Dans ce petit pays qu’on nomme ici Fraônce, la campagne pour nommer son vénéré président prend une tournure intéressante. Alors que les candidats se bousculent à gauche, qu’ils se bousculent à droite, et qu’ils se bousculent franchement aux extrêmes, tout le paysage n’est plus que bousculade. Tout ? Non, une petite trouée de calme et de constance apparaît au milieu du brouhaha…
C’est l’Extrême Centre.
Ni à droite, ni à gauche, ni même franchement à mi-course entre les deux, subtil et évanescent comme un pet parfumé au jasmin, l’Extrême-Centre se caractérise par un trajet d’une rectitude claire, un entêtement quasi proverbial, et un programme suffisamment large pour lui donner une bonne portance et lui permettre de s’envoler, toujours centré, vers la stratosphère où les pieds ne rentrent jamais en contact avec la réalité.
Hum. Vous me direz, ici, que j’y vais un peu fort… Je ne sais pas. A vous de juger.
En faisant une rapide revue de presse aujourd’hui, j’ai noté qu’un certain nombre d’articles pointaient tous dans le même sens : le patouillage cosmique de la Bravitude du Poitou et les excitations spasmodiques du Kärcher de Neuilly en viennent à faire douter les Français, et, petit à petit, un troisième candidat grimperai dans les sondages.
Eh oui, François récolte les fruits des vicissitudes de ses deux compagnons de lutte. A l’étatiste de droite, Sarko, et à l’étatiste de gauche, Royal, Bayrou propose un étatisme du centre.
Là où, au milieu des néologismes bruyants et bricophiles, la candidate du PS ne propose rien à grand renforts de moulinets saltatoires vrombissants, et où, au milieu d’idées sans queue ni tête empailletées par du pipole clinquant, le candidat de la droite aligne promesses distribuées largement aux subventions gloutonnes sans fond et sans fonds, Bayrou, dont peu de gens, finalement, ont entendu le programme, ne fait guère de bruit et passe, dès lors, pour un pragmatique modéré.
Admirons la démarche : passer d’un bus au colza à une position enviable de troisième homme crédible dans une élection, c’est un joli parcours, que dis-je, une performance d’artiste. Et cela montre aussi l’absence de mémoire des électeurs, ou, plus à propos, leur total désarroi.
En effet, si l’on y regarde de plus près, on se rend compte que Monsieur Bayrou, s’il peut effectivement se placer comme troisième homme, peut aussi (mais plus discrêtement) se placer comme troisième étatiste standard dans ce que la France produit de plus traditionnel.
Sur le site du candidat, on pourra en effet découvrir quelques uns des points de vue et propositions du sauveur des élection 2007. Et leur lecture est … édifiante, et un peu attristante, bien que la banalité des constatations adoucit le choc : Bayrou est un n-ième VRP de l’Etat.
Ainsi :
– La fonction publique a besoin de … moyens (i.e d’argent, donc d’impôts) !
– … Par exemple en augmentant le nombre d’éducateurs dans les écoles. Ce qui nous permettra de conforter notre place de premier au monde au rapport ((éducateur ou prof) / éleve). Et puis, ça n’a jamais été tenté. Si ?
– l’ISF, par exemple, est traitée de façon intéressante : on la réduit (1 pour 1000 il semblerait) mais pour une assiette beaucoup plus large. On ponctionne moins, mais sur plus de monde. C’est cela, la troisième voie. Elle gratouille un peu, mais c’est normal. Elle est peu utilisée.
– Il s’oppose à la privatisation des autoroutes, d’EDF et de GDF, et, tant qu’à parler d’énergie, aimerait bien une petite fiscalité écologique (parce nous le valons bien) et une réduction de la vitesse pour favoriser les baisses de consommations ; rappelons au passage que le fait de ne pas rouler du tout permet de sauvegarder 100% de son plein tout le temps : voilà une quatrième voie, dite « de garage ».
– Notre altercandidat est bien sûr tendrement pour le Droit au Logement (certainement Opposable), et chérit l’idée qu’on puisse imposer à tout bâtisseur qu’il fasse aussi dans le logement social. Succulent.
– Tiens, au passage, pour lui, le logiciel libre doit être défendu et garanti (gosh!). Je me perds en conjectures : y aura-t-il une date de péremption, comme sur les yahourts ? Ou l’état fournira-t-il un Service Public du Logiciel Libre pour en garantir l’accès à tous ? Je m’interroge…
Ok, il y a aussi quelques bons points, comme une idée de refonte de la carte scolaire (mais j’ai bien dit « refonte » pas annulation), de refonte des minima sociaux (mais j’ai bien dit « refonte », pas annulation) et d’une refonte de la législation sur les heures supplémentaires (mais j’ai bien dit …).
Eh oui, c’est un peu ça, l’Extrême-Centre : on refond à tour de petits bras, pour proposer une autre facette du caramel à la moraline que l’Etat nous enfile par paquet de douze depuis tant d’années par tous les orifices.
Ne nous y trompons pas : Bayrou est quelqu’un qui joue (habilement de surcroît) sur son côté courageux, voire entêté, sympathique, et « homme de convictions ».
Or, on peut très bien avoir de solides convictions, si ce ne sont pas les bonnes, on n’obtiendra pas de meilleurs résultats que les autres…
J’ai vu sieur lepen a midi sur M6, qui nous explique que la remontée de bayrou a 12% (+7Pts soit environ 2 millions de français qui ont changé d’avis en 1mois) ne serait qu’une redite du coup de 2002.
A cette époque Chevement occupait le role de nouveau 3eme homme, il avait décollé dans les sondages etc. au final : quelques pourcents pour lui et 17% pour lepen.
je me demande ce qu’il faut penser de ces études…
Cela dit, bayrou, c’est un peu le contestaire BCBG pour ceux qui ne veulent pas se compromettre dans les extrèmes.
L’UDF : le parti … de la révolution… euh non, du changement, oups pardon, j’ai rien dit, la rupture pas violente genre soft et encore, je devrais enlever rupture , c’est un peu agressif…
Lepen a d’ailleurs probablement raison concernant Bayrou. Il n’y aura qu’un troisième homme (voir plus) et ce sera lui. Et il le sait tellement qu’il n’hésite pas à la dire dès qu’il le peut.
Merci pour ce billet a l’humour toujours devastateur 🙂
Pour ma part, je verais bien une femme en tant que "3eme homme", et vous? Un petit 21avril bis … pardon 22avril
max
Si Gogolène continue comme ça, ca sent la bouderie !
Sachant que le prochain Président devra affronter au moins une crise majeure et résister aux plus grandes méga-grèves de l’histoire du pays, dans l’hypothèse d’un prévisible effondrement total du modèle anti-social français, vaut-il mieux avoir:
– un homme qui tient ses troupes d’une main de fer, censure la presse, n’hésitera pas à bloquer les frontières ou tordre le bras à quelques-uns pour exercer sa volonté
– un homme qui fait dans le consensus mou sans contenter personne, qui a peu d’amis et peu de crédibilité
– une femme qui ne sait rien à rien, sert d’arbre (creux) pour cacher la forêt éparpillé de son parti en miettes, mais fait dans la démagogie destructrice ("le financement, on verra plus tard")
– un homme qui veut fermer les frontières, sortir de l’euro, aura les députés, les maires, et le sénat contre lui en permanence sans parler des habitants du pays
Lequel est le plus susceptible de "tenir", qu’il faudra donc éviter d’élir ? Lequel est le plus conseillé pour accélérer la crise sans trop l’aggraver ? Lequel serait préférable pour démolir une bonne fois pour toutes l’archéocommunisme putréfié qui gangrène notre société, sans risquer de le reconstruire (en pire) ?
A la dure question de Jesrad, il est difficile de répondre, et pourtant, on n’aura que le choix de l’embarras (pour reprendre le mot de Coluche) entre ceux-là.
Bayrou a déclaré qu’il inscrirait dans la constitution l’interdiction d’avoir un budget en déficit pour des dépenses de fonctionnement.
Toujours pour paraphraser Coluche: ce n’est pas plus mal que si c’était pire…
Cynique, je dirais que si on veut vraiment faire péter le système, il nous faut Besancenot…
G.
Ou Albert Jacquard.
Il ne se présente pas ???
Je suis déçue !
Mwarf, pourquoi pas Jacques Attali, le Prophète-qui-s’est-toujours-trompé-sur-tout ? 😀