Il y a quelques mois, j’ai eu la touchante surprise d’accueillir chez moi Adolfo Trezorpubli, un des gros durs envoyé par le parrain local, Nicolo Sarcosi. Comme d’habitude, un peu à l’étroit dans son costume Cerruti taillé sur mesure dans une laine super 120 assez classieuse, il m’avait poliment expliqué, une canine ostensiblement en exergue, que ma contribution généreuses aux oeuvres caritatives arrivaient à échéance et que je devais payer. Assurance contre les bris de rotules, protection des enfants, facilité de commerce et travail simplifié, tout ça…
Eh oui, que voulez-vous, trois fois par an, je dois mettre la main à la poche pour aider mon “protecteur”.
En échange, me dit-il, il assure ma protection au moyen d’un service de “police” de proximité, m’évitant ainsi les tracasseries des guerres de gangs, me permet d’avoir accès aux écoles et aux trains de sa “firme”, et peut même, moyennant un petit supplément, me fournir de l’eau, de l’électricité ou du gaz si j’en ai besoin. Bien sûr, mon parrain m’aide aussi à faire rouler ma voiture, en me fournissant l’essence que j’y mettrais. (J’ai d’ailleurs rapidement compris que, seul sur ce marché juteux, le parrain ne me faisait pas vraiment un cadeau, puisqu’il fait plus de 75% de marge sur le produit. Mais baste, au moins, me dit-il, ne serais-je jamais dépourvu du précieux liquide !)
Cependant, au dernier passage d’Adolfo, je n’ai pu m’empêcher de trouver un peu salée l’addition présentée.
“Monsieur Trezorpubli, je ne comprends pas : encore une fois, je vais devoir vous laisser une substantielle part de mon revenu, mais êtes-vous sûr de bien vous acquitter de votre part de devoir consécutif à cette… ponction ?”
Adolfo me toisa de ses deux mètres et cent-vingt kilos de muscles, fronça les sourcils et déclara d’une voix suave d’où pointait une petite pointe de menace sanguinaire : “Vous n’êtes pas contents de nos services, peut-être ?”
Evidemment, avalant ma salive qui disparaissait de ma gorge à la vitesse de la mer d’Aral, et entamant un sourire gêné, j’expliquais d’une voix blanche et d’une phrase bousculée par l’effroi de ma propre audace que “Si si, ne vous méprennez pas, pas taper pas taper, j’essaye simplement de mettre en relation le paiement de l’assurance très utile et ô combien justifiée que Mr. Sarcosi m’encourage si gracieusement à payer, et les récents événements survenus autour de moi, c’est tout…”
Le calme pandore, d’un mouvement de sourcil bien spécifique (le droit se fronce, le gauche se relève) m’enjoigna alors sans même émettre un mot d’élaborer ma réponse. J’avais de la chance, il semblait enjoué ce soir là.
Sentant nettement les gouttes de sueur dégouliner le long de ma colonne vertébrale et la facture d’hôpital prévisionnelle augmenter, je m’aventurais cependant dans les considérations suivantes :
Aussi fort Nicolo Sarsosi soit-il, il ne semblait pas en mesure de faire règner grand calme dans bien des endroits, à commencer par Grenoble où, semble-t-il, le ball-trap venait de rouvrir.
Je comprenais d’ailleurs assez bien que, compte-tenu de la situation, Mr. Nicolo attendait tranquillement que les règlements de comptes soient terminés pour aller s’occuper des vainqueurs, ce qui était une tactique logique pour éviter de tragiques dénouements dans les rangs de ses sbires, mais il n’en restait pas moins une impression générale de laisser-aller dans son organisation et dans son maillage local.
Parti comme je l’étais, et compte-tenu de l’air de plus en plus pathibulaire de mon interlocuteur, j’en vins rapidement à la conclusion que je n’étais plus à un petit os cassé ou deux près, et que, tant qu’à se prendre une peignée, autant le faire pour de bonnes raisons. Je décidais de continuer mon exposé, aussi calmement que possible, et en mettant mes bafouillages sur le compte d’une émotivité mal contenue.
Je remarquais ainsi que, bien que le service de distribution de gaz de Mr. Nicolo ne soit plus, stricto sensu[1], la seule propriété de Mr. Nicolo, il posait de sérieux problèmes puisqu’apparemment, on pouvait trouver la mort simplement en se trouvant dans les parages d’un chantier.
En effet, même si un accident est vite arrivé (j’en ferai d’ailleurs sûrement les frais bientôt, à voir la légère nervosité s’emparant de la masse de chair en face de moi), la planification générale et centralisée des chantiers et des plans d’infrastructure devraient être à même d’éviter ce genre de bévues, surtout si l’on sait qu’elles sont imposées par l’ensemble de l’administration générale dont Mr. Nicolo a la charge, sauf son respect. On s’explique mal que les plans des uns et des autres soient à ce point mal tenus, et les responsabilités autant diluées, dans une des “firme” de Mr. Nicolo, lui qui s’enorgueillit pourtant de si bien les tenir…
Mais surtout, finissais-je en accélérant mon rythme de parole car sentant l’attention de mon molosse s’évanouir, Mr. Nicolo Sarcosi semblait bien en peine pour simplement conserver un peu d’ordre parmis ses affidés et l’innombrable personnel à sa solde, ce qui entraînait de graves dysfonctionnements dans ses services pourtant réputés, de par le Monde Entier, comme étant les meilleurs, les moins chers, les plus compétents, etc, etc, etc.
Je me fendis même d’une remarque ironique (j’étais fou, j’avais bu, je l’admets) : “Si vous ne m’assurez pas contre les prises d’otages par les capis de votre capo, que voulez-vous que je fasse ? A la limite, j’irai presque les payer eux plutôt que vous !”
Evidemment, c’était la phrase de trop. La suite est confuse. Je me souviens nettement du goût de ma semelle de godasse droite, ainsi qu’une impression diffuse de douleur générale dans l’ensemble de mon être, mais, et c’est ce qui m’a sauvé, j’avais eu la présence d’esprit de payer en petites coupures non marqués, avec un petit bonus pour le pandore, dans une petite enveloppe non cachetée.
Tous les ans, finalement, la conclusion est la même : la petite enveloppe, c’est comme de la vaseline. Ca n’empêche pas la sodomie, mais ça lubrifie.
Notes
[1] gros yeux de mon interlocuteur, se demandant probablement si je l’insultais en douce
"Comme d’habitude, un peu à l’étroit dans son costume Cerruti taillé sur mesure dans une laine super 120 assez classieuse."
Vous ne précisez pas la nature de l’animal dont est issue la laine mais je suppose qu’il s’agit de laine de moutontribuable.
Hu hu !
Excellent !
D’autant que, le parrain nous répète chaque année (ah la force-persuasion du mantra répété) avec un grand sourire que la TAILLE de l’enveloppe sera plus petite…
En fait, chacun l’aura compris, c’est la quantité de vaseline dont il parle !
Conséquement, l’intromission mafieuse devient chaque année plus douleureuse…
Tiens, apparemment, Nicolo Sarcosi n’arrive pas non plus à assurer un bon repas calme à tout le monde : on se canarde après une bonne bouffe ?
MDR et LOL de LOL.
Ca mériterait un court métrage.
Vous parlez de trois sodomies par an. Perso, en free lance, j’y ai le droit tous les mois (et malgré la sodomie mensualisée, on ne s’y fait toujours pas) et en ce dernier trimestre, j’ai le droit à une grosse régularisation, sans vaseline, et les graviers sont à ma charge.
(au fait, patibulaire : sans "h" :))
Vite, vite , venez à Tahiti, le Nicolo local est encore asexué. Aucune douleur ni mensuelle ni trimestrielle ni annuelle.
"""que la TAILLE de l’enveloppe sera plus petite…"""" y’a plus besoin d’enveloppe, y’a internet!!!!!