Janus

Dans la vie politique bouillonnante de notre pays, on oppose depuis des lustres les élus de la droite avec ceux de la gauche, et, actuellement, Villepin et Hollande. On n’a pas franchement tort, puisque quand la presse ne les oppose pas, ils se chargent eux-même de le faire violemment. Cependant, comme un aimant monopolaire ne peut exister, on se surprend parfois à constater que cet antagonisme, loin de provoquer des mouvements, de mobiliser des énergies, semble parfaitement naturel, convenu et indispensable à l’équilibre naturel de ce pays.

En effet, nos deux protagonistes, tels des catcheurs entraînés, bardés de Lycra et affublés d’un sobriquet idoine, s’entraînent régulièrement dans des corps à corps moites où les prises de catch les plus dévastatrices et les plus expertes s’enchaînent pour faire tomber l’autre. Et, comme dans un match de catch, tout est truqué. Les adversaires se connaissent de longue date. François le Culbuto Hollandais contre Villepin Le Défourailleur Des Flots Clairs, c’est une affiche connue et reconnue depuis un moment. Quant aux coups portés, ils sont massivement médiatisés, préparés de longue date, et minutés comme du papier à musique. Le spectacle ne laisse en effet aucune place à l’improvisation.

Mais cela va plus loin : si l’on analyse plus finement, on se rend compte que les deux catcheurs sont … frères. Ou, tout du moins, ils représentent, à la façon d’un Janus biface, chacun une face différente d’un même personnage, celle de l’Homme d’Etat Français traditionnel.

Car s’ils sont parfois opposés pour les besoins de la scène, sous les feux de la rampe (‘ faut bien bouffer), ils partagent en réalité de fort nombreux points communs.

Enarques tous les deux, c’est à la tétine de l’état qu’ils ont été nourris depuis leurs plus tendres débuts. L’un comme l’autre, de génération proche, auront vécu les petites aventures de l’état français sur les dernières années et se seront l’un et l’autre habitués aux manoeuvres politico-politiciennes que leurs aînés se sont entraînés à forger comme habitude dans ce petit pays.

L’un et l’autre n’ont jamais eu de responsabilités nationales. Dom a pris un peu d’avance en devenant premier ministre, mais le François a surtout eu, ici, le mauvais goût d’être dans le camp adverse ; ils auraient pu échanger leur place l’un et l’autre il y a vingt ans, et nous serions, aux noms près, devant les mêmes constats maintenant… Et si Hollande a subi le baptême des urnes, Villepin, non. Au final, leur légitimité au pouvoir suprême est aussi médiocre à l’un qu’à l’autre.

Et sur le plan politique, celui des idées, quelle différence ?

Quelle différence entre les discours étatistes et interventionnistes grandiloquents de Villepin et ceux, étatistes et interventionnistes grandiloquents, de Hollande ? Quand l’un prône de baisser les impôts sans toucher les dépenses, et quand l’autre annonce clairement qu’il veut augmenter les dépenses et la redistribution sans toucher aux impôts, n’a-t-on pas là l’exemple parfait de la symétrie d’action qui les anime ? Dans les deux cas, l’état enfle, les déficits se creusent, les finances partent en sucette. Dans les deux cas, il y a aura des mécontents par douzaine. Et dans les deux cas, le résultat sera le même : les problèmes français perdureront à l’évidence.

Quelle différence entre les méthodes politicardes de l’un et de l’autre ? Hollande utilise des techniques réthoriques vieilles comme le monde, Villepin aussi. L’un et l’autre manient l’emphase, le jeu de manche, l’esbrouffe et la poudre aux yeux.

Quelle différence dans leurs comportements ? L’un et l’autre, utilisant les mêmes méthodes, l’un comme chef du gouvernement, l’autre comme chef de parti, obtiennent les mêmes résultats … minables. Le parti socialiste français peut se targuer d’être le plus rétrograde, le plus collectiviste et certainement le moins porteur d’élan populaire de toute l’Europe. Quant au gouvernement, il est sans conteste le plus foutraque, le plus interventionniste, le plus indiscipliné et inutile que nous ayons eu en France depuis un moment.

Quelle différence dans les soutiens ? L’un et l’autre ne peuvent plus guère compter que sur eux-mêmes. Pendant que Dom se retrouve progressivement seul dans son gouvernement, dans son parti, pressuré de toutes parts pour partir (à ce point qu’on l’imagine hanter, esseulé, tel un enfant perdu dans un supermarché vide, les couloirs de Matignon), François se fait gentiment doubler par sa propre femme, pendant que ses « amis » politiques l’évitent tant que faire se peut, en formant des courants, en proposant des programmes tous plus loufoques les uns que les autres et dans un but qu’on croirait presque destiné à bousculer le flamby.

Quelle marge de manoeuvre ? Le Villepin n’en a aucune, coincé entre les constipations sociales de son chef et celles de la rue manipulée par les syndicats. Hollande n’en a pas non plus, improbable candidat à la présidentielle en même temps que sa femme, coincé entre la volonté de dépoussiérer un parti qui pousse à gauche et un électorat fuyant qui pousse à droite…

Quel avenir, finalement ? L’un ne sera pas présidentiable (le PS n’en voudra pas), l’autre ne pourra pas (usé, rabougri par le pouvoir)…

Et pour aucun de nos deux lascars, le peuple n’est prêt à suivre. Dispersé, boudeur et moqueur, il les regarde se dépêtrer sur leur ring couvert de confiture de framboise, enchaînant les Diamond’s Cutter, Chokeslam, Crippler Crossface ou Jackhammer sur un rythme endiablé, prêts à se déchirer le slip en polyamides chatoyants pour attirer son attention.

Mais … Aussi semblables soient-ils, leur opposition, toute médiatique, factice et empailletée qu’elle est, n’en est pas moins nécessaire. Si ces joyeux lurons, le ventre mou de la République (ou leurs successeurs), venaient à disparaître, le consensus vague qui repose sur l’impression d’alternance dans ce pays disparaîtrait aussi, laissant un boulevard aux extrémismes exacerbés.

Chacun l’aura compris : le spectacle pathétique qui nous est donné actuellement ressemble à s’y méprendre à une tragédie grecque : pour le moment, on dirait une comédie. Mais au fur et à mesure que l’échéance (électorale ?) approche, cependant, il devient évident que cela va mal se terminer.

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Commentaires1

  1. chris

    Oui, cela se terminera mal…

    Un entrefilet catché dans Libé ce matin… Lepen n’a jamais été aussi haut dans les sondages à un an des élections présidentielles, si l’on compare avec les sondages pour les scrutins précédents.
    Les instituts disent "corriger" les données, en fonction de 2002… Entraînant éventuellement une sur cote pour Lepen.

    Mais ils s’empressent d’ajouter : "même dans les données brutes, il monte".

    "12 %". Je vous laisse juger par vous-même la "sur cote"…. Alors qu’en 2002, c’était 18%…

    Bref, accrochons nos ceintures, va y’a avoir du sport.

    Alors Dom et Franfran, franchement c’est tellement pathétique. Ils constituent tous deux des "non événements".

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