Dans quelques mois, les moutons citoyens français auront l’immense privilège d’aller désigner leur prochain maître président, et pourront alors choisir parmi la passionnante brochette d’asticots subventionnés qui se bousculent dès à présent pour leurs faveurs. Une fois les agapes passées, et la fureur du moment retombée, il restera au frétillant lombric élu du gigapain sur la mégaplanche pour remettre en ordre de marche un pays … paralysé par ses peurs.
En effet, plus on scrute l’actualité, plus le même sentiment domine : celui de peur.
Pour des raisons de santé mentale, je ne regarde plus la télé (en fuyant notamment la tranche 20H00-20H45). Ce faisant, j’ai noté une amélioration notoire de mon humeur, une meilleure digestion, un teint rose, des fesses galbées et une facilité retrouvée au sourire pepsodent – je ne vous parle même pas de mes chevilles, pas du tout enflées. La lecture rapide, régulière et quasi-goguenarde des titres de la presse écrite me permet là encore de conserver un esprit frais et dispos.
Mais il y a encore quelques temps, j’étais un citoyen lambda : je n’envisageai pas une seconde de tartiner, au dîner, mon camembert sur ma tranche de pain sans que la trame de fond sonore soit occupée par le générique du journal de Téhèffun, dont les accents dramatiques s’associaient à merveille avec le fumet du claquosse.
De reportages macabres en nouvelles atroces, de lois idiotes décrites chirurgicalement sur un ton mielleux aux projets pharaoniques stupides présentés avec emphase par une pouffe médiatique, je sentais nettement mon rythme cardiaque s’accélerer, mes doigts se crisper, mon cuir chevelu produire des pellicules. Plus monsieur Poivre, demi-sourire irritant au coin de la bouche, me vantait les mérites d’une augmentation prévisible et sensible des taxes et de l’intrusion de tel ministre dans la plupart de mes orifices sans mon consentement, plus je me sentais proche de l’asphyxie.
Pas de doute, cette sensation de panique, cette perte des repères, l’adrénaline qui se déverse par barils quand on nous présentait, alors, une centrale nucléaire en train de fondre, un bateau plein de pétrole les hélices en l’air, des merveilles architecturales dynamitées à coup de Boeing … pas de doute, c’est bien de la peur.
Imaginez le nombre de repas torpillés par ces reportages du bout du monde ! Essayez, pour voir, de manger un petit bout de steack alors qu’on vous décrit, par le menu, les lubies des citoyens festifs du Rwanda en pleine réorganisation !
Et en 2002, ce fut double dose. Non content d’enchaîner les sujets internationaux pénibles, les hommes- et femmes-troncs nous préparèrent alors aux pires chiens écrasés, petits vieux massacrés, enfants défouraillés et pétunias maltraités pour installer une idée précise : celle de la peur.
Eh bien pour ce quinquennat là, ce sera rebelotte. Jugez plutôt : il ne se passe guère une semaine sans que soient agités devant nos yeux les drapeaux sanguinolents de la reddition laconique aux sentiments de panique. Ces derniers jours, c’est un véritable festival de catastrophisme bon marché qu’on nous refourgue par conteneurs entiers.
Ca commence avec le réchauffement climatique : au fur et à mesure que toute velléité d’y comprendre quelque chose est écrasée par les média friands de catastrophes annoncées, les politiques, sentant le filon, s’emparent de la question, et transforment une échéance hypothétique au moins séculaire en bonne raison dodue pour ponctionner le contribuable, culpabiliser l’automobiliste, et désigner le libéralisme comme cause ultime de l’Armageddon. Je n’évoquerai même pas le cas de Jacques C. qui, non content de s’effaroucher pour un truc qu’il ne comprend même pas en rêve, s’est mis en tête de faire une instance mondiale chargée d’étudier le phénomène. Manquait plus que ça.
Utilisant la peur ancestrale du temps qui passe, de l’eau qui tombe du ciel, du feu qui brûle et des risques de sécheresse ou de catastrophe sur les semences, les politiques ont réussi à inventer la notion de “consensus scientifique”, fumisterie ahurissante qui permettrait, comme dans toute bonne démocratie, de voter une Terre plate ou une non-conservation de l’énergie “parce que ca nous aiderait bien”.
De ce point de vue, on peut remarquer que les politiques ont finement joué : quand on a suffisamment peur, on ne pense plus trop, on ne réfléchit plus, on agit par instinct ou par réflexe. L’absence de réflexion, l’instinct, il est vrai, peuvent sauver, lorsque le temps est très très court. Mais quand on a 100 ans devant soi, ne pas réflechir et agir par instinct, cela relève du suicide ou de l’aveuglement fou furieux.
Et quelle solution les politiques apportent-ils ? Le repli sur soi : diminuer la croissance est clairement évoqué ; tancer “vertement” les pays les plus polluants (et ici, on retrouve ceux en développement, à commencer par la Chine, qui a effectivement bien besoin qu’on conserve ses 1.5 milliards d’individus hors de portée de la technologie moderne), etc…
Si cette surexploitation de la peur s’arrêtait là, c’en serait encore risible. Malheureusement, nous dit-on, si le climat se dérègle, c’est parce que nous, les méchants humains croqueurs de Gaïa, nous brûlons du pétrole. Et ceci provoque un deuxième problème, lui même cause de catastrophes, d’enquiquinements et d’horions douloureux dans l’avenir : bientôt, très bientôt, quasiment demain, pour tout dire, nous allons manquer d’énergie !
Non seulement il va faire moche, on va crever de faim à cause des sécheresses et de moissons si maigres que les soviétiques en auraient ri, mais en plus, on ne pourra même plus se suicider en se jetant sous les trains qui ne rouleront plus puisqu’à cours de pétrole. L’électrocution deviendra un suicide de riche. Restera la noyade, facilitée par la montée de eaux…
Là encore, la peur de lendemains qui déchantent[1] devient un excellent prétexte politique pour augmenter la taxation, par exemple : eh oui, comme pour les cloppes, on va augmenter les taxes et les petits cloportes gluants de bitume et de gasoil que nous sommes tentrons le sevrage. Bientôt, et sur prescription médicale, disperons-nous d’un patch “anti-essence” ?
On imagine déjà les conversations : “Je te ramène en voiture ?
_Ah, non, j’ai décidé d’arrêter.”
Une solution, contre ce manque d’énergie : moins dépenser, faire attention, et surtout, arrêter tout. On retrouve les principes proposés pour l’hypothétique lutte contre le réchauffement : se replier, serrer des fesses, et attendre que ça passe. En se tortillant le plus doucement possible dans la vase, on finira peut-être par s’y enfoncer un peu, et échapper à la catastrophe, non ?
Le schéma bâti sur la peur pourrait s’arrêter là, mais, puisqu’on y est, poussons l’analyse jusqu’au bout. Prenons un crétin, moustachu par exemple, au hasard, mettons, … José Bové. Sur quoi fonde-t-il son action ? La peur. Celle des OGM. Qu’apporte-t-il comme solution ? Bingo. Le replis, l’abandon de la technologie pour un vrai retour aux valeurs d’antan, i.e. tout le monde en peaux de bêtes à gambader sur les gazons toujours verts d’un Eden collectiviste sans pollution, où tout est bio, et le partage, la citoyenneté et le travail forcément festifs. Terrifiant.
Et si les OGM ne font pas encore assez peur, s’il vous reste encore des ongles à ronger, on sort la carte Pandémie. Alors que la tuberculose ou la malaria tuent des millions de personnes tous les ans, on s’agite et on médiatise à outrance un virus de dindon qui pourrait éventuellement muter et qui a fait, au bas mot, presque 1000 morts en 2 ans, sur toute la planète ! Argh.
Au panthéon des agitations anxiogènes, on admirera au passage l’extraordinaire performance des politiques américains : en attisant la notion d’un choc des cultures, ils sont parvenus à entraîner avec eux une bonne partie du monde. Qu’on se situe soi-même d’un côté ou de l’autre de cette frontière culturelle totalement artificielle que les gouvernements, peu scrupuleux, ont créé de toute pièce pour cacher l’ampleur de leurs exactions maffieuses, force est de constater que les réflexions stratégiques ou géopolitiques ne se basent plus, à présent, que sur cette analyse.
On se demande, au passage, pourquoi, tant qu’à choisir des sujets inspirant l’inquiétude ou la peur, les gouvernements choisissent ceux-là.
Oh, nous vous y trompez pas : ces sujets ne sont pas choisis par hasard ; ils ont subi une lente maturation pour en arriver à ce niveau de médiatisation et s’ils en sont là, c’est, comme les chanteurs de la Starac, après avoir subi de multiples entraînements, de longues préparations pour le prime, et essentiellement parce qu’ils servent les intérêts de ces états qui les ont mis en avant.
Parce qu’en effet, il y a bien quelques sujets d’inquiétude : ce sont ces sujets qui méritent amplement que les média s’en emparent, et taraudent les politiques jusqu’à ce qu’ils retroussent leurs manches pour nettoyer les écuries d’Augias, ou, plus réalistes sur leurs capacités, qu’ils laissent clairement la place à la liberté des individus. Dans ces sujets, on retrouve par exemple la dette colossale de la Fraônce, l’état calamiteux de l’éducation, de l’économie, des relations sociales ; au niveau international, c’est questionner l’interventionnisme, les protectionnismes qui entretiennent la pauvreté, etc… J’en passe et des meilleurs probablement.
Mais un trait y est caractéristique : mettre en avant ces sujets, c’est questionner le rôle du politique, de l’intervention étatique dans notre quotidien, c’est prendre le risque de découvrir que, au final, toutes ces pertes de libertés, ces bafouements de la propriété privée, ces pertes de valeurs et la création de malheurs exportables sont en premier lieu dues à la trop grande présence de l’Etat dans notre vie.
Ne jamais avoir peur, c’est risquer l’inconscience. S’affoler tout le temps, c’est sombrer dans la stérilité et la panique.
S’inquiéter pour l’avenir, c’est, au départ, une nécessité de survie. Mais trembler pour des monstres imaginaires, c’est rester un enfant, et, se réfugier dans les jupes de sa môman.
Quand grandirons-nous ?
Notes
[1] Comme les cocos n’ont pas eu de lendemains qui chantent, ils se débrouillent pour offrir aux capitalistes des lendemains qui pleurent. Si eux ne gagnent pas, au moins tout le monde perd : c’est ça, l’esprit Communiste 😉