Chips et statistiques ethniques

Le risque, en créant des Commissions, des Hautes Autorités et des Secrétariats aux noms rutilants et aux tubulures chromées, c’est que les gens qui y sont nommés finissent par y faire quelque chose. Et pan, ça n’a pas loupé : alors que Yazid Sabeg avait trouvé un petit poste au chaud où, finalement, personne ne lui demandait réellement quoi que ce soit, le voilà qui sort de sa léthargie et commence à remuer le petit monde politique avec son idée. Et quelle idée !

Or donc, Sarkozy, dans son immense largesse avec nos fonds publics, aura nommé Yazid Sabeg comme Commissaire à la Diversité et à l’Egalité des Chances. Partant de là, et une fois ouverts les robinets à phynance, on s’était attendu à quelques actions insignifiantes, un ou deux petits livres blancs à la pigmentation contrariée, et à la disparition pure et simple de la fonction et du bonhomme lorsque la lubie présidentielle serait passée.

Il n’en fut rien. L’impétrant s’est ému, et le voilà lancé dans un travail de longue haleine, pagayant vigoureusement de ses larges bras musculeux à contre-courant de la méchante société française qui fait rien qu’à discriminer. Partant en effet de la constatation que le pays baigne maintenant dans une xénophobie exacerbée («les discriminations qui ont trait aux caractères ethniques ont atteint un niveau insupportable»), il a choisi de lancer sur la place publique l’épineux problème de la mise en place de statistiques ethniques.

Tout d’abord, une question s’impose : on se demande sur quoi exactement il base l’affolante constatation de ce niveau insupportable.

En fait, il n’en sait rien, puisqu’il dit lui-même, parlant des discriminations, qu«il faut les mesurer pour les combattre». En bref, on ne sait pas combien, exactement, il y a de discriminations, ou ce qu’elles sont, puisqu’on doit les mesurer, mais on sait déjà qu’elles ont atteint un niveau insupportable. Tout ceci est aussi solide qu’un paquet de chips : c’est salé, ça croustille manifestement, ça n’offre qu’assez peu de résistance et finalement, ça ne constitue en rien un repas équilibré…


Commissaire Sabeg: chips à temps partiel

Et voilà que la polémique s’installe.

De son côté, Coppé est hésitant. On le comprend : il a sur le sujet des objectifs flous et gluants, et Sabeg en remet une couche avec des chiffres vaporeux obtenus sur des questions obscures et mal cadrées. En bon petit soldat, le voilà qui court au milieu d’un champ de mine enfumé dans un épais nuage médiatique de gaz moutarde, un joli petit mouchoir brodé de politiquement correct sur le nez. On le sent déjà suffoquer et toussoter dans les affres d’une indécision tétanisante, coincé entre son devoir de soutenir l’authentique machintroïde sarkozique de Sabeg et les positions de son parti, évidemment républicain et plutôt contre la chromatisation des statistiques…

D’ailleurs, à en croire le palpitant sondage du Parisien, les Français rejettent les statistiques ethniques. Sauf qu’après lecture, ces mêmes Français ne croient pas vraiment dans ces statistiques pour apporter une réponse aux problèmes de la République, ce qui est bien différent d’un rejet. Mais le journalisme étant ce qu’il est, on s’en satisfera pour jeter vigoureusement mémé aux orties. Les Français étant contre, l’UMP étant en manque d’amour, l’UMP se rallie aux Français et devra donc être plutôt contre. Emballez, c’est pesé.

Et on peut se demander pourquoi, finalement, on se pique tout à coup de connaître la couleur des gens alors qu’on s’en passait fort bien avant. En fait, d’après le Figaro, on compterait parce que, par exemple, la couleur de la peau donnerait un axe intéressant de lecture des chiffres du chômage.

Cependant, on sent qu’on va avoir fort à faire pour savoir de quoi on parle. En effet, il est bien compliqué de dire si « Arabe » ou « Breton » est bien une ethnie dont on doit tenir compte, si « Jaune » peut valablement compter comme une couleur de discrimination possible plutôt qu’asiatique, ou Vietnamien. On ne sait pas s’il faudra, dans ces mystérieuses statistiques, tenir compte d’un (forcément) vague sentiment d’appartenance à une minorité, ou si on aura des critères objectifs ; on ne saura pas s’il faut aller profondément et donc distinguer Kabyles et Touaregs ou les autochtones du Trégor de ceux du Vannetais…

En réalité, derrière ces statistiques, qu’elles fussent ethniques ou potagères, se cachent toujours les mêmes choses : le désir, pour l’état, de savoir exactement qui fait quoi, comment et pourquoi. On retrouve autant le désir planiste, qui donne à l’état un vernis de crédibilité quand il décide arbitrairement quelque chose, que celui de pur comptage de cheptel. Lorsqu’il compte de façon non-discriminante, c’est pour savoir combien de moutontribuables il pourra tondre. Lorsqu’il discrimine, c’est essentiellement pour savoir comment les accommoder : toutes les sauces ne vont pas avec toutes les viandes.


Inspecteur Ponch: chips à temps plein

Et d’ailleurs, ceci transparait de façon limpide dans la lettre ouverte de notre Commissaire à Patrick Weil, le directeur de recherche au CNRS qui a refusé de participer à son gentil Comité. Ainsi déclare-t-il : On doit s’intéresser à tous les facteurs explicatifs de l’inégalité des chances et des inégalités de traitement : sexe, âge, diplôme, parcours scolaire, origine sociale, habitat… Tous les moyens sont bons pour lutter contre les discriminations, y compris statistiques.

Voilà : tous les moyens sont bons ! Toute résistance est futile : vous allez être solidement mesuré, vigoureusement papouillé, violemment statistiqué de haut en bas jusqu’à ce qu’on comprenne, nom d’une pipe en bois, pourquoi vous avez salement discriminé !

Mais du point de vue libéral, la discrimination est la base même de la liberté de choix. Discriminer, c’est opérer un choix, avec toute la partialité que cela peut représenter. Et comme tout choix, il constitue donc une prise effective de responsabilité. A ce titre, la discrimination est à double-tranchant : à trop discriminer, on se coupe de ressources utiles. A discriminer sans discernement, on loupe de bonnes affaires, on rate un marché, on s’attire les foudres d’une communauté qui peut, par exemple, discriminer en retour. Sur le long terme et naturellement, l’intérêt bien compris de l’individu est de discriminer sur les critères les plus adaptés à sa situation propre. Or, cette situation est, par essence, spécifique et ne peut être transposée chez un autre individu.

Lutter contre les discriminations, c’est, finalement, lutter contre la liberté d’effectuer un choix. C’est, d’une façon indirecte, lutter contre une certaine façon de penser, qu’on trouvera déplaisante ou, pour le dire de façon politiquement correcte, « pas en accord avec les valeurs de la République ».

Autrement dit, lutter contre la discrimination, c’est discriminer ceux qui n’ont pas les bons atomes de citoyen festif ouvert à toute proposition républicaine du vivrensemble et autres foutaises caramélisées.

Mais que fait la HALDE ?!

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Commentaires5

  1. Higgins

    Sur ce sujet que certains souhaitent brûlant, il faut lire l’article qu’Ivan, Roufiol y consacre sur son blog: "Le faux procès en discrimination fait à la France" sur blog.lefigaro.fr/rioufol/…

    Hashtable, avec une telle politique, vous oubliez de terminer votre billet avec votre: "décidément, ce pays est foutu!". Pourtant, il est de plus en plus d’actualité.

  2. Criticus

    @ H16

    Justement, les valeurs de la République que les anti-discriminations (qui, comme vous le rappelez, ne disposent d’aucun élément statistique probant pour en accréditer l’existence…) invoquent sont à l’opposé de ce principe anti-universaliste qui consiste à étiqueter les gens selon leur appartenance supposée. Je suis républicain (au sens américain), et ai le même avis que vous. Ce n’est pas la République qui est en cause, du moins pas la République version 1792 (celle des Girondins), mais son absolue négation…

  3. gnarf

    Hihi excellent. Ah, je pensais qu’il s’agissait de faire enfin entrer la communaute dans les statistiques gouvernementales.

    Education criminalite…etc. Les USA ont toujours fait des statistiques pour chaque communaute (ce qui est interdit en France). Revel explique justement dans "l’obession anti-americaine" que c’est grace a ces statistiques que des classes d’anglais renforce ont ete creees pour aider certaines communautes. Kirk Douglas raconte que c’est grace a ces classes qu’il a vraiment pu s’integrer en perdant son accent.

    Mais logiquement, dans un cerveau Francais, de telles statistiques…c’est pas pour aider a resoudre les problemes des communautes a la base….nan c’est pour nier ces problemes et forcer une integration bidon a coups de quotas. Aux USA le probleme c’est l’immigre qui ne sait pas parler ni ecrire Anglais….ici le probleme c’est le recruteur qui a ose le refuser pour ca.

  4. Libertas

    "citoyen festif "… Je suppose que tu as lu Philipe Muray, et sinon je le recommande, notamment "L’envie du pénal" (p. 382 du volume intitulé "Rejet de greffe").

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