent. Peut-être y voit-on aussi une forme d’ingérence – timide mais possible – dans les affaires de ce grand empire, et, peut-être, une voie pour l’amélioration des conditions de vie locales ? On peut rêver.
Mais ce qu’on ne voit pas, c’est que ces contrats sont signés avec les mains moites de la honte ou du compromis chuchoté, typique des mafiosi signant des pactes entre eux.
Les dirigeants Chinois, de leur côté, sont des despotes qui abuseront des petites lâchetés de nos élus pour continuer à profiter outrageusement du système en spoliant la population qu’ils sont sensés diriger (et seulement diriger, pas digérer). Un jour, ces despotes tomberont, comme tombent petit à petit les despotes africains. Un jour, ils seront honnis, et honnis seront ceux qui les ont soutenu, par action ou par omission. Nos petits étatistes seront de ceux-là. Et ceux qui n’en seront plus auront laissé une tâche indélibile sur la France. Une de plus.
Les dirigeants Français, de leur côté, savent très bien qu’ils ont affaire à forte partie. Qu’en faisant moultes concessions, ils ont acheté avec les contrats de l’orient la paix sociale de leur petit occident. Ces Chinois qui, ne l’oublions pas, ont envoyé des hommes en orbite, ces Chinois qui commercent depuis des millénaires et en savent bien plus sur la nature humaine que nos piètres étatistes, croyez-vous qu’ils ne savent pas construire des avions au point que nous ayons besoin d’installer des chaînes de montage chez eux ? Croyez vous qu’un pays qui compte 1.500 millions d’individus ne saura pas trouver en son sein ceux qui auront le savoir, l’intelligence, la force, le courage ou simplement l’astuce de refaire aussi bien, puis mieux, que ce que nous avons fait ?
Sachant cela, est-ce une si bonne affaire que ces contrats ? La position libérale est de favoriser le commerce, mais pas avec n’importe qui, et pas à n’importe quel prix. Doit-on commercer avec le diable ? Pour l’état, ce serait oui, facilement.
Le paradoxe de l’état, au final, ne consiste-t-il pas à dénoncer, encore et toujours, les visions de court-terme de tout-un-chacun, des assurés sociaux, des patrons, des opérateurs boursiers ou des actionnaires, selon l’humeur, et à se comporter, dans ses propres relations diplomatiques, économiques et politiques, exactement pareil, en privilégiant toujours le court-terme, l’instantané et le superficiel ?
Et ce paradoxe, au final, n’explique-t-il pas l’opinion toujours plus mauvaise que les citoyens ont des commis qu’ils désignent ?
« Un jour ces despotes tomberont »
Oui, comme les autres. Pendant ce temps ils existent, ils continueront d’exister et feront leur oeuvre. Comme le bien a besoin du mal pour exister, Je suis en train de me demander si le libéralisme n’a pas besoin de ses opposants pour s’affirmer et exister. Là où ce constat me pose problème, c’est quand le libre arbitre et l’exercice d’un choix disparaîssent.
Quelqu’un à une solution miracle pour faire en sorte que le bien écrase le mal, le blanc efface le noir, les pauvres soient riches, ceux qui sont moches deviennent des top models ?
« Doit-on commercer avec le diable ? »
Si c’est pas nous, d’autres nations s’en chargeront à notre place. C’est comme l’histoire des OGM, de la thérapie génique, etc… on s’est tourné le doigt dans le derrière avec nos commissions d’éthique, pour quel résultat ? Voir les grands acteurs français de l’industrie pharmaceutique s’implanter aux Etats-Unis pour ne pas être disqualifiés avant le départ de la course à la conquète de ce marcher inévitable. Que fait-on au final ? On autorise les manipulations génétiques discrètement et on se range au bon sens. Le problème de ces petites masturbations éthiques, c’est que nous avons définitivement pris un retard que nous ne rattraperons pas. On achètera aux autres ce qu’on aurait pu leur vendre.
Si ça c’est pas un coup de pied dans l’économie nationale…
Les exemples sont nombreux et leur impact pas facilement mesurable. Mais en les additionnant, j’ai bien peur qu’on finisse par avoir de plus en plus de mal à rester dans la course. Que fera-t-on à ce moment-là pour essayer de sauver la mise ? On mettra nos nos problèmes éthiques sous un beau tas de fumier bien chaud et on se trouvera sans doute bien con de pas avoir pactisé avec le diable plus tôt. Alors je ne sais pas si ces contrats sont une si bonne affaires, mais en tout, c’est peut être moins pire que de pas les avoir. Comme dirait l’autre : « Entre deux maux, il faut choisir le moindre. »
« Le paradoxe de l’état, au final, ne consiste-t-il pas à dénoncer, encore et toujours, les visions de court-terme de tout-un-chacun, des assurés sociaux, des patrons, des opérateurs boursiers ou des actionnaires, selon l’humeur, et à se comporter, dans ses propres relations diplomatiques, économiques et politiques, exactement pareil, en privilégiant toujours le court-terme, l’instantané et le superficiel ? »
Sans doute, mais encore faut-il exlpiquer à vulgus pecus qu’il faut sacrifier une génération entière pour inverser une tendance de manière durable, et le lui faire avaler. La réaction est vite vue : « Mais euh, chui pô responsable du malheur de la planète moi. Et puis j’en n’ai rien à faire de comment ça sera quand je serai mort. »
Alors à mon sens, le gros problème, c’est que la majorité des gens, qu’ils soient dirigeants politiques ou simples citoyens, veulent des résultats concrets, vite fait bien fait, pour continuer à dormir sur leurs deux oreilles toutes les nuits. En se disant que de toute manière, on n’y changera rien, qu’on n’a qu’une vie et que personne ne nous remerciera de s’être sacrifiés pour que les autres vivent mieux. C’est dégueulasse, mais c’est comme ça.
"Doit-on commercer avec le diable ?"
-Si c’est pas nous, d’autres nations s’en chargeront à notre place.
C’est ça, les SS faisaient bien leur boulot… pas le choix, sinon ça aurait été quelqu’un d’autre…
La Chine n’est pas le diable, c’est seulement un groupe d’individus victimes de leur état, tout comme vous, tout comme moi.
"Croyez vous qu’un pays qui compte 1.500 millions d’individus ne saura pas trouver en son sein ceux qui auront le savoir, l’intelligence, la force, le courage ou simplement l’astuce de refaire aussi bien, puis mieux, que ce que nous avons fait ?"
Tout comme la France pourrait le faire… mais ça prends du temps redévelopper les technologies et ce temps à un coût. C’est ce coût que les Chinois sont prêts à payer.
Les lois économiques s’appliquent pour tous, comme la gravité, que l’on soit mille ou mille millions. La division du travail est donc avantageuse pour tous, même pour la Chine.
"Ces Chinois qui, ne l’oublions pas, ont envoyé des hommes en orbite, ces Chinois qui commercent depuis des millénaires et en savent bien plus sur la nature humaine que nos piètres étatistes(…)"
C’est à se demander comment ils ont pu sombrer dans le communisme!
@dko : le but du post n’était pas d’essayer de répondre à la vaste question du « commerce avec le diable » (elle mériterait un post entier), mais de montrer en fait le paradoxe de la position des états (notamment Français) qui d’un côté fustigent les atteintes aux droits de l’homme et de l’autre oublient bien vite leurs positions éthiques quand ils commercent.
@frozenlock : que les lois de l’économie s’appliquent à tous, cela est évident. Mais, là encore, il y a paradoxe entre les positions de l’état (français ici) qui veut « sauvegarder l’emploi national », faire preuve de « patriotisme économique » et qui, dans la plus parfaite hypocrisie, va installer une usine en Chine. Pour ma part, en tant que libéral, le lieu ou l’usine est construite est un aspect mineur ; le point essentiel ici est l’absence complète de cohérence dans les actions de l’état entre deux moments donnés.
Enfin, le communisme chinois ne représente au final que quelques décennies, ce qui, sur des millénaires de civilisation commerciale et scientifique, ne représente qu’un bref épisode. Ils ont sombré dans le communisme, mais ils en sortiront, cela est certain. Et ils prouvent dès à présent qu’ils ont beaucoup de ressources et d’inventivité. Une fois les verrous du communisme partis, …
C’est bien sur le paradoxe que h16 met en évidence que je me suis aventuré à dire que pour moi, nous n’avons pas le choix.
Effectivement, ce n’est pas politiquement correct pour nous de cautionner les pays qui piétinent les droits de l’homme, et sincèrement, je préfère encore être Français que Chinois. D’un autre côté, j’expose pourquoi à mon avis, on ne peut pas faire autrement que de lorgner sur ce marcher aussi. Sinon, je le répète, si c’est pas nous qui leur vendons ce que nous avons produit, ce sera d’autres nations qui s’en chargeront. Qu’ils se fichent ou non des droits de l’homme.
On pourrait transposer cette réflexion à notre comportement vis-à-vis des Etats-Unis. On ne fait pas mieux avec eux ! Les Etats-Unis ne sont pas réputés pour être super clean avec le respect des droits de l’homme. Et pourtant, on préfère arrondir les angles et pas trop se fâcher pour fourguer nos marchandises.
Eh oui, nos politiciens ne sont pas à un paradoxe près. Il faut à la fois dire que c’est pas bien de faire travailler les enfants, et leur passer la pommade dans le dos pour qu’ils nous fassent gagner de l’argent…
Je dirais qu’au contraire, l’hypocrisie a lieu lorsque l’état prend une attitude protectionniste, car là il ne protège vraiment pas l’emploi de ses citoyens, il nuit à leur économie. Mais bon, j’avoue que de construire des usines à l’étranger, ce n’est pas ce que le citoyen moyen espère lorsqu’il demande une protection pour son emploi et qu’en ce sens, c’est de l’hypocrisie.
Puis pour le communisme, bien sûr qu’ils vont en sortir! Je l’espère de tout coeur! Mais même si cette phase n’est qu’un battement de coeur dans toute leur histoire, cela nous démontre que malgré toutes la connaissance qu’ils ont acquise, ils sont toujours vulnérables à l’erreur. Il est donc concevable qu’ils puissent avoir besoin de nous.
En lisant votre post, j’ai eu l’impression que vous affirmiez que les chinois n’avaient aucune raison de commercer avec d’autres nations. Mes excuses si j’ai mal interprété vos propos.
Non seulement les Chinois doivent commercer avec les autres nations (c’est ce qui, finalement, achèvera le communisme), mais (et c’est ce que je voulais dire) ils ont plusieurs longueurs d’avance sur nous. Etant capables de faire des fusées, faire des avions ne leur posera pas de problème. En favorisant l’implantation de cette usine sur place (avec nos impôts, de fait), nous les y aidons.
Encore une fois, ma position est neutre vis à vis des contrats en tant que tels : tant mieux pour eux, tant mieux pour nous (?). Le problème est, ici, la position incohérente de l’état. Et, pour que les choses soient bien claires, étant libéral, tout type de protectionnisme est pour moi une aberration.
Accessoirement, j’aurai pu prendre comme exemple, à la place des contrats chinois, l’affaire des avions espions et des prisons de la CIA sur le sol européen : d’un côté, les autorités européennes se sont (hypocritement) affolées à l’idée que la torture aurait été employée sur son sol, de l’autre, plus personne ne moufte quand Condi Rice débarque et rappelle que les européens sont les premiers bénéficiaires après les américains des efforts de renseignements qu’ils fournissent de la sorte…