Décidément, les relations entre les États-Unis et l’Union européenne ne sont pas des meilleures et ces derniers jours ont vu de nouveaux développements poivrés : tout se déroule exactement comme si Bruxelles et les dirigeants européens faisaient absolument tout pour s’attirer les foudres de Washington et de l’administration Trump.
Ainsi, le 5 décembre dernier, la Maison-Blanche publiait sa nouvelle stratégie de sécurité nationale dans laquelle elle met en avant les grandes orientations de la politique internationale des États-Unis, en matière de sécurité et de défense.
Comme dans la plupart de ces documents, les États-Unis exposent ici différentes stratégies en fonction de la zone géographique mondiale. Dans ce document d’une trentaine de pages, l’Europe en occupe ainsi un triplet.
Sans surprise, la publication de cette nouvelle politique a été accueillie très fraîchement par la plupart des médias tant français en particulier qu’européens en général, notamment allemands. Pour ces derniers, pas de doute, c’est bien d’hostilité qu’il s’agit : la stratégie américaine de l’administration Trump pour l’Europe est effectivement tout le contraire de ce que les dirigeants européens désirent. Et si le document rappelle bien que le lien entre les États-Unis et l’Europe est très important, il porte cependant un regard très critique sur la situation actuelle de l’Europe.
Ainsi, les Américains veulent tout d’abord un rétablissement le plus rapide possible de relations stables et apaisées entre l’Europe et la Russie, et s’opposent aussi à une extension de l’OTAN. Compte-tenu des crispations européennes actuelles sur la question, on comprend l’agitation des dirigeants européens à l’évocation de ces points.
L’administration Trump exprime aussi clairement le souhait de promouvoir les mouvements politiques souverainistes, i.e. qui s’opposent à la tendance actuelle de l’Union européenne, décrite en préambule et sans fard comme une destruction civilisationnelle, le document mentionnant notamment la censure, la répression de l’opposition et la perte des identités nationales.
Détail intéressant : si l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Irlande sont bien cités, la France n’apparaît nulle part dans le document.
Les États-Unis souhaitent aussi consolider leur lien avec les pays du Centre, de l’Est et du Sud de l’Europe, ce qu’on peut probablement décoder comme étant l’Italie et essentiellement les pays rentrés récemment dans l’Union, comme la Pologne. Là encore, la France est complètement ignorée.
Cette politique n’est pas nouvelle. Les Américains continuent ici une politique générale de « soft power » (une influence diplomatique et culturelle) en Europe qu’ils tiennent depuis des décennies, tout en recentrant à présent leur attention sur l’Europe centrale. Cependant, là où il ne s’agissait que d’un sous-entendu compris mais pas officiel dans les chancelleries, et là où les valeurs étaient clairement progressistes, l’administration Trump l’explicite clairement tout en prônant des valeurs de droite conservatrice et identitaire.
C’est probablement ce qui entraîne le rejet le plus viscéral des dirigeants européens.
La publication de cette stratégie n’est cependant le seul élément de tension entre les deux côtés de l’Atlantique ; l’autre élément est sans doute l’absence du secrétaire d’État américain, Marco Rubio, à la dernière réunion de l’OTAN, chose qui ne s’était plus produite depuis 1999.
Ceci s’ajoute à de récents rapports selon lesquels le Pentagone aurait coupé ses contacts avec l’armée allemande qui était pourtant l’un de ces principaux relais en Europe…
Bref, tout porte à croire que les différends entre Washington et les chancelleries européennes sur le dossier russo-ukrainien sont en train d’agacer l’administration Trump, qui accepte de moins en moins les rejets des plans de paix du président américain par les dirigeants européens. Cependant, le rapport de force est clairement en faveur des États-Unis, tant au niveau politique, financier que militaire, et on ne voit pas comment les Européens pourraient vraiment inverser la donne. Et alors que le plus gros de la logistique de l’OTAN est en effet assurée par les Américains, l’administration en cours cherche à s’en retirer – au moins en partie – si l’Europe ne prend pas en charge sa défense…
Paniqués, agacés et/ou inconscients de ce rapport de force et de la direction prise, l’Union européenne a essentiellement réagi en collant une amende mémorable à X, le réseau social dirigé par Elon Musk. Ceci n’a pas manqué de faire réagir un nombre conséquent d’internautes, de journalistes et, surtout, l’administration américaine dont Marco Rubio qui a ainsi déclaré que cette amende constituait « une attaque contre les plates-formes américaines et les citoyens américains ».
Des représailles américaines sont donc à prévoir.
Il apparaît probable que les États-Unis vont chercher à limiter leurs interactions avec des organisations internationales comme l’Union européenne ou l’OTAN pour se recentrer sur des relations bilatérales avec des pays clés, en l’espèce des pays comme la Pologne, la Hongrie, voire la République Tchèque dont l’opinion publique est favorable aux États-Unis et qui possèdent des mouvements nationalistes puissants. On peut aussi s’attendre à des accords commerciaux entre les États-Unis et les pays baltes qui ont justement beaucoup investi dans leur propre défense.
Dans ce cadre, l’Europe de l’Ouest pourrait être mise sur la touche : politiques de défense jugées trop faibles, hostilité marquée à la politique de Washington, autant de raisons qui expliquent par exemple que Trump a ainsi un temps considéré retirer des troupes américaines d’Allemagne pour les placer en Hongrie.
Ces éléments laissent entrevoir un accroissement des divisions au sein de l’Union, tant ils s’opposent à l’idée française (et de certains pays d’Europe de l’Ouest) d’une autonomie européenne. Cette division sera d’autant plus facilement utilisée par les États-Unis que la plupart des pays d’Europe de l’Ouest ont une dette importante et des budgets avec une marge de manœuvre réduite, rendant très difficile à atteindre les objectifs de financement d’une défense propre voulus par Washington.
L’OTAN y résistera-t-il ? Le doute s’installe, les États-Unis pouvant par exemple décider de plutôt conclure des ententes bilatérales de défense avec des pays précis plutôt que dans le cadre de l’ancienne alliance (cette dernière nécessitant d’avoir l’accord de l’ensemble des membres).
Ce qui se joue aujourd’hui entre Washington et Bruxelles n’est pas une simple querelle transatlantique, mais la fin d’un cycle stratégique ouvert à la fin de la Guerre froide. En réorientant explicitement sa doctrine vers l’Europe centrale et en assumant une lecture identitaire des rapports internationaux, l’administration américaine ne cherche plus seulement à « gérer » l’Union européenne mais à travailler à sa reconfigurer comme espace politique fragmenté, en privilégiant des États capables d’offrir un alignement immédiat plutôt qu’un partenariat global. Washington opère un basculement du multilatéralisme institutionnel (OTAN, UE) vers un bilatéralisme idéologique et transactionnel, entraînant l’Europe vers une balkanisation des politiques de défense, chaque État négociant bilatéralement sa sécurité.
Et c’est logique : pour les États-Unis, le coût de l’opérateur « Union européenne », lent, divisé, beaucoup trop normatif, dépasse à présent les bénéfices qu’il peut en tirer.
Ce n’est pas seulement la place de l’Europe dans le monde qui est en jeu, mais la nature même de l’Europe comme acteur stratégique. Et pour l’instant, ce sont les États-Unis et non l’Union qui déterminent les nouvelles lignes de fracture.





Trump n’est visiblement pas Biden, vu de l’UE. Il ne fait rien qu’annoncer des choses qui fâchent !
Les USA privilégieront toujours leurs propres intérêts.
C’est normal mais nous en feront les frais. Quand je dis nous, je parle des états (tant pis ou tant mieux) mais aussi des peuples.
C’est à dire que des dirigeants qui essaient de pousser l’intérêt de leur pays ( même s’il est convergent avec le leur ) ça nous fait tout drôle .
« la France n’apparaît nulle part dans le document. »
Ferait elle « tout bien » à l’aune de Washington ?
Plutôt, la France n’existe plus pour Washington.
Merci H.
C’est exactement ma pensée réelle.
J’aurais dû ne pas oublier un double smiley, au moins ! 😛
un cour magistral de réalisme, si au moins ça pouvait se traduire par un réveil des populations …
Pour faire imploser cette cochonnerie d’Europe, les US auraient pu imposer des droits de douanes différenciés.
Taux avantageux pour l’Italie, la Hongrie, La République Tchèque, la Pologne, les pays Baltes, et taux plein pot pour les 3 boulets woke ‘progressistes’ (ce club des 3 étant de toute façon des épaves en totale perdition).
Je me demande pourquoi l’administration US ne l’a pas fait (bien qu’il ne soit jamais trop tard).
Peut être que les trois tarés n’ont pas sgrand chose à vendre. Hormis des BMW, des bouchons et des plumes a se mettre dans le cul, je ne vois pas.
Le centre geoeconomique du monde retourne a la place qu’il avait il y a cinq siècles. Les USA s’adaptent à cette donnée. Xi a plus à leur apporter que le Kéké rose.
Hors sujet quoiqu’à y bien regarder :
x.com/i/status/1998402001399664842
« Ainsi, les Américains veulent tout d’abord un rétablissement le plus rapide possible de relations stables et apaisées entre l’Europe et la Russie »
(Quinte de toux)
Ils vont réparer Nordstream du coup ?
NS2 c’est les Russes qui ont fait sauter leur propre pipeline. La Pravda l’a dit. Tu en douterais?