Gamineries à l’Assemblée

La récré est finie. Enfin, c’est ce qu’on pourrait croire quand on voit l’état général de l’économie : il n’y a plus guère de secteurs, mis à part, peut-être, celui des armements, qui semblent profiter d’une quelconque croissance et tout indique que les turbulences en cours ne seront pas passagères. Mais au milieu des têtes déconfites de traders qui s’accumulent alors que la tempête continue à souffler, un petit groupe d’individus s’en donnent à cœur joie. Et c’est en Fraônce, éternelle et resplendissante, qu’il faut aller pour trouver cet aréopage de joyeux branleurs…

La classe turbulente de gamins se situe au 126, rue de l’Université, dans le 7ème arrondissement de Paris. C’est un groupe a peu près homogène de femmes en tailleur, d’hommes mûrs à la calvitie naissante, en costumes plus ou moins bien coupés et pour la plupart en surplus pondéral. La classe, par commodité, a été découpée en deux gros blocs mous composés de collectivistes plus ou moins forcenés. D’un côté, on trouve des collectivistes socialistes, jouant du flutiau sur le thème usé d’une solidarité à sens unique. De l’autre côté, on trouve des collectivistes nationalistes, soufflant du pipeau sur l’air d’un capitalisme d’état au gré des lobbies.

Jusqu’à présent, la dynamique de groupe instituée depuis des années au sein de cette communauté turbulente est la suivante : un individu, issu de l’une des deux troupes, demande au président de la classe à prendre la parole. Lorsque le président accepte et sous son regard atone, l’individu va donc se mettre debout, agiter ses membres supérieurs et faire bouger sa mâchoire, ses lèvres et sa langue pour proférer des bêtises, avec plus ou moins de conviction, de vigueur et de justesse.

La plupart du temps, il s’agit d’un charabia sans intérêt dont le but est, ultimement, d’aboutir soit au vote d’une nouvelle loi, soit à la production d’un amendement à une loi. La nouvelle loi répond essentiellement à l’objectif de prouver la nécessité de l’existence du groupe de gamins et particulièrement ceux qui sont dans la majorité. L’amendement sert à prouver la nécessité de l’existence de l’opposition.

Pendant que le petit gars au micro agite ses bras et arrose un peu de postillons la calvitie de l’individu devant lui, ceux de sa tribu l’écoutent un peu, bavardent entre eux, bavent et dorment, lisent le journal ou se curent le nez. Dans la tribu d’en face, les autres ne l’écoutent pas, l’insultent, bavardent entre eux, bavent et dorment un peu, lisent le journal ou se curent le nez.

Quand les insultes sont trop audibles, ou quand les ronflements des uns couvrent les bêtises oratoires des autres, le président de la classe grogne vaguement un rappel à l’ordre, réclame le silence, se gratte une couille et se rendort. Le mercredi, c’est à peu près la même chose avec la télé en plus ce qui fait disparaître des grattages de gonades et des curages de groin.

Mais hier soir, la classe est sortie de son train-train quotidien. Alors que les collectivistes de droite tentent de diminuer la pression scribouillarde des collectivistes de gauche, ces derniers se sont excités et, rapidement, les joutes oratoires se sont muées en batailles de boulettes et départs fracassants de l’hémicycle.

L’idée, résumée grossièrement, est, pour la droite, de limiter le temps d’étude et de parole des députés sur un texte de loi. Il s’agit d’une réponse du berger à la bergère, cette dernière ayant produit des masses d’amendements et d’obstacles juridico-techniques pour enquiquiner le premier. Les gamineries auraient pu durer un moment si, l’heure tardive et le probable abus de boissons caféinées aidant, les uns n’avaient pas pété un petit klaxibule des familles.

Et voilà nos zélus chantant la Marseillaise au milieu de l’Assemblée, probablement persuadés qu’ils faisaient ainsi un acte de résistance héroïque devant les gesticulations pathétiques d’une majorité dont on peine à voir le sens de la politique générale.

En somme, tout se passe comme si d’un côté, les députés de la majorité s’ingéniaient à planquer dans leurs textes des petites mines anti-personnelles et autres crasses vasouillardes pour le citoyen et l’opposition (une taxe par ci, une restriction de liberté par là, une régulation à cet endroit ci et une chtite magouille là), et de l’autre côté, les députés de l’opposition noyaient l’appareil législatif dans des procédures à n’en plus finir, ergotant sur tout et n’importe quoi pour ne pas laisser un pouce de terrain libre au débat de fond.

A présent, prenons un peu de recul.


En Fraônce, tout se termine par des chansons.

Pendant que notre gentille brochette de gamins se frittent en assemblée à coups de textes à rallonge, le reste de la France continue à numéroter ses abatis à mesure que la criiiiise commence à prendre une tournure franchement aigre-douce. En effet, alors que nos zélés zélus tentent la formation d’une chorale patriotique improvisée et se chicanent pour des queues de cerises dont l’impact sur le citoyen final est strictement nul, les bourses encaissent baisse sur baisse dans un climat délétère.

Si l’on ajoute le climat catastrophique qui s’installe durablement au Royaume-Uni et qui voit la perfide Albion au bord d’un précipice peu reluisant, si l’on tient compte des dégradations de notes des dettes des états souverains (Islande, Grèce, Espagne et Portugal) ou les prévisions économiques “tristounettes” de l’U.E. concernant la zone Euro, on sent que le vent du boulet passe maintenant de plus en plus près de la Vème République, ses ors et son faste.

Le plus symptomatique est qu’apparaissent à présent des articles tout à fait sérieux sur l’explosion de la zone Euro, chose impensable il y a encore six mois de cela.

Mais les politiques français veillent : on peut les voir, préparant la refondation nationale d’un grand mouvement populaire d’union trans-partis, qui permettra au pays de surmonter les énormes difficultés (notamment budgétaires) qui l’attendent. Et cette refondation semble donc passer par une petite chanson à l’Assemblée.

Messieurs les députés, je tiens donc à vous féliciter pour vos belles actions ! Alors que le bateau France se dirige, toujours plus vite, vers l’iceberg terminal, une partie d’entre vous aura eu le courage discutable de pousser la chansonnette, pendant que les autres se seront lancés dans l’astiquage exigeant des cuivres du bateau, ponctuant vos envolées lyriques du petit couic-couic strident de chiffon sur le métal.

Messieurs, je dois vous le dire, je vous admire. Perdre votre sang-froid pour ces ahurissantes niaiseries, de cette façon lamentable, à ce moment crucial, c’est là qu’est le vrai courage : celui de savoir se torpiller pathétiquement à un moment historique.

Vive la République, vive la Fraônce, ce pays est foutu !

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Commentaires17

  1. le chafouin

    tu as oublié un autre de leurs jeux : faire gaffe à être toujours plus nombreux que l’autre camp, pour ne pas se faire doubler sur un amendement, ce qui ferait les choux gras des médias le lendemain.

  2. gauchedecombat

    continuons à dévaloriser totalement le travail parlementaire, conchions tous les politiques et nous nous retrouverons bien vite à weimar…. Votre décomposition est une lâcheté, un manque de force pour agir…. et ne construit rien d’utile. Vomir n’est pas écrire, ni vivre.

    Les élus ont le devoir de gagner notre respect, par leur attitude et leurs combats. Leur attitude actuelle montre un total mépris du citoyen qui les fait vivre, leurs combats d’arrière-garde en complet décalage avec la vie réelle n’appellent que railleries. Votre réaction est parfaitement à l’image de ce qu’ils veulent nous faire gober : qu’ils sont importants alors que leurs gesticulations ridicules et les vôtres amènent tous les jours ce pays un peu plus bas. Vous et ces députés êtes pathétiques. A ce titre, oui, je vous conchie.

    Note aux lecteurs : jetez un oeil sur son blog, c’est un régal de conformisme et de poncifs tendrement alignés.

  3. Herbert West

    Nous avons à faire à quelqu’un qui ne sait pas penser par lui-même, cf. sa confession sur son blog : "je ne sais pas quoi penser des théories de Naomi Klein… Quelqun peut-il éclairer ma lanterne ?"

    (réponse : ben lis donc ses bouquins et tu saura quoi en penser !)

    Nous pouvons donc conjecturer qu’il ne sait pas non plus décider par lui-même, et qu’à ce titre il a besoin des politiciens comme un chien a besoin de son maître.

  4. Chitah

    Sur les livres de Klein, c’est simple j’ai lu No Lo et la moitié de son dernier livre, les deux sont de la très très grosse merde.
    Par contre, niveau packaging de la pensée, c’est du top du top : il y a un nombre colossal de footnotes, un nombre impressionnant de personnages de l’université truc ou du think tank machin qui sont cités, des anciens employés de telle ou telle institution.
    Seulement, en grattant un peu, on voit que les footnotes renvoient à des livres de potes de Naomi Klein, que les personnages cités sont des gauchistes patentés, et que les anciens employés aussi.

    Bref, aucun intérêt, sauf contribuer à augmenter son énervement.

    J’aurai juste quelques questions à M. h16 :
    – pourquoi es-tu sur une ligne, depuis quelques mois déjà, qui consiste à dire que "ce pays est foutu"? Un peu synthétique comme prisme, non?
    – pourquoi accordes-tu le moindre crédit à ce que disent et font les politiques, alors que ce ne sont que des pantins, tout au plus des animateurs? Les décideurs, les influenceurs de la politique française, ce sont les haut fonctionnaires des grandes directions de ministères. Par exemple, j’entendais récemment sur la très sérieuse BFMTV que Nicolas Sarkozy avait lancé dès son arrivé à l’Elysée les RGPP, faisant montre de sa volonté de réformer l’Etat. C’est tout sauf vrai, ces RGPP existaient bien avant son arrivée.
    De même, tout le monde attribue l’idée et la création de la Fête de la Musique à Djack Lang : c’est également faux, c’est un haut fonctionnaire.
    Encore un exemple : le Grenelle de l’environnement. Création de Borloo et NKM? Pfff, ils n’ont ni l’expertise, ni n’ont pu avoir le temps matériel pour échafauder un tel édifice avec leur cabinet.
    – et comment ça va toi?

    Chitah

  5. Higgins

    Ainsi donc, il existerait un travail parlementaire!!!! L’attitude de nos "représentants", gauche et droite confondues, est lamentable mais ne me fait plus rire du tout. Réduits, par leur comportement, à une simple chambre d’enregistrement, nos députés ne savent plus quoi inventer pour faire parler d’eux. Pourtant, les (vrais) chantiers ne manquent pas: auditer et contrôler nos "chères administrations", veiller au bon usage des deniers publics, exiger de l’exécutif qu’il honore la signature du pays (traité de Maastricht par exemple), j’en passe et des meilleurs, mettre de l’ordre dans la chienlit législative et éviter sa prolifération.
    Je souhaiterai encore croire que le rôle d’un député ne se limite pas à déposer les amendements les plus farfelus sous des prétextes les plus fallacieux. Il est vrai que si l’on en croit les chiffres sortis récemment sur les turpitudes supposés d’un "représentant’ du peuple, le fromage est des plus attrayants (plus de 12500 euros/mois en cumulant simplement, deux mandats!!!). Qu’on me comprenne bien, peu me chaut que nos élus soient bien payés (je conçois fort bien que le travail démocratique ait un coût), je leur demande simplement de faire preuve d’un minimum de décence, d’éviter les pantalonnades dont ils nous gratifient, malheureusement, trop régulièrement et de se montrer digne, par la qualité de leur attitude et le pertinence de leur travail, de la charge qui est la leur.

  6. Monoi

    Mais H16, que leur reste t il, a part faire du bruit et gesticuler?

    80% des lois et reglements viennent de l’europe ou d’organisations supra nationales maintenant, ils n’ont plus de pouvoir qui compte vraiment. Il faut leur pardonner a ces pauvres gamins!

  7. Jesrad

    A propos de Naomi Klein, il convient d’en penser qu’elle sait assurément joindre le fond et la forme. ainsi, dans son livre "la stratégie du choc", elle explique exactement comment s’y prendre pour faire avaler des idées minables aux gens en exploitant la peur, tout en faisant avaler au lecteur ses idées minables en exploitant la peur qu’elle instille exprès chez son lecteur.

    Exemple: elle accompagne son livre de vidéos choquantes montrant des gens soumis à des électrochocs ou torturés, histoire de bien faire flipper le lecteur et vaincre son sens critique. Puis elle déverse une quantité effarante d’insinuations conspirationnistes et de rappels d’actes cruels et barbares (Tienanmen, guerre en Iraq, etc.) pour effrayer encore un bon coup, avant d’asséner que c’est tout la faute à Milton Friedman.

    Ce n’est d’ailleurs pas étonnant qu’elle s’attaque à ce brave homme mort: il avait préventivement mis en garde contre une telle stratégie du choc en soulignant qu’en temps incertains et menaçants, les peuples pouvaient malheureusement sombrer dans l’irrationnel et adopter des thèses néfastes promues par des opportunistes. Et Naomi Klein a bien compris qu’elle pouvait, pour vendre ses thèses néfastes, invoquer exprès des temps incertains et des menaces, dut-elle les maquiller ou forcer la dose.

  8. Phantom

    Merci h16 pour ce billet, ça fait du bien d’en rire pour ne pas péter un câble! Ce n’est pas la première fois à l’AN, mais j’ai quand même eu les boules en voyant ça 🙁

  9. Phantom

    @Chitah
    "pourquoi es-tu sur une ligne, depuis quelques mois déjà, qui consiste à dire que "ce pays est foutu"? Un peu synthétique comme prisme, non?"

    Depuis quelques mois? Il a toujours été comme ça h16 😀

  10. C’est surtout qu’on oublie la poutre pour la paille. Chouette, une nouvelle plomberie parlementaire ! Voilà qui va bien aider dans ces temps de crise. D’un côté, on se demande ce qui pousse à changer la tapisserie quand il faut refaire les fondations, et de l’autre, on ne s’étonne même plus que ça braille et ça couine pour tenter d’exister. Tout ceci est d’un ridicule achevé.

    @Chitah :
    a/ Comment vais-je : bien, merci.
    b/ Pourquoi “ce pays est foutu” ? Parce que c’est vrai, synthétique effectivement mais terriblement d’actualité. Et puis, c’est mon petit côté Caton qui ressort.
    c/ Il est vrai que l’appareil d’état est surtout contrôlé par des hauts fonctionnaires, mais il est surtout anonyme. Taper dans la masse molle de l’état, c’est s’exposer à un combat contre un polochon qui encaisse tout en s’adaptant mollement dans de petits pouf pouf pouf fatigants. Ne pas oublier ensuite que se fendre la pipe sur le politique, c’est nettement plus drôle. Et ce blog doit rester pour moi l’occasion d’en rire.

  11. Nx

    Décidément… mes choix de vies me réconfortent, plutôt que d’une paire de chaussons confortables, je me destine à une vie apatride, on pourra me targuer de l’intelligence d’un rat qui quitte le navire mais qu’importe, j’aurais au moins une chance de rejoindre un rivage clément.

    Au fait, l’ex-partie du Royaume Uni qui à décider de jouer à la balle avec l’euro n’est pas non plus dans une forme olympique. autrefois considérée comme le nouvel "el dorado", force est de constater que la dorure a perdu de sa superbe… même la chère main d’oeuvre polonaise, point de critique ici je suis exactement dans la même situation qu’eux, se voit invitée à regagner sa patrie à coup de chêque étatique, et les finances sont au plus bas, pour preuve , TVA et impot sur le revenu viennent d’être augmentés.

    Bref, courage ! fuyons la zone euro !

    Et sinon, moi ça va…

    Heureux d’avoir de tes nouvelles 🙂 ! Et n’hésite pas à revenir nous tenir au courant de ce qui se passe en Irlande. Accessoirement, le pays étant ce qu’il est, je pense qu’il va dérouiller avec la crise, certes, mais je pense qu’il sera aussi plus prompt à se rétablir que la France, par exemple… Nous verrons. Bon courage, en tout cas.

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