Du kung-fu, des dinosaures, des Valkyries ? Une autre façon de faire des films

Vous aimez le cinéma, l’action, l’aventure, les dinosaures, les Valkyries, le kung-fu et pas du tout Hitler ? Vous pensez impossible de réunir dans un seul film autant de sujets avec brio et atteindre alors un niveau de coolitude supérieur à 9000 ? Eh bien détrompez-vous, il existe une telle réalisation. Kung Fury est fait pour vous.

Comment, vous ne connaissez pas ce film ? Pourtant, vous devriez, puisqu’il illustre à lui tout seul une autre façon de faire du cinéma. Bon, certes, je vous accorde que ce n’est peut-être pas, pour le moment, le film le plus connu qui soit, mais même si, finalement, vous n’êtes pas un fan de kung-fu et de Valkyries, permettez-moi de vous présenter un peu le contexte.

L’aventure Kung Fury commence en 2012 lorsque David Sandberg, un réalisateur suédois spécialisé dans les films publicitaires et vidéos musicales, plaque son emploi pour se lancer dans l’écriture et la production de son propre film, Kung Fury. Il dépense dans un premier temps 5000 dollars pour réaliser avec ses amis les premières images d’une bande annonce. Malheureusement, la tâche qu’il s’est assignée semble hors de portée. Entre ses fonds rikikis et la nécessité de recourir massivement aux effets spéciaux, notamment pour gérer un lieu de tournage (la Suède) particulièrement éloignée du lieu scripté de l’action (Miami), les fonds viennent très vite à manquer.

En Décembre 2013, Sandberg ouvre une campagne Kickstarter, invitant tous ceux qui le veulent à participer dans son projet en l’échange de différents produits (depuis le t-shirt jusqu’à un rôle dans le film à venir en passant par des posters dédicacés), et met en ligne, histoire de donner un aperçu de ce qu’il entend faire, une bande annonce de la réalisation à venir.

La vidéo plaît grandement et le succès est très rapidement au rendez-vous. Sur les 200.000 dollars que Sandberg s’est fixé comme but, il en récolte plus de 600.000 (pour plus de 17.000 soutiens, soit 35 dollars en moyenne par soutien). Si cette somme ne suffira pas pour un long métrage, le court est, lui, à sa portée. Il se lance et y passera l’année 2014.

En chemin, son projet aura retenu l’attention : ainsi, alors que le court métrage sera présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes, des producteurs américains envisagent à présent, en fonction de la réception du court métrage, d’en produire un long.

Indépendamment de la valeur cinématographique intrinsèque de Kung Fury, qu’on le trouve bon ou mauvais, son existence prouve qu’un autre type de cinéma est possible. Oh, je ne parle pas d’un autre genre cinématographique puisqu’en l’occurrence, le film en question revisite essentiellement les canons des années 80 en matière de film d’action, d’aventure et d’humour décalé. Non, ici, il s’agit de la façon dont on peut construire un film et en particulier le « nerf de la guerre », son financement : avec ce genre d’initiative, Kung Fury montre qu’on peut créer un spectacle cinématographique complet, professionnel, et surtout rentable en faisant intervenir directement le public, en l’impliquant en amont, à la création, et non plus en aval, à la projection.

Comme toute révolution fondamentale, les débuts sont modestes. Ils passent presque inaperçus dans le « monde réel » et pour les personnes pour lesquelles internet n’est qu’un médium de diffusion comme la télé ou la radio. À vrai dire, les grands studios voient essentiellement dans ce mode de financement un intéressant gadget, facultatif, permettant de faire émerger, éventuellement, un nouveau réalisateur. Mais plus fondamentalement, ce que ces studios ne voient probablement pas, c’est que ce mode spécifique de participation du public entraîne un renversement de la notion de droit d’auteur, de diffusion et de copie.

kung fury super accurate

Ainsi, Kung Fury sera disponible gratuitement, à son lancement, sur Youtube, et c’est logique : l’opération « Kung Fury » est déjà équilibrée comptablement parlant, et à sa sortie, toute nouvelle recette est essentiellement un bonus. En effet, les participants au financement recherchaient autre chose qu’un retour sur investissement sous forme financière. Depuis la présence de son nom dans un des éléments du film, en passant par un t-shirt promotionnel ou un rôle plus ou moins important dans l’histoire elle-même, ceux qui ont mis quelque argent dans le projet n’ont pas tous, loin s’en faut, misé sur un rendement financier.

Oh, bien sûr, l’avenir de ce genre de montage participatif pour des films comprendra aussi des investisseurs très intéressés au rendement, c’est même une certitude et c’est une des raisons qui a poussé l’industrie du cinéma aux sommets actuels. Simplement, ce que Kung Fury démontre est qu’on peut aussi construire un film sans subvention étatique, sans investisseur cherchant d’abord un rendement, mais avant tout avec une base de fans et de personnes intéressées non par le résultat financier mais avant tout par le résultat artistique.

Autrement dit, Kung Fury réintroduit le mécénat pour le cinéma en utilisant habilement les facilités offertes par la révolution numérique : toucher un très vaste public à un coût extrêmement modeste. Certes, ce projet n’est bien sûr pas le tout premier exemple de mécénat dans le cinéma, ni même le premier utilisant la force de frappe « internet », mais on peut espérer que son exemple suffisamment médiatisé donnera à d’autres équipes l’envie de se lancer.

kung-fuhrer

En clair, ceci veut dire d’une part que le mode de financement des films peut encore évoluer (et loin du crony capitalism, en particulier), et d’autre part, que les recettes assises sur les droits d’auteurs ne sont pas, au contraire des lamentations répétées des majors du secteurs, fondamentales pour garantir l’existence même de ces productions : Kung Fury est la démonstration par l’exemple que ce qui fonde l’existence de l’art (cinématographique ici) n’est pas la reconnaissance du droit d’auteur, ou l’assurance d’une rémunération postérieure à la création, mais avant tout le désir émis par certains de voir l’œuvre se concrétiser, en usant de leurs finances éventuellement et même à fonds perdus le cas échéant.

Voilà qui devrait largement faire méditer ceux qui persistent encore à croire indépassable les modèles d’affaires actuels de la culture, ou l’impossibilité d’aller au-delà des lois actuelles sur le droit d’auteur…

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Commentaires37

  1. Caton

    Le financement participatif ayant été réglementé en France, ce genre de projet n’y est pas possible.

    CPEF.

      1. Caton

        Sauf erreur, la loi limite le montant pouvant être collecté de manière participative, afin de préserver le monopole des établissements bancaires. Donc non, parce que le coût de la production est peu dépendant du mode de diffusion.

        1. Black Mamba

          Il faut prévoir alors plusieurs cagnottes, une pour les costumes, une pour les effets spéciaux, une pour le son, une pour les décors, une pour la musique, etc … Liste non exhaustive…

          1. Milpa Bagen

            Autre solution, tous peut être organisé depuis la france, mais localiser le film, la société ailleurs en francophonie.

              1. Bonsaï

                On voit là que vous êtes musicienne ! Jouez-vous de l’orgue ?
                Mais là, si vous permettez, c’est augure qui convient.

    1. Pat

      Nous avons le financement participatif forcé, avec l’argent gratuit des impôts. C’est quand même autre chose, l’exception culturelle française !

  2. Bonsaï

    Amusante, la video ! Un peu Village People version fjord gothique …
    Les méthodes D, comme débrouille, ont toujours su s’adapter aux circonstances. Ce sera encore le cas dans nos sociétés postindustrielles, hantées par les fantômes de modèles économiques foireux et les politiciens psychopathes.

    1. bob razovski

      C’est dingue, mais même à 600 000 usd, le rapport qualité prix entre une Valkyrie et un Valls qui rit penche largement en faveur de la première.

  3. Théo31

    L’autre jour, j’étais en famille, et écoutant d’une oreille distraite la radio du service public de la musique, j’ai entendu cette abomination : les orchestres philarmoniques américains sont financés par de riches mécènes qui se trouvent être majoritairement des femmes. Et ça marche du feu de Dieu. Mais que font l’Etat national-socialiste et les proxénètes féministes ?

  4. Moggio

    En effet, comme vous dites, c’est encore un phénomène de niche relativement aux (énormes) sommes échangées traditionnellement dans l’industrie du cinéma. La sagesse des foules « à l’ère numérique » peut toutefois conduire à ce genre de financement apparemment réussi. Sur le même sujet, d’un point de vue plus esthétique, les choses sont intéressantes aussi : http://ssrn.com/abstract=2443114

  5. toto

    Sauf erreur de ma part, le grandiose Ironsky a lui aussi été financé sur ce modèle, avec des FXS impressionant.

  6. Dominique.

    Petit HS mais je decouvre et le copié/collé sur mon phone et cet extrait datant …d’un siecle,qui plaira assurement  » Laissons parler Figueras : « Les socialistes, ennemis éternels de la grandeur, de la gloire, de l’essor, de l’initiative et même de la victoire. Les socialistes, qui ont toujours contrecarré notre expansion coloniale. Les socialistes, qui pensent petit, haineux, médiocre, jaloux. Les socialistes, qui détestent tout ce qui est supérieur, qui ne rêvent que d’uniformité dans l’insignifiance. […] L’impôt sur le revenu, c’est la toise imbécile, c’est le lit de Procuste qui veut mettre tout le monde à la même taille. Du reste ces imbéciles haineux ne cachent même pas leur programme : ils veulent que l’impôt soit un moyen de redistribution des revenus. Comme si cela était son rôle… »..Yeah reussi! 🙂

    1. Black Mamba

      Mais que vient faire Jésus dans cette histoire, il n’a pas assez galéré pour sauver le monde ?

    2. vodkaman

      le premier était déjà un grand moment de portnawack cinématographique extrêmement jouissif, là cela semble aller encore plus loin…. miam !!!

    3. jesrad

      Yeaaah, j’avais bien aimé le premier, et je regarderai sûrement aussi Kung Fury (nanardissime !), une suite pour Iron Sky c’est cool aussi.

      Nous vivons vraiment des temps intéressants.

  7. hop hup

    Sachez-le : on peut être à Europe Écologie – Les Verts – on peut même être élu et faire partie de l’appareil politique – sans pour autant être écolo. C’est ce qu’il s’est passé pour Jean-Vincent Placé, vous savez, celui qui se défend de toute « obsession ministérielle » mais qui aimerait quand même bien que son camp revienne au gouvernement.

    Dans Le Parisien, ce dimanche 17 mai, le sénateur de l’Essonne explique que sa conversion écolo est récente. Il dit :

    Je suis écolo depuis la naissance de ma fille, fin 2013.

    Intéressant, quand on sait qu’il a rejoint les Verts en… 2001. Et qu’il est le président du groupe Verts au Sénat depuis janvier 2012. Mais cela semble confirmer ce que certains, dans son propre camp, pensent du personnage. « L’environnement, il s’en est toujours soucié comme de colin-tampon », commente ainsi un membre d’EELV, cité par Le Parisien.

    quoi les convictions c’est uniquement bon pour les autres pas pour soi

  8. Aristarkke

    Je vois un gros ennui, H16, a ce mode de financement: il faut convaincre 17.000 personnes pour obtenir 600 K$… Épuisant! En Grance, il suffit de convaincre une trentaine de personnes pour obtenir 4 à 5 M€, là aussi sans avoir besoin de faire entrer en compte une notion aussi triviale que la rentabilité… De la supériorité du système grançais en économie de sueur et de créativité…

    1. Calvin, 08 ans

      Et en plus, avec la seconde méthode, tu as droit aux petits fours et autres bienveillance des contribuables…

  9. Duff

    Relayée sur contrepoints, et justement argumentée par l’entrepreneur Pierre Chappaz, il y a une polémique entre lui et Gaspard Koenig très intéressante à suivre. Je n’ai pas lu le bouquin de Koenig mais face à Beytout dans une matinale d’il y a peu, Koenig avait une observation très juste concernant le monde connecté et mondialisé qui se mettait tout doucement en place : Les vieux états mammouth comme le pire de l’OCDE, le nôtre, allait rapidement se faire übériser. Cette remarque est excellente et montre outre le crowdfunding une sacré appétence dans les pays occidentaux pour se passer de l’état maman pour conduire ses projets en relation avec d’autres personnes.

    De nouvelles structures sociales sont en train de se former, c’est aussi pour ça je crois que les pays lourdement endettés, centralisés, à la dépense publique excessive vont louper le virage. Pas étonnant que ce soit des états région avec 10 à 15 millions d’habitants et une démocratie directe qui s’en sortent le mieux. Ils sont le plus en phase ou plus préparés à cette mutation technologique qu’on pourrait qualifier de 3ème révolution industrielle.

    PS: La BA m’a fait bien marrer, hâte de voir cette farce! 😉

  10. Ladioss

    Heureusement pour eux alors que les états en déroute sont de plus en plus en train d’emprunter la voie du totalitarisme soft, donc… quand tout votre argent aura été numérisé et que vous ne pourrez l’utiliser qu’auprès d’acteurs économiques clairement homologués par la loi et dans des limites (palier, notamment) clairement définis, tout celà évidemment au nom de votre sécurité et de la préservation de notre modèle, on verras bien alors, qui riras…

    1. Calvin, 08 ans

      Bof, si l’Etat doit se passer des commerces et des artisans, il ne va pas faire long feu.

      1. Aristarque

        Il pourra contraindre aux types de paiement qu’il entend rendre obligatoire. Ce n’est pas parce que Moneo a fait long feu qu’il renoncera au principe

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