P2P : un scénario catastrophe

Si l’Imbécilité devait compter dans les grandeurs physiques, Donnedieu De Vabre en serait l’unité de mesure. Jamais un ministre n’aura réussi le parcours, que dis-je, le chemin de croix qu’aura pris El Gringo, gambadant avec l’insouciance d’une poule dodue dans un terrain vague, en proposant puis en reproposant, modifiant, bidouillant et bricolant sa loi DADVSI. Mais ça y est, les petits amis, enfin la loi est parue au JO !

… Et quand on lit le charabia législatif correspondant (que tout un chacun pourra éplucher à s’en faire pêter les globes occulaires ici), on se dit qu’il fallait bien au moins un gallinacée et une armée de singes fous pour rédiger un texte pareil.

Je m’abstiendrai ici de décortiquer l’aspect juridique d’un tel foutoir, d’autres (comme Maître Eolas) le font bien mieux que moi… Non, je m’interrogerai plutôt sur les conséquences réelles envisageable de ce genre de galipette de haut-vol politique que nous aura infligé le petit Renaud.

En effet, la loi entre en vigueur dans quelques heures… On sent déjà, dans le pays, la tension monter, les mains des utilisateurs compulsifs de P2P qui se mettent à trembler, la sueur perler à leur front malhonnête et leurs petits yeux chafoins de contrefacteurs sans scrupules papillonner nerveusement d’un site à l’autre. La déroute est à leur porte; la police, déjà, affûte ses armes et les forces d’intervention rapide se massent devant les habitations qui cachent de dangereux copieurs.

Prenons le cas de Paul, un cancrelat de 30 ans, qui a loupé un épisode de sa série préférée du moment ; le bougre d’imbécile n’a pas de magnétoscope. Mais il a mieux : il utilise le P2P pour récupérer l’épisode qui lui manque. Aaaaaah, l’immonde contrefacteur. Mais la loi a tout prévu. De la tôle ou une amende colossale. Bien fait. Dura lex sed lex et prend ça dans les dents. Eh oui, mon vieux Paul : ‘ l’aurait mieux valut étriller une grand-mère dans une ruelle sombre, ou bousiller un fast-food de la cave au grenier, ça coûte moins cher !

En pratique, évidemment, la copie illégale va continuer de plus belle. Pourquoi ? Parce que contrôler les faits et gestes sur internet de millions d’internautes est très compliqué techniquement. En plus, on voit assez mal comment un Etat, qui a tant de mal à faire respecter la propriété privée, solide, palpable et bien définie, pour des champs de culture génétiquement modifiées ou non, des terrains d’aviations reconvertis en happening ondulant, par une poignée de comiques, se trouverait soudain assez sévèrement burné pour faire respecter la propriété intellectuelle (impalpable, copiable à volonté) par des millions d’impétrants. Mais la logique étatique peut prétendre à tout, et ses voix (électorales) sont impénétrables.

Et puis surtout parce que les Majors ont ce qu’elles veulent : non pas les perpétrateurs du délit, mais bien ceux qui « fournissent les armes ».

En effet, la loi DADVSI, c’est un formidable moyen pour museler les concepteurs (dont certains français) de logiciels P2P. Et là, on ne tape plus sur des millions de petits loubards de l’internet, flibustiers de pacotille gravouillant du DVD flou et mal cadré. Non, on tape sur une petite équipe de personnes douées, qui savent programmer, et qui peuvent trouver le temps et les ressources pour produire des logiciels totalement gratuits, dont les sources sont ouvertes et copiables à volonté, et qui permettent justement l’échange de données de façon décentralisée.

Si l’on imagine en plus la possibilité pour les Majors de récupérer (comme Napster le fut en son temps) les réseaux P2P déjà existant par la force de loi, on comprend alors la manoeuvre qui les aura poussés à lobbyiser comme des fous furieux pour obtenir que le concepteur soit condamnable.

D’ailleurs, personne ne s’y trompera longtemps : ce lobbying fut tellement intense et efficace que, la sueur à peine sèchée des aisselles de vaillante lobbyiste, les décorations pleuvent. Le gouvernement, l’Etat, – pff, que dis-je – la Fraônce toute entière remercie le travail puissant et singulier de Mme Sylvie Forbin. On se demande d’ailleurs la nature de l’ascenceur initial quand on voit celui qui a été renvoyé. Donnedieu, en tout cas, aura bien enrichi … son carnet d’adresse, cela va de soi.

Au final, qu’avons nous ? Une loi inapplicable, un ministre certainement plus à l’aise maintenant que les odeurs de son crottin s’affadissent doucement, des Majors guillerettes à l’idée d’investir massivement un marché qui leur était méchamment passé sous le nez [1], un utilisateur internet encore un peu plus fliqué, un peu moins considéré, et … des programmeurs qui partent à l’étranger.

Grâce à toute cette excellente publicité, l’Etat Français aura – encore – montré, pour le reste du monde, ce que le mot Liberté signifie vraiment pour lui.

Notes

[1] On se rappellera à ce sujet le gentil Pascal Nègre, déclarant à l’Expansion en 2001 : « Nous sommes en 2001 et je suis confortablement assis dans mon fauteuil, sans flipper le moins du monde pour l’avenir de nos maisons de disques. Savez-vous pourquoi ? Découvrir de nouveaux talents, financer, produire, enregistrer et promouvoir de bons disques, c’est un vrai métier qui ne s’apprend pas en deux jours sur Internet »… Bien joué, Pascal !

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Commentaires5

  1. SilenT BoB

    Cette loi est vraiment une des lois les plus debile qu’on ait vu depuis longtemps!
    Faire en sorte que le gars qui telecharge illegalement soit punis ok, mais que le consommateur soit pris pour un con, non !
    Car l’intercompatibilite n’est plus a l’ordre du jour. Tres simple, je veux downloader sur fnac puis sur itunes, et bien hop je ne peux pas tout lire sur le meme lecteur. Mais il y a pire : j’achete un DVD DRMise, je suis con ! J’ai achete Star Wars mais ma platine dvd n’est pas homologue par la firme DRMisatrice : je dois avoir plusieurs lecteurs donc, cela va pousser le consommateur a avoir plusieurs lecteurs dvd car la plupart des gens ne sauront pas faire sauter les verrous, ou se tourneront vers le telechargement illegal !

    De plus cette loi va de paire avec les futures copains : puce fritz et microsoft Palladium, honnetement ca fait peur, RDDV (condamne pour blanchiment d’argent je le rappelle) vient donner des lecons et faire preuve du grand blanchiment du logiciel libre. Et les francais acceptent comme a leur habitude, rien ne les emeut, PPDA a toujours raison et puis les villages du 13H c’est tellement plus sympa !

    tous les consommateurs y perdent, c’est lamentable…

  2. Rocou

    @Silent Bob:
    Décidément tu insistes lourdement sur cette interopérabilité. Ce n’est pourtant pas faute de t’avoir démontré que tu avais tort.
    Autrefois, tu avais trois solutions pour écouter de la musique:
    1- concert
    2- radio
    3- achat de CD
    Aujourd’hui tu en as une de plus, l’achat en ligne d’oeuvres numérisées. Tu n’es en rien obligé d’acheter cela, tu peux toujours continuer tes achats de CD. A ce propos, je précise qu’un DVD-Audio et qu’un SACD ne sont nullement lisibles sur un lecteur de CD classique et encore moins sur un magnétophone à cassettes.
    C’est également une forme de protection à l’instar des DRM.

    Je pense pour ma part que ces DRM sont une solution pour garantir une rémunération aux producteurs de musique et je ne vois pas de quel droit nous devrions les empêcher de vendre ce qu’ils veulent.

  3. PingouinProteine

    n’importe qui est libre de vendre de la bouse…

    quand meme les vieux albums de Molly Hatchet en CD seront fabriques d’usine avec un verrou super chiant a enlever, on verra apparaitre sur le marche grand public ces petites boites magiques qui permettent de faire une capture analogique du morceau et vous la resserve corrigee, en version numerique sur un support non secure, youpi vive la technologie analogique hop poubelle le DRM

    mon dieu kel stress on a eu chaud 🙂

    hihi

    Ping

  4. Franck

    Rocou: «Je pense pour ma part que ces DRM sont une solution pour garantir une rémunération aux producteurs de musique et je ne vois pas de quel droit nous devrions les empêcher de vendre ce qu’ils veulent.»

    Oui, tout système permettant de limiter la copie d’une oeuvre est légitime, comme toute action entreprise dans le but de contourner ce genre de système une fois en possession du support de l’oeuvre…

  5. Coldstar

    Des DRM sur des CD de Molly Hatchet? ROTFLMAO! Faudrait déjà écouler les stocks!

    Excellent article mon cher Hasch, comme d’hab!

Les commentaires sont fermés.