Régulièrement, l’interventionnisme étatique permet de découvrir des trésors cachés dans nos hommes politiques. Vous en doutez ? Et pourtant, Dominique Galopin de Villeuzeau, à la faveur des récents événements, a pu déployer toute une panoplie de qualités, que dis-je, de talents, que n’aurait pas renié un James Bond en pleine mission.
Ainsi, alors que Dominique, dit le Galopin, est poursuivi par des espions délateurs, des corbeaux hitchcockiens et des informaticiens retors, il trouve encore le temps, armé de son plus beau costume et de sa plus belle coupe de cheveux, de batailler contre les affreux capitalistes d’EADS, ceux-là même qui, via un de leurs directeurs, l’ont mis dans un bourbier politico-financier pas piqué des hannetons.
Le McGyver de la politique française, toujours prêt mener le dernier combat muni d’un trombone et d’un rouleau de scotch, s’est donc fendu d’un petit discours plein de volonté dont il a le secret : “J’ai un objectif: obtenir qu’une activité industrielle se poursuive par le groupe EADS ici à Mérignac. L’industrie aéronautique est installée ici à Mérignac depuis des générations. Il est donc important que cette activité continue et que le plus grand nombre d’emplois soit préservé”, a-t-il dit. Bon.
Il veut donc tout faire pour conserver sur Mérignac une entreprise qui perd plus de 200.000.000 d’euros par an. Et on ne peut l’en blâmer ! Pensez-donc : cela fait des générations que les habitants du crus sont dans l’industrie aéronautique. D’ailleurs, en poussant un peu le lyrisme, on imagine sans mal que déjà, au moyen-âge, là où les bâtisseurs parisiens tentaient le gothique d’une cathédrale gigantesque, les petits artisans de Mérignac bricolaient déjà dans l’industrie aéronautique ! Des générations, qu’on vous dit.
Il fait donc preuve, ainsi :
- de courage : en s’élevant ainsi contre des patrons sans scrupules, il peut sauver la veuve, l’orphelin, et le petit artisan-aéronautique de Mérignac.
- de détermination : il ne lâchera pas le morceau, il l’a dit : 300 emplois sauvés, ce n’est pas encore assez ! Il en faut plus ! Mettons 3000, cela semble un objectif correct !
- de finesse : en utilisant ainsi son “courage” et sa “détermination”, il permet à la presse déchaînée de se focaliser sur autre chose que ses déboires avec Nicolas S., son ennemi juré, le Dr. No du gouvernement.
- de lucidité : car enfin, il en faut une bonne dose, pour se dire que l'”état peut tout”, au contraire d’un Jospin défaitiste qui en son temps avait abdiqué devant les licenciements boursiers de Michelin.
Si ça, ce ne sont pas des qualités en béton armé pour contrer les enquiquinements, James Bond n’a plus qu’à partir en retraite !
Mais notre vaillant politique semble oublier plusieurs petits détails. Et ces petits détails, à l’aune d’une affaire Flot Clair passablement bourbeuse, ajoutent au ridicule de la posture de chevalier que tente d’affecter le premier ministre.
En effet, le Galopin s’est, dans cette histoire, improvisé Expert Industriel : il veut sauver des emplois, certes, mais à quel prix ? Et finalement, à quel coût, pour nous, les contribuables ?
L’état est actionnaire d’EADS à 15% . Il était donc au courant depuis longtemps de la situation catastrophique de la SOGERMA, et Villepin aurait pu soit réagir plus vite (ayant alors un peu moins l’air de réagir à contre-temps pour étouffer l’autre affaire EADS), soit ne pas réagir du tout (ce qui n’aurait finalement pas plus nuit à son image déjà pitoyable).
Et au fait, que connaît-il au sujet, le brave Dominique ? Quelle entreprise de renom a-t-il dirigé d’une main experte ? Ah, oui … Aucune. Ses conseils et ses décisions, dans ce domaine, sont donc frappé au coin de l’expérience, du bon sens et du pragmatisme (qui caractérisent au demeurant nos politiques). Et que risque-t-il, dans cette affaire ? Son argent personnel ? Pas vraiment. Sa place ? Non plus. Alors ?
Alors, comme Dominique ne semble pas en peine pour proposer, puis imposer des solutions dispendieuses à des gens qui s’y connaissent a priori mieux que lui, et imposer ces solutions sur le budget de personnes qui auraient certainement mieux à faire de leur argent que ça, je propose à mon tour (sans pouvoir imposer … dommage) que le Galopin place lui-même son argent dans cette société moribonde, qu’il en devienne le dirigeant, et qu’il nous montre, lui, le donneur de leçons interventionniste, un bel exemple de sa capacité à faire mieux : sauver pleins d’emplois, créer du bénéfice, faire perdurer l’activité millénaire multigénérationnelle aéronautique à Mérignac…
…
Mais bon, il ne faut pas se leurrer : ce que le Galopin tente ici, c’est un simple coup double : d’un côté, il tente une diversion, de l’autre, un retour à l’envoyeur.
La diversion ne fera pas long-feu : elle est par trop voyante. Tout le monde sait que cette tentative d’intervention dans une fermeture industrielle n’est qu’un cache-misère de ses turpitudes politiques, et déjà, plusieurs articles de journaux la mentionnent comme telle. Raté, Dom, il faudra faire plus subtil la prochaine fois.
Le retour à l’envoyeur, lui, est un peu mieux troussé : EADS, en témoignera Gergorin, sait maintenant à quoi s’en tenir. Plus de canards boiteux chez vous, sinon, Dom l’Intrépide interviendra à tout propos et hors de propos, pinaillera et jouera du biceps … dans votre conseil d’administration. Vous n’avez pas fini de l’avoir sur le dos, le Galopin.
…
Ce qui est finalement fort enquiquinant, dans tout ça, c’est que ce genre de bêtises affligeantes et de gamineries dignes d’une cour d’école, on risque d’en manger encore pendant un an.