[Redite] Une grosse louche de mobilité inclusive

Article initialement paru le 30.05.2018

En France, si vous laissez suffisamment de temps s’écouler, tout problème se traduit inévitablement par une taxe et une loi.

Il y a un an et comme vous pourrez le relire dans le billet ci-dessous, le discours ambiant voyait se développer de nouveaux concepts à commencer par celui de la mobilité inclusive, énième glaire molle produite par une élite totalement dépassée par les problèmes économiques palpables et bien définis qu’elle est incapable de résoudre avec ses outils intellectuels d’un lointain passé collectiviste.

Depuis, la glaire s’est solidifiée et, de trottinettes agressives en pistes cyclables grotesquement dans les voies de bus, l’idée a fait son chemin d’une mobilité inclusive obligatoire et minutieusement règlementée et répartie égalitairement par habitants, à tel point qu’on envisage maintenant, avec décontraction, d’imposer une prime pour ces déplacements vitaminés, alternatifs et suffisamment dangereux pour, à terme, se débarrasser des problèmes de retraites…

Nos élites sont dépassées, mais ne manquent décidément pas d’imagination dans leur compulsion taxatoire.

J’ai évoqué le sujet dans un précédent article sur les taxis en zones rurales : l’État et nos frétillants élus à sa charge se penchent actuellement sur « les mobilités », terme vague recouvrant toutes les problématiques posées par les infrastructures routières, ferroviaires, les accès à celles-ci et, bien sûr, la non-réforme de la SNCF. Et alors que s’approche le moment où il va bien falloir voter cette loi et toute l’avalanche de sucreries qu’elle apporte, la presse nous offre un petit aperçu de ce qui nous attend. Au coin du bois. Avec un gourdin.

C’est ainsi qu’on découvre, grâce à un sondage d’une pertinence stupéfiante, que cette mobilité est une composante indispensable à la qualité de vie des Français : oui, pour ces derniers, le fait de ne pas pouvoir bouger ou de se retrouver coincés au milieu de nulle part sans pouvoir en sortir constitue – et c’est une vraie surprise – un amoindrissement regrettable de leur qualité de vie. Mieux encore, on découvre que certains Français ont des difficultés à se mouvoir, soit qu’ils sont handicapés, soit qu’ils ne sont pas assez riches pour se payer le moyen de transport idoine.

De l’argent, du temps et des moyens ont été mobilisés pour cette conclusion. Fichtre.

L’étonnement ne s’arrête pas là lorsqu’on apprend ensuite que ce sondage a été commandé par le « Laboratoire de la mobilité inclusive », bidulotron émanant de l’accouplement quelque peu incestueux de grandes sociétés comme Total, de petites startups subventionnées comme Wimoov (le nom, navrant, n’a pas été changé), des associations caritatives et, bien évidemment, des agences et ministères d’État. Le sujet est d’importance, vous dit-on. Il fallait donc bien ça.

L’émerveillement qui s’empare du lecteur découvrant ce truc-machin financé on ne sait pas trop comment ne s’arrêtera pas là puisqu’après ces découvertes palpitantes, il lui faudra comprendre ce qu’est cette « mobilité inclusive » promue avec une telle humidité par ce « laboratoire » et une presse commodément acquise à ce sujet ; et là, notre lecteur sera bien en peine de trouver une définition précise puisqu’ici joue à plein l’effet chaleureux de termes douillets, d’images colorés, de textes presqu’agressivement niais et des concepts flous, mous et englobants comme le serait un caramel mou de 800 tonnes dégoulinant sur lui.

S’il parvient à s’extirper de cette gangue sucrée, il pourra aussi aller voir le « Programme des 5èmes Rencontres de la Mobilité Inclusive » qui s’est tenu à la Cité Internationale Universitaire de Paris ce mardi et qui ont offert l’occasion de découvrir comment on peut cramer une journée à profiter d’un « Cocktail déjeunatoire » pour parler de « mondes en transitions » et d’autres frétillances mobiles et inclusives… Pour peu qu’on ne se retrouve pas coincé dans une grève SNCF.

C’est ballot, mais la SNCF (qui a eu le bon goût de ne pas être membre de ce « laboratoire ») n’est pas très inclusive actuellement question mobilité, ce qui donne un aspect franchement cocasse au programme proposé qui se doit de fournir des alternatives à base de bus, de voitures et de tous ces moyens de transport pas forcément inclusifs (pleins de prout au diesel mais opérationnels, eux).

L’idée de toute cette mousse numérique semble de faire passer l’idée qu’il existe un réel problème sur le territoire français : tout le monde n’est pas en mesure de se déplacer comme il le veut, quand il le veut. Oui, vous l’avez compris, il s’agit bel et bien pour nos « laboratoire » de pousser une idée simple, révolutionnaire et pourtant absolument indispensable à tous : le droit à la mobilité.

Vous n’y aviez pas pensé ? Qu’à cela ne tienne : les principaux membres de ce collectif ont entrepris d’y penser pour vous. Le reste du monde, hors de cet Hexagone rassurant et si bien tenu, s’en passe très bien jusqu’à présent ? Il a tort, et le « laboratoire » se chargera de le leur montrer.

Pour cela, il s’est fendu d’une tribune dans Le Monde qu’il aurait été difficile de passer sous silence tant l’ampleur du douloureux problème y est décrite avec une précision toute chirurgicale : on apprend ainsi qu’« une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation pour des problématiques de mobilité ».

Cette « problématique de mobilité » est un vrai souci puisqu’elle couvre probablement autant l’absence de mélange deux-temps dans le solex que l’impossibilité d’obtenir un prêt pour acheter une voiture (ou un tracteur, après tout, soyons inclusifs) en passant aussi par les sommes mobilisées pour un abonnement TER ou RATP qui se traduira par un service minimal, d’une ponctualité approximative et la surprise plurimensuelle d’une grève ou d’un incident de voirie empêchant tout déplacement.

Dès lors, on comprend que la sphère publique soit mobilisée dès les premiers mots de la tribune, les premiers euros des frais de fonctionnement du « laboratoire » et dès les premiers articles de la loi en cours de préparation. Pour cela, on fera assaut de paragraphes où, dans un tourbillon de vide intersidéral à la crème veloutée de concepts creux, on poussera un « droit à la mobilité » qui permettra à tout le monde de réclamer qui une ligne de chemin de fer, qui un taxi à pas cher, qui un job pas trop loin ou des magasins à portée de trottinette nucléaire électrique.

Ainsi, pour nos laborantins mobiles et inclusifs, le droit à la mobilité permet – je paraphrase à peine – d’engager « une réorientation fondamentale de la politique de transport » en s’extrayant de « l’obsession de l’infrastructure » (comme, par exemple, cette compulsion morbide à produire de la LGV un peu partout à grands frais ?) pour se concentrer sur les besoins de l’usager qu’on n’aura surtout pas l’audace, cependant, de renommer « client » parce que faut pas pousser tout de même. Ce nouveau droit éco-conscient et légèrement duveteux permettra à chacun « d’effectuer tous ses déplacements nécessaires, par tout moyen, et de manière intermodale » : youpi, le road-trip sur Mars sera bientôt à la portée des Français !

Et comment parvient-on à ce résultat ? Trop fastoche, puisqu’il suffit que l’individu soit « placé au centre de la législation et des politiques de mobilité », entre la fiscalité compréhensive, la sécurité vigilante et la discrimination positive et rafraîchissante, je présume.

Il faut le lire pour le croire, mais c’est pourtant bel et bien réel : des moyens, du temps, de l’argent, des énergies (considérables) sont donc actuellement consacrés à faire en sorte que les gens puissent se déplacer comme ils le veulent, et tout cela semble absolument devoir se placer sous la responsabilité d’un « service public de la mobilité inclusive » (oui, oui, vous avez bien lu).

Alors que, partout dans le monde, le marché libre est mis directement à contribution pour trouver, tous les jours, des réponses pratiques et peu chères à ces problèmes de mobilités – doit-on rappeler l’aventure d’Uber et son impact sur les VTC et les taxis ? Doit-on vraiment épiloguer sur le résultat en terme de prix de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’aérien ? – une partie de la France semble avoir opté pour l’autre solution possible à base d’argent public, de lois, de contraintes, d’encadrements aussi précis que les définitions du « laboratoire ».

La loi n’est encore ni publiée, ni votée qu’on sent déjà le fumet délicat de l’interventionnisme tous azimuts, des projets à la con financés par l’ouverture de nouveaux sprinklers à pognon public et de l’avalanche de contraintes et d’encadrements qui vont suivre.

Aaah, tout ce libéralisme, toute cette liberté, quel bonheur !

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Commentaires36

  1. Le Gnôme

    et le char à boeuf, c’est pratique le char à boeuf, il n’est jamais en panne pour peu qu’il reste du foin dans la charette, c’est une mobilité douce chère à nos élus, écologique lorsqu’il ne pète pas, encore qu’un pot catalytique devrait arranger la chose.

    Le seul problème est qu’il est interdit à Paris, ville où vous pouvez rouler n’importe où et n’importe commenten trotinette , mais pas en char à boeuf. Ce n’est pas spécifiquement interdit, il semble qu’il y ait un vide juridique, mais les calèches tirées par des chevaux sont interdites, mais quid du char à boeuf.

    Et puis, dans les embouteillages, on peut tailler une bavette.

    1. Citoyen

      Subsiste tout de même un problème avec le char à bœuf, qui tient aux galettes que les bœuf déposent régulièrement sur la route, et qui, si elles s’amoncellent, peuvent créer des problèmes insurmontables, malgré les pots catalytique … d’où le vide juridique …
      Une grosse commission s’est penchée sur le sujet … on sent qu’une solution est sur le point de sortir …

      1. theo31

        Et quand le boeuf a la bonne idée de crever au milieu de la route ? Aux USA, il fallait faire venir le vétérinaire pour constater le décès d’un animal dans la rue. Avec la chaleur, les cadavres et leurs déjections, ça devait être un régal pour les narines. Ca explique pourquoi les maisons étaient surélevées.

  2. Calvin

    Les politiciens manquent d’humilité inclusive, de compétences inclusives, de courage inclusif, …
    C’est quoi cette manie de mettre de l’inclusif dans toutes les formules creuses ?

    1. pabizou

      Juste la certitude erronée que tout le monde va avaler leur connerie s’il rajoute à la bêtise un truc qui ne veut rien dire

      1. Calvin

        Pas d’accord avec toi.
        Je pense que la certitude inclusive permet de potentialiser la composante sociale des structures citoyennes en quête de normalisation égalitaire qui demande une prise en compte réelle des multiples genres virtuels qui transcendent l’essence même de la mobilité mouvante par des changements humanistes non racisés et des modifications sensibles du référentiel éducatif à tendance post- capitaliste.

        1. Singedupommier

          Bonjour
          Vous n’auriez pas été politicien, dans une autre vie?
          Votre texte me rappèle un petit jeu du web avec différentes formules à mettre dans n’importe quel ordre pour obtenir une jolie phrase.
          Les électeurs ont déjà voté deux fois avant d’avoir la certitude que la phrase ne voulait rien dire.
          les hommes politiques, eux, savent faire court: « je vous ai compris », « je suis un berlinois » , etc
          Mais c’est vrai, qu’elle est belle, votre phrase….

          1. Calvin

            Vous ne vous rendez pas compte comme ma vie est brisée.
            Tout était prévu : bac dans 10 ans, science po deux ans plus tard, énarque à moins de trente ans, premières lois débiles et millions d’euros de gaspillage….
            Patatras. Fin du rêve. Macron supprime la carrière de ceux qui font des discours abscons…

            1. durru

              « Macron supprime la carrière de ceux qui font des discours abscons… »
              Il est pas fou, il limite la concurrence !

        2. pabizou

          Argggg…SOS neurone …SOS neurone Bip..bip il te resre 30secondes pour te pendre au revoir…

    1. Calvin

      Rapport factuel qui arrive trop tard : la guerre médiatique a déjà enterré le glyphosate malgré ses bénéfices et sa très faible toxicité.
      Les décisions politiques auraient dû être précédées de ce genre de rapports.
      Mais non, au début de la guerre, il y avait S. Royal…

      1. pabizou

        Allez voir sur dreuz.info, il y a une liste de scientifiques interessante, en réponse à l’hystérique écolo-neuneu et la vidéo complète

  3. Dr Slump

    Toutes ces entraves à l’utilisation de l’automobile, tous ces bidules de mobilités servent deux buts:

    1- dissuader de posséder une automobile
    2- collectiviser les transports. Tous les transports

    L’intention étant d’avoir, enfin, une population réduite à l’état de troupeau, ou plutôt de fourmis, ne pouvant se déplacer quand dans le cadre des enclos et parcours prédéterminés. Si vous avez un doute, essayez les autoroutes sur lesquels les radars tronçons ont été installés. Vous savez, ces portiques qui affichent « vous roulez trop vite » avec votre n° d’immatriculation, pour bien vous faire comprendre que vous êtes surveillés.

      1. WorldTour73

        Oh que non! A Lyon, par exemple, c’est du grand n’importe quoi. Les gens les garent n’importe comment et elles sont déjà bien dégradés alors qu’elles sont là depuis qq mois.

        1. Calvin

          Pareil à Marseille.
          Sans jeu de mot, dans ces deux villes, il y a deux catastrophes olympiques.

  4. Pythagore

    « la glaire s’est solidifié »eeeeeeeeeeeeeeeeeeee
    Mais qu’allaient-ils faire dans cette glaire ?

  5. Higgins

    Souvent, il est des mots ou des concepts qui marquent leur époque où la société où ils sont nés. Exemple: le terme citoyen et la Révolution française. Je ne sais pas dans quel esprit tordu est né l’idée d’associer le mot inclusif à tout et n’importe quoi mais il fait florès dans la haute administration. Ainsi Jupiter parle-t-il d’espace Indo-Pacifique « inclusif » lors d’un discours oficiel, je crois à New-Delhi, et aussitôt de voir tous les lèches-bottes de service reprendre l’antienne sans, a priori, se poser de question quant à l’association imbécile des deux concepts. Ça fait bien, ça fait moderne et ça peine surtout à masquer le vide qu’il y a derrière.
    Toutes ces conneries coûtent un max, dissimulent mal le vide sur lequel elles sont construites et entretiennent une cohorte d’inutiles qui enchaine colloque et réunion pour accoucher de trucs à côté desquels Chtulu mérite d’être Miss Univers.

    1. Calvin

      Surtout que « citoyen » est un nom commun et n’est pas et n’a jamais été un adjectif.

      1. Stéphane B

        Non ! Miss Univers s’appelle Miss Connerie, car elle est répandue partout, dans tous les Etats et à haut niveau, bien que certaines populations semblent plus touchées que d’autres.

        1. Calvin

          Ben nan. Une Miss Univers, c’est une pour tous les pays du monde.
          Remarque, une Miss Connerie aussi, mais elle s’appelle Royal.

  6. tintin974

    Cette prime serait versée sous la forme d’un chèque défiscalisé, et pourrait être différenciée selon les régions, a indiqué Élisabeth Borne sur LCI. « Elle est prévue facultative. Moi, je suis convaincue (…) qu’il y aurait une justice à ce qu’elle puisse être obligatoire »

    Difficile d’imaginer le lien fait par la ministre…mais bon c’est la Macronie!

  7. Gachno

    « L’émerveillement qui s’empare du lecteur découvrant ce truc-machin financé on ne sait pas trop comment »
    Moi, je sais !

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