Poncifs à gogo

Pour gouverner un pays, rien de tel que l’utilisation répétée de poncifs bien solides, de petites phrases habilement préparées par de sémillants conseillers en communication, et de gloubiboulga intellectuel prémâché / prépensé prêt à étaler dans les soârées de l’ambassadeur. Avec la période charnière du changement d’année, c’est un véritable festival que nous offrent les occupants des postes importants de ce pays.

Tel un buffet garni richement doté, on trouve de tout à la samaritaine l’Elysée et à Matignon en matière de petites phrases. Quantitativement, le grand gagnant, au rythme où s’égrainent ses interviews, c’est bien sûr Chirac qui, à défaut de pouvoir capter tous les sons, en émet d’autant plus qu’il n’est pas certain d’être parfaitement écouté.

Ainsi souhaite-t-il un “nouveau départ” pour l’Europe, en constatant que “le statu quo institutionnel condamnerait à terme l’Union à l’inertie et à la paralysie”. Un nouveau départ pour quelle destination ? Peu importe ! La fuite en avant étant sa spécialité, s’il pouvait fuiter avec le reste des européens, cela arrangerait certainement notre locataire de l’Elysée qui aurait alors moins l’impression de partir en sucette tout seul. Et puis pour pédaler et rétropédaler dans la choucroute, fût-elle européenne, alors qu’on est le premier à avoir créé la situation avec un foirage référendaire mémorable, ça mérite d’être nombreux.

N’épargnant personne, il ajoute (peut être avec cynisme, allez savoir) vouloir rendre hommage “aux fonctionnaires dont chacun a pu évaluer l’importance et le rôle dans notre pays” – on dirait presque une moquerie, presque – , et, armé de cet hommage, a déclaré que les économies faites dans le secteur public devrait bénéficier aux agents ; ça tombe bien, ce n’est pas son argent (ni le leur, d’ailleurs), ce n’est pas sa dette, et ce n’est pas lui qui va faire les efforts nécessaires pour endiguer les pertes budgétaires.

Le plus incroyable, c’est qu’à chaque saillie on reconnaît dans le Vieux Machin les mêmes tics de raisonnements, les mêmes phrases toutes faites qui, moyennant des adaptations minimes, auraient pû servir en 1973 ou en 1986…

De son côté, le frétillant dauphin n’est pas en reste. L’année 2006 sera pour lui celle du panache, d‘”humour et de tendresse” ; jugez plutôt :

Que chacun d’entre vous, avec l’encre, avec l’image, avec le son, avec les derniers moyens de la technologie, ait à coeur, à chaque étape de sa journée, de mettre quelques gouttes d’humour et de tendresse, car, croyez-moi, cela rend la vie plus belle.

Saperlotte ! Une telle plume, un tel lyrisme, c’est beau pour l’image d’un type qui devrait probablement se faire satelliter à coup de pompes au derrière pour toutes les fois où, oubliant de tourner sept fois sa langue de bois précieux dans sa bouche, il aura fusillé l’image du pays qu’il devrait servir … Le terme “patriotisme économique” lui sera maintenant définitivement tatoué sur l’épaule droite, probablement en dessous du graphique en forme de coeur estampillé “Born To Rule With Humour & Tenderness”.

Après tant de finesse dans la volute lyrique, notre Victor Hugo de supermarché a enchaîné sur le constat précis / pointu / sharp que 2005 a été une année importante avec des succès, des difficultés et des crises. Car il faut bien avoir fait l’ENA pour en arriver à cette conclusion. Quand on pense que pour moi aussi, l’année 2005 aura été pleine de succès, de difficultés, des crises, comme 2004 d’ailleurs – ou même 1983, si on veut aller par là – on ne peut qu’arriver à la conclusion qu’un destin de premier ministre m’attend peut-être.

Lucide, cependant, il a convenu qu’il allait bien nous bobarder à fond tout au long de 2006, tant et si bien qu’il “ne sai(t) pas s’il y aura beaucoup de fables à raconter en 2006, mais nous en retiendrons la morale jour après jour” . Un aveu tel, ça me laisse pantois… Et je n’évoquerai même pas les déclinologues qu’il semble fustiger : quoi qu’il arrive, l’autruche Galouzeau continuera de versifier. Bref, une bouffée d’air chaud dans un grand nuage de vent humide : Galouzeau, l’autruche baudruche.

Mais le ponpon, c’est à la faveur du dernier conseil des ministres que nous le découvrons : “En 2006, on va voir la différence”. C’est par ce slogan ahurissant (typiquement étatique, délicieusement has-been avant même d’avoir jamais pû être quoi que ce soit, frôlant la finesse sans pouvoir l’atteindre) que sont introduites les mesures pour l’égalité des chances, proposées par les Marx Brothers du social franchouillard, j’ai nommé Borloo (avec deux ‘o’, comme dans ‘cloown’) et Begag (avec deux ‘g’, comme dans ‘gag’).

Avec cette grande cause nationale (car oui oui, l’égalité des chances devient bien une grande cause nationale, comme le handicap, les pièces jaunes et autre ponction automatique sur voie publique sécurité routière), nos deux gobeurs de Flanby vont enfin pouvoir “corriger les insuffisances du modèle d’intégration français”. Difficile de ne pas hurler de rire en lisant ces balivernes de l’acabit d’un Titanic. Chirac, modestement, s’est contenté de remarquer que “tout est maintenant une affaire d’exécution”, i.e. : y’apluka – (Bien joué, le Vieux Machin !).

Je me demande alors : mais qu’ont-ils attendu, tous, pendant toutes ces années, pour nous pondre ces projets géniaux, puisque y’apluka ? Que ne nous ont-ils pas trouvé le terme novlangue adapté (la socialitude égalitariste, par exemple), adossé d’un projet de loi adhoc, pendant les années 80 ou 90, par exemple, bien avant que des dizaines de milliers de véhicules partent en fumée ? Si les constatations ridicules ou les poncifs bas-de-gamme pouvaient tuer, le gouvernement français serait maintenant endeuillé d’une belle brochette de coûteux inopérants.

Le problème, c’est bien que ces poncifs et ces décisions du plus haut crétin vont aboutir, une fois encore, à mettre en place des usines à gaz gigantesques que les autres états nous envient, et qu’au final, oui, il y aura bien des morts : des suicides devant l’impossibilité de trouver un travail, de subvenir à ses besoins, la mort d’entreprises croulant sous les lois idiotes et les cerfas stupides comptant le nombre de personnes ayant des cheveux blonds ou crépus dans tel service, etc, etc…

Mieux vaut-il vraiment en rire qu’en pleurer ?

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Commentaires7

  1. chris

    Ah oui la "tendresse"…. Je dois dire que là le petit père a franchi le mur (sans son) de l’idiotie auto-satisfaite… Ce type carbure au LSD mélangé à de la fraise tagada, c’est sûr.

    Alors vous posez la question : "faut-il en rire ou en pleurer ?"…
    Difficile de répondre, tant nous atteignons des sommets.

    Perso… eh bien ni l’un ni l’autre. Ca me rentre par le nerf optique gauche (ou l’oreille), et ça me sort par le fondement, direct.

    Il n’y a plus rien à attendre ou espérer de "ces gens là". Qu’ils crèvent dans leur délire et leur médiocrité hallucinée.

  2. galahad

    "Quoi que ce soit", "Quoi qu’il arrive" – en 4 mots, pas en 3.
    C’est un détail, mais qui vient perturber le plaisir de lecture d’un excellent post.

  3. chris

    Au fait H16, où en êtes-vous avec votre projet d’expatriation ?
    😉
    Les réacteurs du B747 chauffent ?
    Vous verrez…. avec l’éloignement (au bas mot 9 000 km), tout devient plus clair. Et surtout… beaucoup plus supportable.
    Hauts les coeurs !

  4. pod

    je propose un lien vers le tableau du parler vrai, pensum de notre premier Enarque.
    Ceux qui ne connaissent pas se feront un malin plaisir à devenir mixologues et réussiront à faire grand effet lors d’une prochaine réunion de famille.

    http://www.presidentielle-2007.n...

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