J’ai mangé trop gras ce midi. Ça arrive parfois, et du coup, je me sens tout ballonné, et pour tout dire un peu somnolant. C’est donc dans une succession de bâillements à me décrocher la mâchoire que j’ai pris connaissance des dernières aventures du gouvernement français dans la cour d’école européenne. A première vue, il semble que José-Manuel a discrètement taclé Nicolas.
Et là, à la première lecture, j’ai eu un sentiment … de déjà-vu.
Normalement, le déjà-vu se produit lorsqu’on est fatigué, et s’explique par un décalage (court) entre les sens et l’interprétation de ceux-ci par le cerveau. Oui, là, j’étais effectivement en pleine digestion et une partie de mon énergie était donc consacrée à réduire en petites protéines assimilables un met trop chargé… (Ce soir : soupe transparente)
Mais ça n’explique pas ce fameux sentiment de déjà-vu, qui s’entête à persister.
Reprenons calmement les éléments dont nous disposons.
a/ Une loi très mal aimée
Nous avons donc un projet de loi très très controversé, qui vise à instaurer une Taxe Carbone. On taxait jadis les fenêtres, décadence aidant, on va à présent taxer les prouts. On a les moyens qu’on peut…
Loi donc très controversé au sein de la majorité, comme au sein de l’opposition ; des gens farouchement pour mais très gênés pour expliquer exactement en quoi ceci va aider le monde, des gens farouchement contre qui hurlent à la mort parce que ce n’est pas comme ça qu’il faut frapper, mais plutôt comme ça, en biais, paf, juste sous la nuque, pour éviter que le bestiau se relève.
b/ Un buzz effervescent
La sauce commence à monter et le nombre d’articles (tant sur ce blog qu’ailleurs) consacrés à l’usine à gaz impénétrable qu’on est en train de monter n’arrête pas de grandir.
On sent déjà frémir sur certaines plateformes sociales l’envie de rouspéter, d’autant qu’un récent sondage semble montrer que le Français n’est pas tip-top d’accord pour se faire fourrer l’anus au supo mentholé du gouvernement : vivement le groupe Facebook “Taxe Carbone : it’s complicated” ou le site Ning “TaxePasMesProuts.ning.com” …
c/ Une fébrilité tangible de l’Elysée
Et alors que ça commence à s’agiter fiévreusement dans la classe politique, il devient de plus en plus compliqué de tenir à jour les positions des uns et des autres : tous, globalement, sont super-contents à l’idée d’aller taxer, mais tous, globalement, assez flous sur Qui et surtout sur Comment.
Et la bataille de dégénérer entre les socialistes et les umpistes, entre les verts et les autres, entre ceux qui soutiennent un peu Rocard (sans comprendre son charabia) et ceux qui le lâchent (sans comprendre non plus son charabia), et même entre ministres du gouvernement selon qu’on est à l’Environnement, au Budget ou à l’Economie…
Bref. Situation qui ne peut pas trop plaire à Nicolas et qui a décidé que “Bon, ça suffit comme ça, je vais taper du point sur la table zut à la fin : je reprends tout le dossier !”
d/ Des abrutis pontifient et racontent d’énormes bêtises
Alors que la réunion entre les différents ministères qui se chamaillent vient à peine de terminer, déjà, on peut recueillir de judicieuses réactions affûtées au bon sens paysan habituel du milieu politico-syndical franchouille. C’est ainsi que Jean-Pierre Bompard, responsable du développement durable à la CFDT, déclare sans rigoler :
“Les élections régionales de mars approchent, le débat n’est plus la lutte contre le changement climatique, mais le niveau des prélèvements obligatoire. Nous sommes tombés dans le piège qu’il aurait fallu éviter.”
Eh oui les petits amis, c’est dramatique : si maintenant, les politiques commencent à s’occuper des sous qu’ils nous piquent, mais où va-t-on mes enfants, où va-t-on ?! C’est un véritable piège : on commence comme ça et on finit par se demander si tout cette histoire ne serait pas de la fanfreluche idiote ! Et ça, ce serait terrible pour notre responsable du développement durable. Qui reprendra bien, lui (et plutôt deux fois qu’une) le petit supo mentholé. A ailettes.
e/ La petite touche finale : l’Europe n’est pas d’accord
Là, on achève l’impression de déjà-vu grandiose : comme dit en introduction de ce billet, José-Manuel rappelle quelques principes de base, ce qui revient à claquer le museau gouvernemental (et, soyons clair, c’est toujours bon à prendre) : “…nous avons besoin d’une industrie en Europe, et il faut assurer que nos entreprises ne sont pas mises dans une position de manque de compétitivité à cause du fait que nous sommes plus avancés sur le plan de la réglementation environnementale que d’autres parties du monde.”
Ben voilà : si on taxe, on a moins d’argent au final. C’est bête, mais il faut bien le dire.
…
On a donc une loi décriée, un gros bordel politique, des gens qui s’expriment pour dire n’importe quoi n’importe comment, une grogne des Français, Nicolas qui s’excite dans son coin, et la voix de l’Europe qui dit “Non” (et qui ajoute, dans le fond, avec un petit rire sous cape, “c’est bien fait”).
On dirait …
On dirait …
HADOPI, Bien sûr !
Eh oui, cette odeur de merde dont on n’arrive pas à se débarrasser, ce cloaque dont on sent que nos élus vont avoir bien du mal à sortir, le constat que finalement, contre vents et marées, ça va passer quand même, pas de doute : on va assister à une redite de l’extraordinaire dossier de la loi Internet & Création.
Le gouvernement est donc parti pour ajouter une nouvelle marmite en fonte aux nombreuses soupières et autres casseroles qu’il a déjà.
Je ne pensais pas ça possible. Mais si, ils relèvent le défi !
C’est historique !
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Autres billets sur le même sujet sur FalconHill et CaRéagit (notamment).
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Erratum : « c/ Une fébrilité tangible de l’Elysée » –> « c/ Une fébrilité fongible de l’Elysée » (cf. photo au-dessus).
S’il y en a un qui devrait surtout pas l’ouvrir, c’est surtout Barroso. Complètement transparent quand les états sont allés au charbon pour sauver ce qu’il restait de “l’industrie” financière incapable de se gérer elle même.
Quand à la taxe carbone, ça ressemble de plus en plus à un billard à dix bandes, avec des socialos qui crient à l’augmentation des impôts, un Xavier Bertrand qui se marre et appelle les verts à regarder qui est pour et qui est contre la taxe carbone (mauvais pour les reports de voix au second tour , ça), et un Sarko hilare qui serre la pogne d’un DCB jovial sur le perron de l’Elysée (un futur ministre ?). Bref, ça à tout à voir avec la politique, et rien avec l’économie.
PS : “nous avons besoin d’une industrie en Europe”, dit-il. Tiens ? Du volontarisme politique ? On veut intervenir dans l’économie ? C’est vrai que le Barroso ne veut plus qu’on dise de lui qu’il est libéral ! Eh, c’est qu’il tient à sa place, le coco, elle est trop bonne. Au fait, quand Schneider et Legrand voulaient convoler, pourquoi ne pas les avoir laissé faire ? Et la fusion GE et Honeywell, au nom de quoi l’avoir bloquée ? Et allez, encore de l’interventionnisme mal à propos.
Ah, le Barroso, un résumé de tout ce que j’aime chez les politiques : ancien maoïste, puis socialiste, puis vice-président du Parti populaire européen (c’est pas à droite, ça ?) pendant cette même période. Il se veut modéré, réformateur et anti-étatiste. Ben oui : aucun pouvoir, sauf le mien. Il se range au côté des interventionnistes en Irak, puis il annule la participation du Portugal au programme de construction de l’avion militaire européen, Airbus A400M. Un retrait suivi par l’Italie qui coutera à l’avionneur européen près de 2 milliards d’euros. Merci Barroso.
Martin Schulz, le président du groupe socialiste au Parlement européen, déclare à son propos : « Quand il parle aux socialistes, il est socialiste. Quand il parle aux libéraux, il est libéral. Il dit aux gens ce qu’ils veulent entendre ».
Bref, un personnage peu recommandable.
@adnstep Barosso est peut être inconsistant, mais il quand il élève la voix contre un projet foireux c’est toujours bon à prendre.
Si Frédéric Mitterand a été acclamé à l’Université d’été de l’UMP à Seignosse ce n’est pas un hasard.
Oh, là, je ne m’avancerai pas tant. Peut-on réellement écarter la possibilité qu’il ait été acclamé parce qu’un écriteau “Applaudissez” fut levé à ce moment ?
Les militants UMP savent très bien qu’un pouvoir en place a besoin du soutien des milieux culturels (cf.1981-1988 : l’ére de Jack Lang moteur du Mitterandisme).
Mitterrand. Apprenez à écrire le nom d’un type vaguement copié par votre modèle !
Or ces mêmes milieux culturels réclament de “faire passer à la caisse”, les auteurs d’actes de pirateries sur l’internet.Donc la loi HADOPI ne doit pas être abandonnée.
Ouais, ouais, il faut sauver le soldadopi…
H vous n’avez pas cité ce passage de José … marrant quand même comme vous pouvez oublieux parfois
“nous ne voulons pas bien sûr introduire des mesures protectionnistes dans le monde”.
Amitiés
Erick
@erick : pour la partie “mesures protectionnistes dans le monde”, il n’apporte rien de plus que le reste puisqu’il est précisément contre les taxes protectionnistes (donc, contre Sarko) et qu’en plus de ça, il rejoint ici le bon sens (pour une fois, goutons notre plaisir) en rejetant une vieille lune antilibérale déjà décriée au XVIIIème par Bastiat.
“comme vous pouvez être oublieux” dis-je
> et il faut assurer que nos entreprises ne sont pas mises > dans une position de manque de compétitivité.
Il parle du Portugal ou de tous les pays européens ?
On attend plutôt que Barroso “se mouille” sur ce qu’il préconise pour régler le différentiel de 6 euros de l’heure, qui existe entre le tarif de la main d’oeuvre agricole en Espagne et au Portugal et celle de France.
Vu le fric qu’il palpe à la Commission Européenne,il peut faire l’effort de donner SA solution, lui qui s’est tu pendant la crise, alors que Sarko allait au charbon !
Barroso n’a pas à se “mouiller” pour proposer quelque chose. C’est au Conseil Européen de se “mouiller”, par construction. Renseignez-vous, que diable. Et d’autre part, l’harmonisation des salaires en Europe n’est pas à l’ordre du jour. Quant à Sarko au charbon, c’est évidemment une plaisanterie.
> Barroso n’a pas à se « mouiller » pour proposer quelque >chose
Cela confirme ce que je pensais.
Cet ancien militant maoiste, n’est d’aucune utilité à son poste.
Vous savez comment fonctionnent les institutions européennes ou vous commentez simplement dans le vide ?
> Vous savez comment fonctionnent les institutions >européennes
oui elles fonctionnent très mal.
H pour ma part je trouve qu’elle font du vide les institutions. Euh êtes vous tout à fait sur que Nic le Conducător soit pour une quelconque forme de protectionnisme … ? … ?
Protectionnisme = montée du Nazisme = guerre = vieille lune, ce dogme est bien connu, et je vous remercie de nous le resservir.
Nicolas Sarkozy semble en effet, pour une raison qui m’échappe, être favorable au protectionnisme (il ignore les principes de base de l’économie). Il s’étonne de voir à quel point le protectionnisme est impopulaire chez les autres dirigeants européens et mondiaux, aussi il essaie de faire passer la pilule de façon diplomatique (“ce n’est pas du protectionnisme, c’est simplement une taxe carbone sur les produits importés”).
Oui, voilà.
@Erick : je n’ai jamais dit ou laissé supposer que Protectionnisme = montée du nazisme. En revanche, protectionnisme = appauvrissement du pays qui le pratique, ça, c’est connu et prouvé au fil du temps.
“en rejetant une vieille lune antilibérale déjà décriée au XVIIIème par Bastiat.”
Je permet de rectifier, je crois bien me souvenir qu’il s’agit du XIXème siècle, qui a vu Bastiat défendre la liberté avec fougue…
Ah oui oui, effectivement. Grossière erreur de ma part.
C’est le risque avec les croix et les bâtons 😀
H mon cher, cette preuve ne m’est pas connue auriez vous de la littérature la-dessus ?.
merci par avance
erick, pour une démonstration par l’absurde claire et concise : http://bastiat.org/fr/petition.html
Merci Hoho
Je re lirai ce texte à tête reposée … Je note que ces écrits datent de 150-160 ans.
A bientôt de vous lire
Amicalement
Erick
> Je note que ces écrits datent de 150-160 ans.
Oui ; c’est pourquoi défendre le protectionnisme aujourd’hui, c’est un peu comme affirmer que la terre est plate.
Et puis, tout le monde sait que le théorème de Pythagore (2500 ans) n’est plus valable parce que trop vieux.
H16 > La mathématique est une science “dure” par contre l’économie est plutôt un “art”. Les économistes en sont parfois les castafiores.
Hoho > votre commentaires est puéril.
Non. L’économie est basée sur les mathématiques. C’est bien une science, qui a des théories, testables et/ou falsifiables, et qui fait des prédictions. Ce n’est pas un art, du tout. Maintenant, quand on ne connaît pas ou quand on s’en tient à l’image d’Épinal véhiculée par les médias (notamment français) et les économistes franco-français alors oui, effectivement, c’est plus qu’un art, c’est même de la poésie militante.
Et le fait est que Bastiat a écrit des choses qui sont solides, argumentées et tiennent parfaitement la démonstration jusqu’à ce jour.