Je vis en terrain hanté. Non, mon logement n’a pas été construit sur un ancien cimetière de communistes dans lequel aurait été déversé par mégarde les résidus frelatés d’une fabrique d’OGM putrides monsantiens qui auraient provoqué de terribles mutations capilotractées sur les cadavres putréfiés pour les faire revivre, la nuit tombée, bavant, puant et vagissant des » kapitalisssssss’ » lugubres à mes volets. Vous n’y êtes pas. Chez moi, il s’agit de poltergeists.
Pour rappel, un poltergeist, c’est un esprit, qui apparaît éventuellement sous forme d’ectoplasme, et qui vient troubler la victime de façon répétée, en déplaçant, modifiant, supprimant des objets de sa vie courante.
On pourrait s’attendre à ce que les poltergeists agissent de façon bruyante, voyante. Mais chez moi, il en fut tout autrement. Ils se sont installés subrepticement, insidieusement, et il aura fallu un ensemble de faits cohérents pour que je m’aperçoive de leur présence.
J’ai commencé à avoir des doutes ce matin même en brossant mes dents. Les lecteurs habitués de ce blog se rappelleront qu’il m’arrive parfois plein de choses quand je me brosse les quenottes. Cette fois-ci, la sensation diffuse d’être épié s’éveilla quand j’enfournais une brosse trop recouverte de pâte dentifrice dans la bouche. Pas de radio ce matin, peu de bruit autour de moi, si ce n’est celui du robinet, resté ouvert et débitant un petit filet d’eau. Tsk tsk tsk : il faut le refermer. Ca gaspille de l’eau et la Terre souffre.
C’est en nettoyant les reliefs du petit-déjeûner qu’une seconde sensation m’envahit. Je venais de jeter la petite cartonette qui entourait les biscottes rondes aux raisins (hum, délicieux avec un petit peu de beurre dessus) dans la poubelle. Oh, alors que c’est du carton ! Recyclable, donc, et qui aurait dû logiquement échouer dans le bac prévu pour les cartons. Tsk tsk tsk. Il faut trier. Ce sont des économies d’énergies et la Terre en a besoin.
La troisième sensation désagréable me titilla quand j’allais couper la petite radio allumée pendant l’enfournage de biscottes alors qu’une réclame pathétique de nullité me vantait un bon petit verre de Côtes du Rhône, sachant tout de même, tsk tsk tsk, que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. J’avais éprouvé la même sensation lorsque, devant ma télé, j’avais entre-aperçu il y a quelques jours des petits mots furtifs à la suite d’une publicité McDonald comme quoi manger trop gras, trop salé ou trop sucré me rendrait tout moche, tout bête et ferait tomber mon zizi. J’avais dû mal lire, mais la sensation, elle, subsistait.
Je commençais à avoir un peu peur.
La sensation s’est pourtant faite encore plus précise quand je suis allé sur internet. Je pensais échapper à cette désagréable impression qu’on me regardait, qu’on me jugeait de haut, et j’espérais trouver dans le réseau des réseaux une échappatoire à cet oeil de Caïn qui semblait planer en permanence au-dessus de moi.
La lecture de quelques articles (comme ici ou là) ne me permit cependant pas de m’affranchir de la montée maintenant plus claire et plus omniprésente de peur qui s’emparait de moi.
Pas de doute : les poltergeists avaient définitivement pris mon modeste foyer pour cible. J’avais eu connaissance de certains d’entre eux qui avaient fourbement installé des barrières autour des piscines chez des retraités ou des couples sans enfants, d’autres qui avaient malicieusement augmenté les tarifs de l’essence et notamment du gazole, réduisant drastiquement le pouvoir d’achat des gens, d’autres encore qui se logeaient jusque dans les parties amiantées des plaquettes de frein des automobiles pour les remplacer par des céramiques moins pratiques et plus chères.
A la façon de méchants gremlins, ceux qui avaient investi mon logement s’ingéniaient à me faire passer pour un être sans coeur, insouciant des réalités, petit facho sans le moindre scrupule. Utilisant ainsi les armes connues de la haine, de la discrimination, de la peur et de la désignation facile à la vindicte populaire, armes pourtant censées être combattues par ceux-là mêmes que les poltergeists voulaient représenter, les petits monstres me faisaient comprendre que :
– manger ce que je voulais constituait, en soi, un choix de vie détestable. Je me devais de manger 5 fruits et 5 légumes par jour, je devais faire du sport en frétillant mon petit arrière-train osseux de libéral maigrichon, je devais arrêter de saler mon poulet. Le contraire m’exposait à la maladie, la déchéance que la société, bien trop généreuse pour un profiteur comme moi, devrait ensuite gérer.
– faire le choix économique de prendre la voiture au lieu du pousse-pousse ou du vélo pour aller faire mes courses hebdomadaires pouvait s’assimiler à un délit contre l’humanité, avant que la catégorie du crime ne soit clairement atteinte lorsque j’aurai en plus l’outrecuidance de remplir mon caddie de biens pas du tout équitables (mais pas chers) et mon réservoir de (oh!) gazole.
– envisager sérieusement de s’abstenir de voter ou de voter blanc, alors que, de toute évidence, l’empire franconazi est en marche avec Sarkozy, relève soit d’une grave maladie psychiatrique, soit, plus probablement, d’une déconnexion complète avec la réalité afffffffolante qui s’offre à nous dans quelques jours, et méritait largement de me faire trembler dans mon petit slip.
J’ai rapidement consulté un exorciste qui m’a simplement fait remarquer que la plupart des monstres, ceux dans le placard, sous le lit ou ceux qui se cachent dans les moteurs pour les casser dès qu’on se sert d’une machine disparaissent complètement quand ils sont placés à la lumière. Tout comme les gremlins qui craignent l’exposition au soleil, ou les monstres enfantins qui disparaissent quand la veilleuse est allumée, les poltergeists collectivistes ne résistent pas à la mise en lumière.
Or, dans mon cas, une telle opération n’est pas aisée. En son temps, Bastiat avait déjà du batailler fort âprement pour dénoncer les sophismes économiques auxquels il fut confronté pendant ses mandats de député. De nos jours, ce ne sont pas toujours des sophismes (la panoplie s’est étendue dans l’absurde et la bêtise), et le domaine n’est pas toujours économique…
La dernière matérialisation des poltergeists, après la peur déclenchée par les documentaires prémâchés – bouh, le vilain réchauffement, bouh le vilain gaspillage, bouh les vilains capitalistes – montre qu’ils agissent finalement toujours de la même façon : sans demi-mesure, on place l’adversaire dans la position de défense, on l’attaque en le rendant démoniaque à des degrés caricaturaux, et on projette en lui toute la haine qu’on exprime pourtant sans vergogne à son encontre. Le poltergeist se doit alors de faire peur en faisant passer l’ennemi pour la pire catastrophe qui soit, et pour laquelle seule une morale irréprochable (lisez : la sienne) permettra d’éviter l’armageddon :
– Comment éviter le réchauffement qui déclenche des ouragans, la fonte des glaciers, la montée du niveau de la mer ? En suivant, à vélo, les collectivistes dans leurs exhortations, parbleu !
– Comment éviter la pollution qui souille les paysages, qui tue des milliers d’espèces vivantes, qui provoque des maladies graves, qui rend infertile ? En appliquant à la lettre les dogmes des statolâtres, saperlipopette !
– Comment empêcher que les pauvres se fassent exploiter, que les guerres se déclenchent ou que les enfants cousent des chaussures ? En demandant à l’Etat, à l’ONU, à l’OTAN, aux zôtres,… d’intervenir, pardi !
– Comment être moralement irréprochable et empêcher la société française de se déchirer, et lui permettre de retrouver la paix ? En fournissant une assise forte à Ségolène, voyons !
Et, pour cela, il faudra faire un peu le monstre : il faudra bien, pour faire passer son message et réaliser la bonne omelette démocratique, vandaliser quelques oeufs et quelques façades.
Muni de cette constatation, je suis plus serein. Les petits couinements énervés des petits monstres inutiles qui hantent mon poste de radio, mon robinet, ma télé ou ma voiture ne m’inquiètent plus.
La partie n’est cependant pas gagnée. Si mes petits monstres sont maîtrisés, ceux des autres les titillent, tous les jours. Et par un pervers mécanisme de propagation, certains de ces petits monstres, habiles et culottés, en viennent même à manipuler leurs victimes qui alors envoûtées, consentantes et irréfléchies, les rejoignent dans leurs concerts grinçants de protestations.
Le combat continue…
Et comme les gremlins, ces monstres se gâvent allègrement aux tétines étatiques et se multiplient au mépris de toute raison. On avait pourtant prévenu de ne pas leur filer à bouffer après mai 68…
Excellent billet, ceci dit ;o)
tres bon article mais le poltergeist de l ortografe frappe
échapattoire est un nom feminin
Aucune échappatoire possible; aucun moyen de s’en tirer. (Gide, dans le Petit Robert.)
voila le poltergesit de l ortografe peut aller hanter d otre blog.
Ok, c’est noté et corrigé. Merci, Poltergeist De L’Ortografe !