Alors même que l’état pervasif semble étendre son emprise un peu plus tous les jours (il suffit pour s’en convaincre d’ouvrir un journal : lois liberticides, taxations nouvelles et toujours plus créatives, novlangue et bienpensance dégoulinante à tous les étages), un espoir semble survenir, là bas, au fond du tunnel…
Il me semble ainsi que la liberté de chacun de prendre des décisions, d’aller et venir, de s’affranchir progressivement de l’emprise de l’état dans certains domaines paraît augmenter alors que les technologies de l’information deviennent elles-mêmes plus intelligentes, plus puissantes et plus diffuses.
En effet, la liberté ne peut se construire que lorsque l’information est la plus libre possible ; inversement, un état n’est jamais aussi puissant que lorsque la population qu’il soumet est totalement privée d’information (j’emploie ici ‘information’ au sens large : autant l’information de l’actualité que celle qui permet d’établir des réseaux de confiances entre collègues, amis, entreprises, clients, fournisseurs, etc… )
Si l’on regarde les développements du léviathan étatique et la capacité des gens à se procurer, à analyser, à reproduire, et à diffuser de l’information, on se rend compte que plus ces libertés de traitement de l’information augmentent, plus le léviathan fait des efforts (parfois – malheureusement – récompensés) pour contrer ces libertés.
Sans même aller jusqu’à l’exemple récent de la loi DADVSI, on constate par exemple que le léviathan a tout fait pour rendre l’accès aux textes de loi particulièrement compliqués : la loi, de nos jours, ne peut ainsi plus être écrite, lue, dite et comprise que par des hommes de l’art, des hommes du léviathan. Or, connaître la loi, connaître les limites du droit, c’est, à mon sens, la base de la liberté. Le léviathan l’a fort bien compris en la rendant la plus absconce possible. Quelques exemples concrets : le code des impôts, celui du travail, … Ils sont devenus si complexes que personne ne peut plus prétendre en maîtriser tous les tenants et aboutissants. Le simple citoyen devient alors totalement esclave des juristes.
Jusqu’à récemment, la possibilité de diffuser rapidement, à des milliers ou des centaines de milliers de lecteurs, une information ou une analyse, par exemple au travers d’une radio, d’une télé, d’un journal, était réservée à une section infime de la population. Obtenir une licence de diffusion (ou une autorisation de publication) pour un journal, une radio, même si cela n’est en rien impossible, tient du parcours du combattant juridique, assorti initialement d’un investissement financier et personnel notoire.
Or, à chaque fois qu’une technologie est apparue (que ce soit l’imprimerie, la radio, la télévision), à chaque fois le léviathan a mis en place toute une série de mesures qui ont permis de restreindre son utilisation. Il n’est qu’à se rappeller de la libéralisation ponctuelle des ondes hertziennes dans les années 80 (et la floraison incroyable de radios plus ou moins amateurs) pour aussitôt se rappeler qu’une instance de régulation fut immédiatement mise en place.
Les raisons invoquées sont évidemment toujours les mêmes : l’état veut notre bien (nous ne sommes que des enfants un peu bêtes, après tout), et ne peut pas laisser faire. En clair : on régule en imposant des plages fréquences, des canaux particuliers, des contenus, une procédure administrative particulière pour réclamer, obtenir et maintenir ces canaux. Procédure administrative, qui, le temps et le lobbying aidant, deviendra rapidement si complexe que les nouveaux entrants seront de plus en plus rares.
Vous noterez à ce stade que le schéma décrit est vrai pour toutes les méthodes de diffusion de l’information. Si je désire investir (ou claquer) 1.000.000 d’euros, demain, en produisant un journal papier, donnant par exemple la part belle au libéralisme et aux cacahuètes grillées, tiré à 100.000 exemplaires par jour et distribué dans les kiosques de Paris ou Bruxelles, mettons, je peux. Mais le lendemain de la première parution, je serai couverts de papiers à remplir pour simplement pouvoir continuer à exercer mon droit d’expression. Si je ne me suis pas tout simplement fait censurer ou arrêter, pour avoir, dans un pays dit libre, diffusé un journal, exprimé une idée…
Mais …
La donne est, doucement, en train de changer. Le léviathan s’agite et se trémousse, mais cette fois peut-être, il n’aura pas le dernier mot. La lumière au bout du tunnel, c’est peut être internet.
Au contraire des autres innovations technologiques, ce médium ne demande quasiment pas d’investissement (un cybercafé à 3 EUR de l’heure suffit). Il ne demande aucune démarche administrative complexe. Et surtout, il n’est pas saisissable : il est par essence même surtout dans les têtes, puisqu’il n’est plus physique. Ainsi peut-on toujours tenter d’interrompre un site de propagande, qu’il pourra se retrouver hébergé sur un serveur étranger en quelques minutes. Mieux, le site peut être mobile et changer d’adresse et de serveur physique tous les dix jours, tout en restant accessible à tous…
Avec l’apparition de cette technologie, le léviathan, encore une fois, fait tout pour s’en assurer le contrôle…
Mais il existe là deux différences essentielles : le nombre de diffuseurs est gigantesque et le médium fait fi des barrières étatiques et géographiques, et même du temps dans une certaine mesure (je peux faire héberger mon site sur un serveur à Honolulu sans que vous notiez la différence, par exemple).
A ce titre, les blogs et autres pages web personnelles constituent un véritable support pour les idées fraîches, non censurable, et réellement indépendant de toute manipulation. Le décalage récent entre les blogs Non-istes et les médias Oui-istes sur la Constitution Européenne est une démonstration flagrante de la liberté des premiers et de la corruption mentale des seconds.
Ceci étant posé, une question reste en suspend : quand le léviathan essaiera-t-il de réguler définitivement ce domaine ?
Il est probable qu’un petit matin, les média traditionnels se réveilleront devant leur perte d’audience et de crédibilité. Avec les cris bien connus du « sauvez nos emplois », ou « la qualité de l’information passe par la carte de presse » ou autre slogan lobbyiste, ils assiègeront quelques députés pour qu’enfin une loi soit votée, mettant fin à ce scandaleux état de fait.
A ce moment là, le léviathan se réveillera. Serons nous prêt ?
Pas besoin de réguler… le leviathan comme vous dites a juste besoin d’attendre encore un peu..
Votre analyse est juste… mais vous faites l’impasse sur l’effet de volume.
Dans le (cyber) espace, personne ne vous entendra hurler. Vous vous souvenez de la baseline du film Alien ? Nous y sommes.
Des millions de blogs, des analyses par centaines de milliers…. des débats passionnants, des tera octets de données… mais au final une grande cacophonie planétaire, ou se mélange à deux clics du cul, et des articles philosophiques.
J’aimerais être optimiste comme vous et penser que l’infosphère peut ouvrir les yeux de nos contemporains, les éduquers… Las, je reste persuadé que ce nouveau mode de communication est réservé à une élite (dans son usage).
Paradoxe : l’accès est permanent et universel. Mais qui pousse la porte, qui en fait son miel ?
Les données sont là, sous les yeux. Mais qui les ingurgite et fait sa propre synthèse ?
On en revient toujours à la même problématique : Monsieur Michu ne mettait pas les pieds dans la bibliothèque municipale avant, préférant rester brancher sur TF1 et trop soucieux qu’il était de payer ses fins de mois (la vie est dure).
Pensez-vous qu’il goûtera davantage aux joies de la "blogosphère", de l’infosphère, de l’Internet, du Réseau mondial etc. Qu’il deviendra "acteur" ?
Oui ? Eh bien c’est là où il faut être optimiste.
😉
Idée parano : l’Internet est l’outil ultime de Big Brother pour achever de brouiller les esprits de tous les humains, dans un foutoir numérique aux proportions hallucinantes, sous les apparences d’un "progrès démocratique".
Ce serait l’outil ultime parfait pour parachever l’asservissement "volontaire" (le "meilleur" comme l’histoire nous l’enseigne).
Qu’en pensez-vous ?
Ce que j’en pense… c’est qu’on n’empêchera jamais quelqu’un de penser ce qu’il a envie de penser. Dans ce domaine, quelles que soient les sources d’informations et les canaux qu’elles empruntent, la capacité des gens à rester campés sur leurs positions est énorme.
Là où dans un rassemblement humain l’effet de masse convertit les réfractaires (congré, rassemblement quelconque, etc…), l’internaute a beau jeu de se sentir en face à face avec un auteur et résister, comme s’il s’agissait d’un face à face.
Internet permet donc à certaines personnes (de plus en plus) d’accéder aux informations et de communiquer avec le plus grand nombre. Quant à ouvrir les yeux des internautes, je reste plus réservé.
Je ne pense pas qu’internet soit effectivement un outil de Big Brother, par contre, un outil de Big Bazar, c’est probable. Cependant, sans être optimiste (voire naïf) au point de penser que Mr Michu se déscotchera de TF1 pour passer à la blogosphère, l’intérêt d’internet ne réside pas de le fait qu’il permette à tout le monde de s’informer, mais bien à tout le monde (qui le désire) de produire de l’information, une information brute non censurée.
A mon avis, c’est dans la censure (auto-censure ou censure active) que se caractérise le Léviathan. L’absence de censure – à mon sens – permet de fournir un son dissonant dans l’uniformité actuelle des média, ce qui n’est déjà pas si mal.
En outre, je rejoins dko et chris : la diffusion de ces informations alternatives ne permettra pas de « convertir » les plus farouches collectivistes ni même les étatistes modérés (pour qui l’affaire est entendue, quoiqu’il arrive), mais permettra tout de même d’introduire un doute raisonnable dans ceux qui n’ont pas d’opinion encore toute faite.
Enfin, même si des millions de blogs existent, l’information n’arrive pas en flux continu et mélangé : les outils (indexeurs, moteurs, …) pour rechercher au travers de cette information existent aussi. Même si peu nombreux sont ceux qui recherchent effectivement des lectures libérales, le comble serait que, pris de désarroi, les libéraux n’écrivent plus. L’information n’existerait plus du tout, et, non accessible par les indexeurs, le libéralisme sombrerait alors dans l’oubli sur internet.
A mon avis, Internet permet de diffuser des idées vers un groupe restreint qui, une fois une taille minimum atteinte, peut avoir un impact dans le monde réel. Parmi les libéraux qui militent aujourd’hui "en vrai", combien connaîtraient ces idées sans Internet ?