[Redite] Et il faudrait avoir confiance dans la Justice de son pays…

Article initialement paru le 12.06.2016

Pendant que l’État consacre des sommes tous les ans plus importantes à sa communication et à ses médias officiels, France Téloches en tête, la justice française continue de s’enfoncer dans un marasme assez flagrant où les petites affaires mal gérées sont cachés par les grosses, médiatiques, mal gérées aussi.

Malheureusement, tout indique que ceci n’est pas un accident de parcours momentané mais suit bel et bien une tendance de dégradation globale, comme le montre assez clairement cet article d’il y a deux ans qui relatait quelques faits divers plus ou moins cocasses illustrant assez bien que le fonctionnement de l’institution judiciaire française devient de plus en plus illisible pour le justiciable de base.

Dernièrement, trois affaires de justice ont retenu mon attention, et avec elle, celle des réseaux sociaux. La presse nationale les a évoquées, très rapidement, avant qu’une autre actualité (footballistique) ne balaye les scandales, délave les sentiments et éparpille les outrés. C’est dommage, tant ces petites histoires de prétoire forment un tout cohérent que beaucoup s’obstinent à ne surtout pas voir.

Il y eut, tout d’abord, la triste condamnation d’un maire qui, hardi, avait choisi de faire réaliser des travaux de curage d’un cours d’eau dépendant de sa commune.

Daniel Amblevert, maire de Sainte-Florence (Gironde), une commune de 130 habitants, doit définitivement s’acquitter d’une amende de 1500 euros, ainsi que verser 5000 euros de dommages et intérêts à la SEPANSO, la fédération des sociétés pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest. Son impardonnable crime fut en effet d’avoir procédé au nettoyage d’un cours d’eau sans autorisation préalable, nettoyage qui, selon l’accusation, a été nuisible au débit de l’eau et à la vie aquatique, avec bien sûr de graves « conséquences environnementales sur la faune et la flore ».

what wtf whaaat

Évidemment, il faut bien comprendre que si les cours d’eau et les fossés ne sont pas entretenus, on peut s’attendre à des conséquences aussi graves (voire catastrophiques), notamment pour les habitants, comme les récentes inondations d’une partie de la France l’ont démontré fort à propos. Mais voilà : les associations écologistes ne peuvent permettre qu’on bouscule les écosystèmes, les petits batraciens et les poissons frétillants sans leur demander leur autorisation ou, le cas échéant, celle de la Kommandatur l’administration compétente. Car, en France (et notre élu l’apprend à ses frais), il y a une administration compétente pour absolument tout, et surtout n’importe quoi. Le formulaire Cerfa est la première production du pays, ce n’est pas un hasard.

Évidemment aussi, si notre élu avait eu l’absence d’esprit de demander ces autorisations, l’obtention des sésames aurait pris un certain temps (voire un temps certain), et, avec quelques risques, les inondations auraient eu lieu avant le curage. Dans cette hypothèse, il aurait bien sûr été condamné pour n’avoir pas fait le nettoyage imposé par la loi.

Évidemment enfin, il ne fait aucun doute que les hommes de loi ont ici exercé en connaissance de cause, experts pointilleux de leur domaine, et que tout a été fait dans les règles : personne ne pourra donc dire que la justice française condamne n’importe qui, n’importe comment, tout le monde devra, impérativement, accepter que tout ceci est parfaitement normal, et chacun pourra repartir en se disant que « justice a été rendue ». Ou au moins, « le droit a été dit ». C’est plus modeste, mais c’est à la portée de nos vaillants juristes.

Pour la Justice, en revanche, notion philosophique complexe, il en va quelque peu autrement. Mais on s’en fiche, n’est-ce pas : nous sommes en France, jadis pays des Droits de l’Homme et à présent pays des hommes de droit.

gifa - what - tom cruise

La seconde affaire fleure bon l’histoire drôle, ou loufoque, ou simplement grotesque dans son déroulé. On touche du doigt l’absurdité kafkaïenne que tout le système judiciaire français est capable de produire. Comme il n’y a pas eu mort d’homme (pour le moment), on doit même pouvoir trouver amusante cette suspension momentanée du bon sens. Car il faut en manquer, de bon sens, pour payer sa caution judiciaire, d’un montant élevé, intégralement en billets de 500 euros. Car il faut en manquer, de bon sens, pour utiliser des billets à l’odeur suspecte d’alcool et de colle. Car il faut en manquer, de bon sens, pour la faire payer par 29 acolytes qui se pointent au Tribunal, petites enveloppes rebondies à la main. Car d’un autre côté, il faut au système dans son intégralité en manquer, de bon sens, pour que l’ensemble de l’opération puisse s’achever sans que ni le prévenu sous caution, ni ses acolytes payeurs, ne soient finalement empêchés dans leurs démarches.

Oui, vous l’avez compris : pour être remis en liberté avant son procès à Lyon, un détenu incarcéré à Moulins-Yzeure et suspecté dans une affaire de stupéfiants a réussi à faire payer sa caution de 500.000 euros par 29 individus, avec des sommes de 7.000 à 70.000 euros en billets de 500.

Bien sûr, toute l’opération étant suspecte et l’argent sentant presque littéralement l’opprobre, les billets ont été saisis et une enquête en flagrance pour blanchiment a été ouverte, mais malgré tout, le prévenu et ses petits amis sont repartis libres.

gifa confused - wtf - what

Là encore, pas de doute sur la légalité de la remise en liberté : il n’y a pas de limite au paiement d’une caution en liquide, il n’est pas interdit de faire appel à des amis, et la caution donnée, rien ne pouvait s’opposer à la bonne marche de la justice. Le droit, encore une fois, a été parfaitement respecté par ces hommes de droit toujours scrupuleux, toujours pointilleux. Bien évidemment, il flotte malgré tout comme un gros sentiment d’impunité et d’injustice pour le citoyen lambda qui apprend la nouvelle et pour qui la Justice ne ressemble pas trop à cet exercice là. Mais on s’en fiche, n’est-ce pas : le droit a été dit.

Pour la troisième affaire, on ne peut s’empêcher de retrouver quelques traits saillants avec les deux exemples précités. En substance, une patrouille de police est prise à partie par un groupe d’individus (la presse, égale à elle-même, choisit le terme « jeunes » pour les désigner) dont l’un finit par décocher un violent coup de poing à un policier et prend la fuite pendant que le fonctionnaire s’effondre, pris de convulsions. Malgré tout, deux hommes sont interpellés, et l’auteur du coup se rendra plus tard… Pour être relâché après quelques heures par le parquet qui lève les trois gardes à vue en expliquant :

« Nous avons eu une panne informatique due aux inondations. Nous n’avions plus aucune visibilité sur les antécédents des mis en cause. Faute de savoir dans quel délai nous allions être dépannés, on a levé la garde à vue. »

Les trois prévenus repartent donc, libres. Quelques jours plus tard, les policiers interpellent à nouveau trois des quatre jeunes mis en cause, dont l’auteur du coup de poing… Et là encore, le parquet décide de les remettre en liberté avec une convocation au tribunal en avril 2017.

gifa - what - hein - wtf

Rassurez-vous : tous ces événements respectent le droit, et, un jour, peut-être en avril, la justice sera rendue. Là encore et bien évidemment, on ne peut s’empêcher de penser que la Justice, elle, s’est retrouvée quelque peu maltraitée, laissée pour morte dans une poubelle de quartier, dans l’indifférence quasi-générale. Mais les hommes du droit seront là, courageux, pour expliquer qu’il faut en passer par là, que le monde réel est complexe et que l’épaisseur des codes de loi provoquera inévitablement quelques petites tensions ici et là.

Et peu leur importe, finalement, que la justice qui est rendue n’a plus grand rapport avec cette Justice que le peuple rend par et pour lui-même. Peu importe, finalement, que les actions de ce système deviennent progressivement illisibles pour ceux qui demandent justice, ou la subissent. Peu importe, finalement, l’exemple absolument désastreux que ces faits divers (et tant d’autres, par centaines, toutes les semaines) offrent aux citoyens, aux délinquants et aux criminels, et peu importe que leur multiplication déforce complètement le système lui-même et la notion de Justice dans ce pays. Peu importe que face à la multiplication de ces farces où sont déréglés tous les curseurs de la moralité et du bon sens d’une société qui ne marcherait pas sur la tête, le citoyen justiciable perde définitivement toute confiance dans le système et peu importe sans doute qu’il décide, inéluctablement, de se faire Justice lui-même, l’actuelle justice en place en étant incapable…

Peu importe, voyons, puisqu’en tout cas, le droit est respecté !

gifa hm wait what wtf

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Commentaires15

  1. Le Gnôme

    Le droit est souvent gauche.

    Il faut des autorisations pour tout, même les militaires doivent avoir l’autorisation de leur hiérarchie pour zigouiller de gentils terroristes massacreurs comme au Bataclan.

    Le concept d’Auftragstaktik n’a jamais eu cours dans l’armée française.

    Le juridisme nous tuera, le nombre de plainte déposée pour des broutilles est effarant, et la justice rendue au doigt mouillé.

    Allons, je vais me consoler avec un bon apéro. Du bourbon avant qu’il soit taxé à l’entrée de l’UE.

  2. René-Pierre Samary

    Les dénis de justice, sinon du droit qui peut être gauche comme le dit mon voisin du dessus, il y aurait de quoi en remplir de gros volumes. Presque tous les règlements nient le justice, puisque, comme le dit Chamfort, la plupart d’entre eux n’ont pour objet que de soutirer de l’argent à ceux qui s’abstiennent de les respecter. C’est comme vendre la permission d’enfreindre les lois.
    Fabriquer un règlement, c’est souvent comme fabriquer une machine à sous. Davantage de règles, davantage de sous.

    1. albundy17

      « la plupart d’entre eux n’ont pour objet que de soutirer de l’argent à ceux qui s’abstiennent de les respecter.  »

      Oui, enfin seulement pour les solvables non élus de la haute sphère

      1. René-Pierre Samary

        On peut le dire autrement. Il y a ceux qui sont au-dessus des lois, et ceux qui sont en-dessous. Les solvables représentent cette masse immense qui est au milieu : la classe moyenne, que le pouvoir socialiste peut étrangler à rendre gorge, car elle a suffisamment pour payer, pas assez pour échapper à la prédation.

  3. theo31

    Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.

    La prochaine loi fake news confirmera que les juges sont des commissaires politiques chargés de traquer avec zèle n’en doutons pas un instant les déviants de la pensée. Andreï Vychinski n’est pas mort.

    1. Gosseyn

      Des juges commissaires politiques avec la prochaine loi ? Non, c’est fait depuis longtemps. Voir la facilité avec laquelle les juges pétainistes ont été reclassés en juges gaullistes à la Libération. Cette tradition bien française ne s’est pas perdue en route. Ce n’est pas par hasard que nos braves magistrats sortent de l’ENM, dont la qualité de la formation n’a d’égale que la soumission de ses promus à la politique judiciaire déterminée par le pouvoir en place. En toute  »indépendance », bien entendu. Maintenant, si vous pensez que la justice rend la justice, c’est que ses apparences ont produit l’effet voulu.

      1. Aristarkke

        La phase gaulliste de la magistrature (à la Liberation) officiant précédemment sous Pétain, n’ a guère du dépasser le premier trimestre de 1946. Au delà, il était très aventureux (pour sa carrière) de s’afficher dans l’écurie du Général… Douze ans de transfert, quoi…

  4. Gosseyn

     »Peu importe, voyons, puisqu’en tout cas, le droit est respecté ! »
    À tenter un premier avril auprès des connaisseurs. Possible aussi lors d’une réunion bien arrosée, mais là des noms de magistrats pourraient,  »bêtement » être cités. Quelqu’un pour faire un vidéo-gag sur le sujet ?

  5. Calvin

    C’est la preuve que ce pays est foutu.
    Les élus n’ont désormais aucun contre-pouvoir : la minorité bruyante les aiguillonnent, les médias les soutiennent, le Conseil Constitutionnel, noyauté, rend des avis anticonstitutionnels, la justice applique à la lettre les desireratas des premiers.
    La boucle est bouclée.
    Notre justice moderne est encore moins indépendante que du temps des rois absolus, c’est dire le niveau.

  6. Gosseyn

    La justice française est hautement corrompue, puisqu’elle est au service d’une oligarchie dévoyée, dont les représentants actifs se trouvent pour la plupart en poste au Ministère de la justice (la première tromperie est dans l’appellation).
    Ce qui a été instauré, c’est la dépendance de la magistrature aux demandes gouvernementales, elle mêmes conformes aux intérêts bien compris des membres d’une caste d’intouchables.

    La soi-disant indépendance des magistrats est donc une pure fiction, ce qui donne une juste idée de ceux qui s’en réclament. Ainsi et dans les faits, toutes les décisions de justices dites sensibles sont orientées de façon telle que leurs résultats soient conformes à leurs attentes. Ce qui suppose des attendus bien spécieux, tordant les faits, voire le bon sens.

    Mais il leur est parfois nécessaire pour arriver à leurs fins, dans ces procédures si particulières, de devoir enfreindre certaines lois. Ce qui va au-delà des recours classiques en Cour d’appel et des renvois en cassation. Bien entendu, en ce cas, les justiciables ont la faculté de requérir contre les magistrats fautifs.

    Comme cela se produit plusieurs centaines de fois par an, ce qui ne représente pourtant qu’une petite fraction des violations de la loi constatables, il est nécessaire à l’État d’opposer un verrou qui soit en mesure d’empêcher le justiciable d’obtenir gain de cause. C’est à dire de faire en sorte que le magistrat, délinquant en tant que personne disposant de l’autorité publique ayant délibérément enfreint la loi, ne puisse être incriminé de ce chef.

    C’est au Conseil supérieur de la magistrature à qui a été dévolu ce rôle. Ainsi toutes les plaintes de justiciables, portées contre des magistrats faillis, se voient classées irrecevables par ses commissions dites d’admission. Ce qui finit par faire un nombre conséquent d’abus coupables, depuis la mise en place de ce droit en 2011, suite à la réforme constitutionnelle requise.

    Que cela constitue une violation de l’ordonnance de 1958 modifiée et de la loi organique de 1994 qui régit le fonctionnement du CSM ne semble choquer aucun de nos grands juristes ; après tout, ne sont-ils pas peu ou prou impliqués, sinon très prudents face au pouvoir de rétorsion d’une oligarchie dévoyée ?

    Que signifie alors  »État de droit », dans ces conditions ? Quand ce n’est plus qu’un outil au service d’un gratin de hors-la-loi, au sens premier du terme ? Un gang de pillards ne fonctionne-t-il pas de la même façon ?

  7. kekoresin

    Dura lex, sed lex ! – Durex, anus horribilis ! – Si tu veux te faire enculer sous le regard goguenard des petits dealers et autres petites frappes non solvables, fais valoir tes droits devant une justice dont le train de limace non lubrifiée fera la joie des avocats spécialisés en conclusions inachevées et autres vols manifestes de citoyens exténués.

    Mais…Mais parfois le juge en a quelque chose à branler: https://www.dailymotion.com/video/xn0xhq

    1. Taisson

      Rien d’étonnant…Il faut être vraiment avoir une mentalité spéciale pour choisir ces professions !
      Que des jeunes gens aient pour but dans la vie de faire l’école de magistrature, c’est un symptôme bizarre, signe d’une perversion sociale grave.
      Qui peut avoir envie d’un pouvoir absolu sur les autres, bureaucratique et coupé de tout bon sens, basé sur une interprétation de textes en négligeant le plus souvent l’idée de fond, ne s’appuyant que sur la forme, avec en plus l’idée de faire passer son biais idéologique ?
      Que jeune, l’on rêve d’être un héros, ou médecin, pilote, pompier, infirmière PDG, président de la république ou apiculteur, ça peut se comprendre, mais rêver d’emmerder les autres sans prendre le moindre risque personnel, c’est vraiment inquiétant !!
      Toute « indépendance » et surtout pouvoirs donnés à des gens de cette espèce est très dangereux.
      A tout prendre, une « justice » qui obéirait vraiment à l’exécutif ne serait pas pire, puisqu’elle pourrait être reprise en mains à chaque changement de gouvernement !

      Actuellement une RAZ totale serait nécessaire !

  8. sam player

    HS mais pas trop… justice ?

    Parcoursup: l’ire des profs de Paris-Diderot (lefigaro.fr)

    « Le directeur de l’UFR chimie de l’université est particulièrement «agacé». Le rectorat, via son nouveau logiciel, favorise les bacheliers parisiens médiocres.
    […]
    Résultat: d’excellents élèves de banlieue sont aujourd’hui relégués dans les bas-fonds de la liste d’attente alors que des lycéens parisiens aux résultats moyens voire médiocres caracolent en tête des admis. «Les treize premiers admis ont des résultats corrects sans plus. Mais dès la 14e place, nous avons un élève parisien qui plafonne à 8 de moyenne générale. Malgré ses 17,5 de moyenne, un candidat du Val-de-Marne, lui, est relégué en attente à la 1 010e place!», rage Benoît Piro, le responsable de la licence de chimie. »
    ——–
    Quand l’état fout ses gros doigts partout…

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