Engrenellage de la presse !

Je relatai, récemment, comment, avec un minimum d’imagination et beaucoup, beaucoup, beaucoup de sueur on pouvait rendre le monde nettement moins rigolo en matière d’environnement. Il n’aura même pas fallu une semaine aux sportifs survitaminés de la Connerie Sidérale Stato-subventionnée pour se remettre d’aplomb, après pourtant le marathon épuisant que représenta le Grenelle de l’Environnement, nous proposer un petit engrenellage de la presse de derrière les fagots.

Pour le mois de Septembre, l’engrenellage se portait plutôt dans les tons gris et pastels. Le ton se voulait sobre, presque docte et tristounet, appuyant sans doute sur la fin d’un été un peu maussade pour faire passer les grandes lignes épurées d’une saison de haute-couture écocologiste toute en finesse collectivistes rougeoyantes.

On avait assisté à un véritable défilé de mesurettes aussi sexy et charnues que des mannequins anorexiques accros à la dope, et, comme de bien sûr à la fin d’un tel défilé, on avait eu droit à une robe de mariée somptueuse, à la fois bouffante et légère, vaporeuse, superficielle et évidemment au prix défiant toute planification budgétaire, le tout sous les applaudissements nourris d’un public béat noyé dans une symphonie de bulles alcoolisées, de paillettes glamours et de flashs crépitants.

Une semaine après, les agents d’entretiens ont ramassé les paillettes, passé l’aspirateur et jetté recyclé les bouteilles de champ’ éventées. Pour éviter que le parfum de la fête ne soit trop vite oublié, le collectif des Joyeux Engrenelleurs se sont donc lancés dans une nouvelle opération marketing : l’Engrenellage de La Presse.

Pour mes lecteurs les moins assidus, je rappelle qu’un engrenellage réussi suppose une bonne dose de courage pour aller abelchemouler à droite ou à gauche une cause farfelue et la rendre immédiatement médiatique. L’idée générale d’un engrenellage consiste donc à partir d’un constat faux ou partiellement biaisé, à construire ensuite un raisonnement bancal, aboutir à une conclusion idiote et demander enfin l’intervention de tous et surtout de l’état pour résoudre le faux problème dénoncé dès le départ. La cerise sur le gâteau consistera à demander ensuite un Sommet pour en discuter tous ensemble (car Tous Ensemble On Peut Y Arriver), et à l’appeler Grenelle du machin en question.

Vous avez des problèmes de poids, vous en avez trop ou pas assez ? Vous mangez n’importe quoi ou rien du tout ? Vous chopez les rhumes, les gastros, la chtouye ou le cancer trop facilement ? Vous en avez assez de payer le médecin ? Vite, un Grenelle de la Santé ! Vous n’arrivez plus à partir en vacance parce qu’il faut garder mamie, le chien ou les deux ? Vite, un Grenelle Des Animaux de Compagnie… … Et Des Grands Mères. Vous n’arrivez plus à vous loger à cause de la mondialisation, des subprimes et des salauds de proprios et de banquiers qui en veulent à votre argent et que la bulle n’a pas encore explosé zut alors ? Vite, un Grenelle de l’Immobilier ! On peut d’ailleurs présager un Grenelle du Pétrole dans les prochains jours, et probablement un Grenelle du Poisson Pas Frais au rythme où vont les choses …

Vous avez compris l’idée, il suffit d’avoir un furoncle au derrière et d’être bien placé dans les media, et hop, un petit Grenelle vous pousse tout seul, à condition de l’arroser régulièrement de petites conférences de presse, cela va sans dire.

Pour la Presse, c’est pareil. Première étape : on part de l’idée que la presse est en danger. Ensuite, on brode sur le thème tous les pouvoirs sont concentrés, ce qui est un thème original s’il en est puisqu’il n’est en vogue en France que depuis 300 jours, au fur et à mesure que l’avènement de Sarkozy au pouvoir ne faisait plus de doute. Enfin, on conclut sur l’absolue nécessité de cette presse à devoir se dégager des contingences du monde réel, sur le principe de sa sacro-sainte indépendance à l’égard des pouvoirs, notamment économiques, je cite d’ici.

Franchement, ce soir, j’ai été pris par surprise : je ne pensais pas me tortiller autant en lisant cet article du Môôônde. Une petite exégèse rapide s’impose.

Ca cogne très fort dès les premières lignes, que dis-je, dès les dix premiers mots : l’initiative de ce Grenelle de la Presse est évidemment, de façon quasi-caricaturale, à l’initiative d’une intersyndicale fourre-tout : SNJ, USJ-CFDT, SNJ-CGT, SJ-CFTC, SJ-FO. On peut se poser la question de savoir pourquoi, si le journalisme est en danger, tous les journalistes (et pas seulement les syndiqués, voire seulement les syndicalistes) ne sont pas de la partie. J’en déduis qu’il y a des inconscients chez les journalistes, même pas concernés par les affres sordides d’une profession tourmentée par la peur et l’oppression… C’est mauvais signe pour une profession qui se fait fort de faire prendre conscience aux citoyens européens que le journalisme et l’information sont en danger. Un travail de fond en leur propre sein s’impose, semble-t-il.

Au cours de ce petit article, on apprend ensuite que l’objectif de cette agitation est un mécanisme assurant l’indépendance (des équipes rédactionnelles) à l’égard des pouvoirs, notamment économiques. Des gens indépendants à l’égard de la politique et de l’économie, ça existe : ce sont les gens très très très riches, par exemple. Ou les fous, les ermites, les solitaires. Ce qu’ils visent, évidemment, c’est qu’on ne puisse leur imposer de pressions politiques ou économiques.

Pour les pressions politiques, on voit assez bien de quoi il s’agit : le pouvoir politique disposant de la coercition, et un coup de matraque fermant bien des gueules, on comprend que cette indépendance leur soit chère.

L’indépendance économique, en revanche, est plus subtile à appréhender. On pourrait y voir, généreusement, le désir de s’affranchir des pressions que certains magnats font peser sur les pauvres journalistes, en les payant pour leur faire écrire ce qu’ils veulent. Mais … cette pression est, finalement, celle que n’importe qui peut ressentir parfois dans son travail : faire et être payé par l’un ou défaire et être doublement payé par l’autre ; le passage à la concurrence contre meilleur salaire est monnaie courante. L’information serait-elle, à l’instar de la santé, des transports, des télécommunications jadis, du gaz, de l’électricité, de la retraite ou des assurances chômage, un de ces biens miraculeux chéris des communistes qui ne pourrait appartenir au domaine marchand ?

Pourtant, non seulement l’information se vend, mais elle s’achète ! On l’observe tous les jours, partout, de la Bourse à l’épicier du coin en passant par la concierge ou dans les couloirs auprès des machines à café.

Non, assurément, l’indépendance que veulent ces syndicalistes, c’est cette saine indépendance qui permet de se détacher des contingences matérielles de tous les jours. Quand on n’a pas besoin de gagner sa croûte, là, oui, vraiment, on peut faire journaliste et oublier les contraintes de la production marchande : on peut, à l’instar de l’Humanité, cracher sur la gueule du capitalisme d’un côté et quémander à qui mieux-mieux les subsides de l’état et les dons de généreux patrons pour compenser des pertes abyssales que l’absence de lecteurs payants creuse tous les jours.

D’ailleurs, l’incohérence du propos est complète, puisqu’un peu plus loin, dans l’article, on découvre que les entreprises de presse sont sous-capitalisées, donc fragiles, et où il existe peu de groupes de presse « pure players ». Alors quoi ? Vous voulez être indépendants de l’économique, mais vous vous trouvez sous-capitalisés ?!

La suite est encore plus savoureuse.

Le Forum avait demandé, avant les élections, à rencontrer les partis des présidentiables. Seule l’UMP n’a pas répondu à notre demande. Saisi après son élection en tant que garant constitutionnel du pluralisme de l’information, Nicolas Sarkozy n’a toujours pas répondu.

Franchement, c’est scandaleux ! Des gens, des partis, ont refusé, je dis bien refusé de rencontrer le Forum des Journalistes ! Quel affront ! A la limite, tout comme une convocation par un juge d’instruction balayée d’un revers de la main, ce genre de comportement devrait être sanctionné ! Sapristi !

Et cette juste indignation explique la suite :

Nous souhaitons lancer l’idée d’un « Grenelle de la presse », qui aborderait tous les dossiers en suspens : financement, aides à la presse, indépendance, déontologie, pratiques professionnelles, éducation aux médias…

Avec le financement, les aides à la presse, l’indépendance (dont économique), pas de doute : finalement, ils veulent des sous !!

Oh. Quelle surprise.

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Commentaires4

  1. Oppossum

    Bien vu comme d’hab.
    Mais vous ne ferez croire à personne que le politique et l’économique, sans quelques petits rappels à un minimum de déontologie et d’objectivité -même hypocrites et interessés- , n’auraient pas un genre de tendance naturelle à peser discrètement de leur carrure , lorsque la météo leur est favorable, sur les organes diffuseurs d’informations ou les faiblesses délicatement humaines des agents qui les composent.

  2. Bien sûr qu’ils pèsent ! Mais ils pèsent dans les deux sens, les intérêts de certains ne se confondant pas dans les intérêts des autres. En outre, il existe pas mal de pays où la presse est très capitalisée, et … de bien meilleure qualité (i.e. bien plus indépendante) que celle dont on dispose en France ; ici, cette presse est totalement à la merci des subventions étatiques dont elle dépend de plus en plus. Que vaut-il mieux ? Une presse aux mains de magnats se faisant concurrence, ou une presse aux mains de l’Etat, unique détenteur de la force sur un territoire donné ?

  3. Higgins

    Les deux gros problèmes de la presse et des médias en France résident, un, dans la médiocrité chronique des journalistes et affidés (il suffit de se pencher sur la grande partie des articles publiés pour s’en rendre compte, on est très loin de la pugnacité de la presse anglo-saxonne, ou tenter d’écouter ou de voir une émission de télé ou de radio dites d’informations) et deux, dans le prix élevé de cette même presse, qui limite de fait le pluralisme, comparé aux prix pratiqués aux USA ou dans une bonne partie de l’Europe (nos regards se portent alors tout de suite vers le monopole, encore un, exercé par un certain syndicat du livre).

    Au bilan, des médias de moins en moins intéressante à lire ou à écouter ou à regarder et des journalistes qui se discréditent de plus en plus à vouloir jouer les "pères la morale" en assénant tout et n’importe quoi sur n’importe quel sujet (exemple: les chiens "dangereux" mais pas un mot, ou si peu, sur la caisse noire de l’UIMM, sans compter les innombrables scoops qui ne sont, le plus souvent, qu’un ramassis de lieux communs péniblement assemblés comme tous les articles sur les "sociétés secrètes qui font la France", le vrai pouvoir des "…" – là, il faut remplir soi-même le blanc -, ou encore les innombrables émissions de télé ou de radio où, désormais, ce sont les auditeurs ou spectateurs qui font le pus gros du travail). Dans ces conditions, il est logique de voir un média comme Internet prendre de plus en plus d’importance (avec tous ses défauts et ses qualités) et supplanter progressivement les médias traditionnels.

    Ayant récemment suivi une formation sur la "communication" sous la houlette d’un talentueux journaliste (il en existe quand même), je crois que bon nombre des acteurs de ce petit monde assimilent de plus en plus ces deux notions qui sont l’information et la communication et ce, au détriment de la première. Je souhaiterai vivement que des personnes, qui mettent facilement en avant la difficile formation qu’ils subissent au sein des écoles de journalistes, fassent preuve de plus de retenue dans les choix qu’ils font et nous apportent, face à la complexité du monde, des commentaires appuyés sur un juste recul et une indispensable réflexion. Rabelais avait bien raison lorsqu’il fustigeait les ovins d’un certain Panurge, sa plume ne dénoterait pas une seconde en ce début du XXIème siècle.

  4. Gaël

    Eh ben moi je suis pour…
    Pour un Grenelle de la Biscotte, parce que c’est sérieux le petit déj. D’ailleurs, je veux un moratoire sur le beurre demi-sel, c’est une question de société qui a son importance.
    Après, dans un tout autre domaine, on pourra s’interroger sur la tenue d’un Grenelle de la Vacuité et pourquoi pas un Grenelle des Grenelles, pour bien finir l’année (et les bouteilles)…

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