Quand il n’y a plus d’espoir, que noir c’est noir et que l’horizon ne semble plus présenter qu’une ligne morne de triste désolation, seul un héros peut redonner espoir et motivation au triste monde plongé dans sa perplexité morbide post-apocalyptique. Aujourd’hui, un nouveau héros s’est levé, grand, grave, le teint buriné sous les puissants éclats des ors de la république, l’oeil vif et le jaret pétillant, j’ai nommé : Gilles De Robien. Son nom, il ne le signe pas à la pointe de l’épée, mais avec un Mont-Blanc ministériel, et ce faisant, nous fait profiter d’un trait magistral de son esprit affûté comme du beurre chaud.
Robien Des Bois, qui se bat pour se sauver de la veuve et de l’orphelin, a donc retroussé ses manches de chemise en coton d’égypte. Et ça fait mal.
Invoquant toute la force de son pouvoir magique ancestral d’énarque survitaminé, il nous a créé un nouveau concept : le « Réseau Ambition Réussite » est né. Vous avez bien lu : un réseau dont l’ambition est la réussite. Mazette, rien que ça, déjà, ça en jette. Ca claque sa mère, comme on dit dans les ZEP. Limite, je pourrai arrêter mon billet ici, tant le concept se suffit à lui-même.
S’il existe bien un élément qui permet, directement, de discriminer un projet rationnel d’une fumisterie étatiste absolument vide de sens, totalement stupide et complètement inefficace, c’est bien le Nom. Les gens de l’art me comprendront : un nom peut être marketing, un slogan accrocheur, une démarche nouvelle ou un concept émoustillant. Mais si l’état y met son nez, le nom devient incroyablement ridicule, le slogan niaiseux ou mal fichu, la démarche boiteuse et le concept vaporeux.
Là, avec le « Réseau Ambition Réussite », on touche au Parfait, au Divin, à l’apothéose du Nimportekwa Or Massif, autant dans le nom, incroyable trouvaille d’un besogneux publicitaire en mal de franche poilade, probablement, que dans le contenu même de l’action que notre Justicier de Socialood entend entreprendre.
Tout d’abord, le nom : c’est un formidable concentré de toutes les naiseries socialobienpensantes types que les collectivités, les organismes d’états et les associations sursubventionnées nous pondent à longueur d’années pour tous les sujets aussi improbables soient-ils (on en trouve à foison dans les petits opuscules des ministères, type « L’Euro, c’est plus facile ensemble » de Minifin[1]). Si l’occasion se présente, faire un florilège de ces conneries serait divertissant et mériterait presque une étude complète, quasi ethnologique sur leurs producteurs, pour déterminer comment, à partir de concepts aussi fumeux, ils arrivent à faire des slogans d’une aussi grande capacité de résonnance. Notons au passage que pour faire de la musique et du pipeau notamment, la résonnance est fort utile.
On y trouve ainsi à la fois le mot « ambition », qui insuffle un certain élan, évidemment, et le mot « réussite », qui ouvre d’intéressantes perspectives. Evidemment aussi, des petits grinçants remarqueront que la réussite, en tant que telle, n’est pas vraiment une ambition : c’est, tout au plus, le minimum qu’on puisse se fixer dans toute entreprise. Sinon, autant aller à la pêche. Mais l’accolade de ces deux mots est d’une extraordinaire puissance : non seulement, ça ne veut rien dire, mais en plus, c’est se fixer un but a minima à la limite du pleutre, et enfin, c’est ouvertement prendre ceux qui s’en voient gratifiés pour des imbéciles. D’un autre côté, si Robien l’avait jouée honnête, le maroufle aurait dû se contenter d’un Ambition Médiocrité qui en aurait fait pouffer plus d’un.
Je scruterai cependant (sans trop y croire) tout signe (même timide) de fou rire contenu de la part des journalistes quand ils parleront (très sérieusement) de cette mesurounette au JT.
Au delà du nom, que cache cette étonnante oeuvre cosmique au slogan musical ?
Eh bien, « Ce n’est pas un slogan, c’est une véritable promesse d’avenir », nous en rajoute une couche le petit cabalero de l’éducation. Et une promesse de futur, c’est plein d’avenir, c’est bien connu. D’ailleurs, ça ne coûte pas cher, de promettre un avenir, un futur ou, pour les moins riches, un plus-tard. Ce qu’on y trouvera, par contre, …
En pratique, il y aura une pelletée de moyens, une pincée de moyens, quelques moyens et des moyens supplémentaires. En gros. De près, c’est des centaines de profs en plus (il nous en manque tant, en France, c’est bien connu), des primes, moins d’abrutis d’élèves par classe, et une redéfinition de la carte scolaire, des zones ZEP, etc…
Pour synthétiser : le ministre a décidé de claquer un peu plus d’argent, de façon un peu plus désordonnée et un peu plus brouillonne encore que ses prédecesseurs – comme quoi, cela était effectivement possible –[2], pour (encore!) sauver l’enseignement, notre système scolaire et patati, et patata. C’est tellement abrutissant de déjà vu, déjà entendu, et déjà courru d’avance que le commentaire des mesurettes qui vont foirer me fait bailler.
Bon. La question à 20 cents : qui a bossé sur le nom, là, de « Ambition Réussite » ? Qui a été payé pour ça ? Hein, qui ?
Voilà : personne ne se dénonce !
Ah, elle est belle, la France !
Faire une étude anthropologique des noms stupides qu’ils donnent à leur leurs (demi-)mesures, ce serait apporter de l’eau au moulin des rationaliste-(dé)constructivistes-scientistes qui se tapissent dans nos belles universités que la Monde nous envie (C-TM-R). Et ca leur donnerait une (mauvaise) excuse pour justifier de nouvelles taxations.
Quand j’y pense elle est belle la vie au Canada, quand même…
Cheers
Effectivement… Le Canada a (au moins) ceci d’agréable que la liberté y est plus et mieux défendue qu’en France. Notons cependant que le Québec, au contraire des autres provinces, tend à rattraper la France en matière de législations, taxes et comportements (c) Demaerd (comportement qu’on peut aussi observer en Belgique il me semble – mes lecteurs Belges me corrigeront si je me trompe). La France, malheureusement, ne se contente pas toujours d’exporter sa francophonie, mais parfois aussi ses principes socialo-dégoulinants.
Yeah,
Il ne faut pas longtemps pour réaliser que le québec n’est plus que l’ombre de lui-même. Ils ont tellement édicté de lois protégeant la soi-disant culture francophone québécoise qu’ils ont fini par l’annihiler complètement. J’en veux pour preuve le déclin de montréal comme centre financier et culturel du Canada, au profit de Toronto. La culture qébécoise actuelle, hormis quelques exceptions est vide de tout substance et ne survit qu’à coup de subventions. PLus ça va et plus je me dis que notre "modèle social" (c) demaerd n’est pas le fait d’une élite mais plutôt directement une part de notre culture. En d’autres termes et pour simplifier, parler français fait de nous les esclaves de la social-démocratie.
J’en viens moi aussi à me demander dans quelle mesure le Français, comme langue, véhicule une telle notion, tant je peux observer chez nos amis Belges, Québécois, … une même tendance à la social-démocrassie et à la copie de notre « modèle social »…
Une réflexion francophone à ce sujet serait édifiante ; si des Belges, des Suisses, des Luxembourgeois et d’autres francophones peuvent, à l’occasion, me donner leur opinion, je serai fort intéressé.
Une piste à explorer serait peut-être les racines latines de notre culture et l’origine du droit qu’on retrouve dans le droit romain si je ne dit pas de conneries… Les pays les plus "libéraux" semblent être pour une grande part d’origine anglo-saxonne, donc basées sur un droit different.
Peut-être est-ca la réponse?
On peut aussi penser à la conception holiste de la famile versus la conception individualiste anglo-saxonne. Je n’ai pas de mots pour l’exprimer, mais je ressent de plus en plus que l’individualisme est le corollaire au libéralisme et qu’une société dont le noyau familial est basé sur une vision communautaire ne peut être par essence d’inspiration libérale.
A creuser…
Cheers
Merci Arnaud pour ces brillants commentaires;
(…) "basées sur un droit différent"
C’est parfaitement la réponse hormis que ce n’est pas fondamentalement le Droit mais plus la sociologie anglo-saxonne (britannique par exemple) qui est déterminée par le bien-être de l’individu; ce dernier, épaulé, profite à toute la communauté; en France, c’est l’inverse, le bien-être la communauté « profite » à tous les individus qui la composent. Les sources de la sociale-démocrassie sont là.
H16, je vous confirme que la theorie sur la francophonie s’applique tout a fait a la Suisse ou le virus collectiviste sevit dans les cantons romands (Geneve en tete). Heureusement, les suisses alemaniques veillent au grain.
… Merci pour cette confirmation. Ce n’est pas trop pour me rassurer.