Il est assez comique de constater la tendance lourde qui anime le PAF ces dernières années. Alors que la moralité générale des programmes, des présentateurs et de façon générale, du microcosme des média laisse de plus en plus à désirer, certains organes veulent afficher une neutralité en béton en mettant sur la touche certains de leurs salariés pour cause d’appartenance politique.
Avec la suspension de Alain Duhamel de France 2 et de RTL ces derniers jours, la liste des victimes de cette Neutralité Affichée s’allonge ; on se rappellera fugitivement Béatrice Schönberg qui subit le même sort pour cause de mari politique, ainsi que Marie Drucker pour des raisons similaires (eh non, son papa, qui fricote ouvertement avec les Chiracs, n’y était finalement pour rien).
Il y a cependant quelque chose qui me gêne dans ces démarches des chaînes, publiques ou non.
La recherche de la neutralité, pour un médium d’information, pourrait, à première vue, paraître une bonne idée. On notera toutefois qu’elle est bien difficile à atteindre, tant la politique a infusé les média et inversement. Cependant, la gêne ne porte pas sur la difficulté supposée ou réelle de l’exercice de neutralité de ces chaînes d’informations (télés, journaux & radios), mais bien sur l’utilité même de cette neutralité.
Ce qui m’apparaît gênant, en réalité, c’est de prétendre à la neutralité, de montrer bruyamment qu’on désire l’atteindre, et proposer en parallèle une vision de société, des discours, des éditoriaux ou, de façon générale, un flot d’information massivement biaisé.
Ainsi, que l’Humanité présente des opinions ouvertement communistes ne me choque pas. Je ne suis pas d’accord du tout avec les fouthèses proposées, et je peux facilement, le cas échéant, démonter les arguments qu’ils présentent (mais je ne le ferai pas ici, c’est un peu trop facile). De la même façon, la boboïtude branchouille d’un Libération gravement rosifié et revendiqué comme tel n’est pas en soi choquante : si je lis un article de cet organe, ce sera avec les pincettes proverbiales du bon sens critique. Je sais que la lentille de lecture n’est pas isochrome, qu’elle dispose d’aberrations et provoque clairement un décalage dans le spectre. Mon oeil lit du rose, mon cerveau traite le signal pour compenser et en déduire, autant que faire se peut, l’information initiale. Si l’écart me semble important, je prendrai un autre médium, de décalage inverse, ou moins grand; par exemple le Figaro (encore que…). Moyennant quoi, l’information n’est pas neutre, mais ses caractéristiques essentielles peuvent encore transparaître.
De la même façon, allumer sa télé sur une chaîne spécifique, c’est choisir autant un programme qu’une vision de société, ou une couleur politique. Evidemment, avec les chaînes françaises, le décalage dans le rouge est relativement fréquent ; la société française est elle-même par nature assez collectiviste, collectivisée et collectivisante. Mais soit.
Partant, on comprend alors mal pourquoi certaines chaînes prétendent se retrancher derrière la neutralité à l’approche des élections. Quelques minutes d’études des programmes de chacune des chaînes permettent de se rendre compte que les chaînes sont tout, sauf neutres ; certains jours plus que d’autres, certains programmes plus que d’autres. Qui peut sérieusement prétendre à la neutralité quand il programme pendant des mois une émission ahurissante de bons sentiments citoyens, festifs et collectivistes comme Plus Conne Belle La Vie ?
Prétendre à la neutralité est ridicule puisqu’impossible. La vraie question qui domine alors n’est plus de savoir s’il est bon ou pas d’être neutre, mais bien « Pourquoi veut-on nous faire croire à cette neutralité ? ».
En effet, dès lors qu’on sait que cette neutralité d’opinon est irréalisable voire nuisible pour le consommateur d’information lambda, la mise sur le carreau d’éminent éditorialiste et de femmes-tronc célébres ressemble plus à une gesticulation ostentatoire qu’à une réelle tentative de correction d’erreur.
Eh oui : en quelque sorte, Duhamel, Schönberg, Drucker et tous ceux passés et à venir qui se retrouvent satellisés pour cause d’opinions ou d’accointances politiques sont en réalité des … alibis.
Et un alibi, par définition, cela s’emploie quand on veut cacher un forfait.
Le gamin malin, le chocolat encore sur les babines, pourra ainsi tenter d’accuser Maurice, son poisson rouge, d’avoir englouti seul les trois dernières mousses pendant qu’il avait le dos tourné, en émettant ses rodomontades de telle façon que ses parents, pas loin, l’attention détournée, s’en prennent aussi au poisson rouge et disculpent le gourmand canaillou.
Cependant, quand on grandit, on s’habitue à des stratagèmes un peu moins transparents ; finalement, la neutralité, les journalistes s’en contrefichent généreusement. Que les consommateurs de leurs informations y croient ou pas n’est pas vraiment essentiel. Ce qui est essentiel, en revanche, c’est que ces consommateurs croient encore à l’information (non neutre) délivrée.
Après tout, si l’information n’est pas neutre politiquement, mais est exacte, l’affaire est dans le sac. Je m’explique : présenter un homme qui vient de perdre son emploi permet d’illustrer clairement qu’il a perdu son emploi ; on peut choisir d’y ajouter des larmes, des plans larges présentant un environnement d’une tristesse affligeante, et enchaîner sur, par exemple, les bénéfices records d’une société pétrolière. Factuellement, les deux informations sont exactes : il est parfois douloureux de perdre son emploi ; certains pétroliers font de gros bénéfices. La juxtaposition (qu’on peut éventuellement qualifier d’accidentelle) et le traitement (pas accidentel, lui) de ces informations annulent toute possibilité de neutralité, et créent une autre information, de toute pièce, non neutre et totalement fausse, elle, associant le malheur de l’un avec les bénéfices de l’autre…
Or, ce dernier mécanisme, et d’autres encore plus subtils que Maurice et sa mousse au chocolat, est mis en place de façon très régulière. Et ce sont ceux-là que les média, la télé en particulier, tentent de camoufler derrière leurs bruyantes mises à l’écart.
Et il m’apparaît assez logique, alors que l’ensemble de ces pratiques devient de plus en plus courant, et, ainsi, la manipulation de masse de plus en plus forte, que les média s’agitent de plus en plus fort pour montrer leurs bonnes intentions.
Car en matière de morale, de neutralité et de qualité journalistique, on ne peut pas dire que ces dernières années ont été particulièrement représentatives. Alors que la France dispose d’un droit à l’image parmis les plus stricts en la matière, on ne peut que constater les ravages qu’ont pu causer les média dans des affaires comme Outreaux, par exemple. On ne peut que constater l’insupportable incurie des journalistes à oublier autistiquement le 3ème homme (qui fut finalement bon deuxième) en 2002, et à recommencer aussi sec, sur la même pente, en 2007. On ne peut que constater que bien souvent, la moralité et la neutralité sont jetées au ruisseau dès lors qu’il s’agit de faire un bon papier ; des fausses aggressions antisémites dans le RER aux diverses erreurs médiatiques (à commencer par Clearstream qui n’en finit pas de se dégonfler), on ne peut que constater que les journalistes en France sont tout sauf moraux, neutres ou seulement pondérés.
Dès lors, l’éviction des personnes gênantes ressemble, outre à un alibi, beaucoup plus à un spectacle, un « buzz », créé de toute pièce par les média, pour les média et sur les média.
Petit à petit, il apparaît évident que ce microcosme tourne sur lui-même, en boucle, à l’image de la société française, sclérosée et retournée sur elle-même.
Edifiant.
Une petite note sur la neutralité des journalistes. Revel a souvent traité de ce sujet, en arrivant à une conclusion un petit peu différente.
Il distingue deux sortes de neutralité : D’une part une neutralité, fictive, dans l’information à communiquer (Si l’on annonce une malversation financière de tel ou tel parti, ce n’est pas neutre vis à vis de ses représentants) et d’autre part la neutralité, techniquement possible, dans la présentation de l’information en question.
Exemple pêché dans télématin il y a quelques jours : Un forcené abat plusieurs personnes dans un centre commercial aux Etats-Unis, _le pays des armes_ Quatre mots, un jugement, une explication. Neutralité? Zéro.
Revel insiste notamment sur cette illusion qu’un respect (effectif ou virtuel) d’une certaine pluralité politique parmi les journalistes n’est en rien une garantie de qualité de l’information. Il argue que deux information biaisées (Libé et Figaro, par exemple) n’en font pas une bonne.
Il est vrai que dans le cas présenté ici, c’est le cerveau du lecteur qui fait le tri. Peut-être. Mais en dehors des media officiellement et ouvertement propagandistes (L’humanité, National Hebdo, etc.), les journalistes ont un devoir moral et éthique de transmettre une information vraie et vérifiée telle.
Ce n’est visiblement pas le cas.
Très bon article (comme d’habitude) qui me fait d’ailleurs préférer l’info brute telle que proposée par AFP, Reuters ou Associated Press.
En France, on mélange très souvent les genres: info brute et opinion personnelle dans le même article. C’est moins fréquent dans la presse anglo-saxonne, me semble-t-il.
De nombreuses informations provenant de l’AFP sont trafiquées dès l’origine. Il y a des sujets à propos desquels l’AFP a visiblement le plus grand mal à être objective. Israël, le réchauffement climatique, les Etats Unis sont quelques exemples.
Effectivement. J’ai tendance à préférer les sources comme AP ou Reuters.
Petite rectification, c’est pas le papa de Marie Drucker qui fricote avec les Chirac, mais bien son tonton. En effet, Jean Drucker (paix à son ame), père de Marie, était le frère de Michel.
Voila, cette précision pipole me paraissait indispensable. Je retourne à ma lecture de Voici.
Chaque journaliste ajoute sa coloration personnelle, qui fait que chaque article est orienté en fonction de la sensibilité du rédacteur. J’avais eu cette conversation avec un collègue il y a peu, et il était surtout d’accord avec les articles qui allait dans son sens. Ce n’est plus un rapport des faits à ce moment-là, c’est une manipulation. Voir à ce sujet les manips d’informations en Palestine/Irak reporté dans le livre d’Eric Brunet "Etre de droite un tabou francais".
Salut.
J’ai plus droit à ma petite leçon de politique. Je commençais à y prendre goût. Que se passe t il? Lassé ? A bientôt
y a Nico qui veut se faire biberonner, apparemment bouger une jambe et aller acheter un livre ou deux c trop dur…
Salut.
Bob avez vous des raisons de vous défouler aussi courageusement ou est ce juste pour vous détendre ?
Vous n’êtes pas en face de moi, nous sommes cachés derrière nos claviers, Cela vous empêche t il tout respect et toute politesse ?
Je ne vois pas pourquoi l’envie de discuter idéologie déclenche chez vous tant de raillerie, le débat et la lecture étant complémentaire, à mon humble avis.
Mais si personne ne veut diserter un peu sur ses valeurs et ses idées, je ne vois effectivement pas l’intéret de revenir ici, mais on verra bien et tout le monde s’en remettra de toute façon.
A bientôt, respectueusement
Fondamentalement, plusieurs liens ont été donnés qui devraient absorber votre temps pour un bon moment. Si vous le désirez, vous pouvez aussi lire un certain nombre d’auteurs libéraux (Bastiat, Freidman, Hayek, Von Mises) ou anarchistes (Lysander Spooner p.ex). Si vous désirez réellement débattre, vous avez même un beau forum tout pratique pour ça, http://www.liberaux.org, qui vous permet de vous renseigner sur les positions anarcho-capitalistes, libérales classiques, etc…
Franchement, avec les réponses fournies ici, qui se veulent des débuts de pistes, des graines de réflexions, et ces pointeurs, vous devriez trouver votre bonheur.
@nicopasarko:
bonnet peruvien !
respectitude.
Salut.
Je ne pense que ce soit mon bonheur, vue la distance avec mes idéaux.
Je suis donc courtoisement ramener à la porte, ce fut bref mais tant pis.
Merci quand même.
oohhh…
raccompagnitude.