Pape, polémique en latex et cohérence

Dans un précédent billet, j’avais déjà noté l’étonnante faculté des anticléricaux de base à produire de la polémique à peu de frais dès que le Pape se pointait chez nous. Avec les récents événements dans lesquels l’Eglise aura joué un rôle central, la polémique passe sans tarder du carton au … latex.

Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser que je m’étais tâté (ici, là et un peu là mais pas trop, ça me fait tout chose parfois) pour aborder ou pas le sujet des déclarations papales sur le préservatif, mais l’existence de billets comme celui de Maître Eolas ou celui de Criticus m’aura permis de botter en touche ; je me vois mal risquer quelques vannes plus ou moins bien venues pour n’apporter rien de nouveau et faire moins bien qu’eux : leurs arguments sont décisifs et leurs remarques pertinentes.

J’allais donc, calmement, me réduire à un simple commentaire d’actualité sur l’extraordinaire gonflement mérdiatique observé quand, cherchant un peu de matière, je tombais, bouche bée, sur … ça .

Consternant, ahurissant, affligeant, atterrant, déplorable, lamentable, navrant sont quelques uns des adjectifs qui me viennent alors à l’esprit quand je découvre la « pétition » de Gilles Leroy. En physique, l’inverse de la sublimation – qui consiste à passer du solide au gaz sans passer par le liquide – s’appelle la déposition. Et ici, pas de doute, nous assistons à une déposition physique, c’est à dire au passage du concept gazeux de stupidité ambiante à une cristallisation instantanée sous forme de connerie solide dans cet article. A mes adjectifs, je peux donc ajouter « stupéfiant » (qui est d’ailleurs l’appellation exacte de ce que notre Gilles Leroy aura dû fumer pour produire pareil étron).

La situation est en effet la suivante : suite à une déclaration du Pape, une polémique a déjà pas mal enflé, dans les médias et sur internet. A la base de la polémique, cette phrase : On ne peut pas résoudre le problème du SIDA avec la distribution de préservatifs ; au contraire elle aggrave le problème.

Eh oui : le pape Benoît XVI, comme d’ailleurs son prédécesseur, et comme l’Eglise en général, estime que l’abstinence, la chasteté ou la fidélité doivent primer sur le port du préservatif. On doit admettre que la nouvelle casse des briques : le pape serait donc (shock & awe) pour la perpétuation d’un message que l’Église tient, grosso modo, depuis quelques siècles, et – franchement, quel toupet ! – entendait rappeler qu’en n’allant pas fricoter à droite et à gauche, on diminuait drastiquement ses risques de choper la chtouille. C’est vraiment de l’inédit, du scoop, du Qui Mérite Une Polémique, ça ! De là à noter que ceux qui n’ont aucune relation sexuelle ne chopent pas de MST, il n’y a qu’un pas qu’on ne franchira pas – ouf ! – tant l’horreur d’une telle évidence est indicible.

On peut d’ailleurs se demander exactement ce qui se serait passé si le pape avait déclaré, goguenard : « Franchement, le plastique, c’est fantastique et le caoutchouc, super doux ! L’essayer, c’est l’adopter ! » … Je doute en effet que ceci aurait déclenché un aussi vaste raz-de-marée de déclarations enfiévrées, mais aurait durablement sapé la crédibilité de l’Eglise qui s’évertue (toujours depuis quelques siècles) à conserver une certaine cohérence. Dans notre société bien plus habituée aux revirements de vestes politocardes, à la couille-mollisation et aux compromis mous qu’aux positions fermes et durables, cette cohérence a effectivement de quoi choquer les âmes sensibles.

Bref : comme lorsqu’il s’agit d’Eglise dans notre beau pays où l’athéisme est depuis bien longtemps passé d’une saine indifférence pour les croyances des autres à une véritable propagande pour lutter contre toute position religieuse, la polémique aura bien vite fleuri pour arriver à ce machin gluant où les propos initiaux sont oubliés et où l’on en arrive, merci Gilles Leroy Écrivain / Prix Goncourt / Pétitionnaire, à ceci :

Certes, le chef de l’Eglise catholique est dans sa sphère lorsqu’il exhorte à la fidélité et à la chasteté. Son prédécesseur ne prônait pas autre chose. Pour autant, jamais Jean-Paul II n’est parti en guerre contre le préservatif. Que signifie alors cette croisade ?

Pour notre puissant penseur, le message papal serait donc une guerre ouverte, que dis-je, une croisade, contre l’appendice en latex. Diantre.

Cependant, quand on lit la déclaration de Benoît XVI, et lorsqu’on est un minimum honnête, on peut comprendre : « Le préservatif cautionne, par le sentiment de sécurité qu’il donne, une pratique qui aggrave le problème de pandémie. » Et quand on sait que le préservatif n’est efficace qu’à 85% contre la transmission du virus du VIH, on ne peut pas lui donner tort.

En revanche, lorsqu’on baigne dans le message bien-pensant où, puisque tout le monde fricote, on se doit d’être un queutard, oui, mais responsable et capuchonné, oser imaginer qu’on puisse dire que, justement, fricoter, même protégé, ne constitue pas une solution durable, ça heurte les petites oreilles sensibles de notre Ecrivain / Prix Goncourt / Pétitionnaire de weekend.

Et puisqu’on évoquait la cohérence, rendons à Gilles ce qui revient à Gilles : La cohérence, dès lors, l’honnêteté intellectuelle et la conscience de sa responsabilité lui indiquent la voie: il doit se rétracter. Bah non : l’incohérence, mon lascar, est de ton côté, dès le départ. D’une part, le pape, comme tout le monde, a parfaitement le droit d’émettre une opinion, et tu ne peux lui reprocher de le faire. L’incohérence, clown triste, est bien de ton côté quand d’une part tu admets que le pape est bien dans sa sphère mais que de l’autre, tu lui reproches de dire ce qu’il pense. L’incohérence, citoyen moraliné à l’arrogance bien française, est bien de ton côté lorsque tu déclares clairement que le pape serait responsable de tous ces morts, voire le souhaiterait comme châtiment divin, alors que dans le même temps, l’Église que ce pape dirige a certainement fait contre le VIH et pour les malades, dans le temps qu’il t’a fallu pour pondre ton ramassis de conneries, plus que tout ce que tu auras pu faire en un an pour ces mêmes individus et contre ce même virus.

Ce n’est pas parce qu’en Fraônce il est interdit de penser en dehors des sentiers battus que le reste du monde doit plonger et se noyer dans la piscine de moraline qu’on nous remplit tous les jours avec ce genre de propositions idiotes. Ce n’est pas parce qu’on ne partage ni la foi du pape, ni son opinion qu’on doit le faire taire ou lui imposer de retirer ce qu’il a dit, en tentant une espèce de terrorisme intellectuel pétitionnaire qui ne veut pas dire son nom.

Si j’étais cohérent avec ton attitude, mon cher Écrivain / Goncourt / Pétitionnaire, je devrais immédiatement te demander de retirer tes propos et j’aurais d’ailleurs bien lancé une petite pétition de derrière les fagots si j’avais eu un prix Truc histoire de donner un vernis de respectabilité à mes fièvres totalitaires.

Mais comme je suis cohérent et libéral, je me contenterai de t’accorder du mépris standard, trouvé en shrink-wrapped sur les étagères de ma panoplie anti-cons.

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Commentaires16

  1. Flak

    "l’Église que ce pape dirige a certainement fait contre le VIH et pour les malades, dans le temps qu’il t’a fallu pour pondre ton ramassis de conneries, plus que tout ce que tu auras pu faire en un an pour ces mêmes individus et contre ce même virus."

    peux-tu detailler?
    merci

  2. Bob

    Il y a aussi une légère manipulation de l’information à la suite d’une dépêche AFP :

    Les médias reprennent la dépêche comme il suit :
    « On ne peut pas régler le problème du sida avec la distribution de préservatifs», déclare-t-il. «Au contraire, leur utilisation aggrave le problème.»

    Alors que le pape dit à l’origine :
    « Et on ne peut pas régler ce drame avec la distribution de préservatifs, qui au contraire augmentent le problème. »

    Le pape ne condamne pas directement l’utilisation de la capote (comme JP2), mais considère que sa distribution augmente le problème (sans doute en favorisant la promiscuité comme tu l’expliques). Ça change grandement le sens de son propos je trouve.

  3. Gaël

    "Mais comme je suis cohérent et libéral, je me contenterai de t’accorder du mépris standard, trouvé en shrink-wrapped sur les étagères de ma panoplie anti-cons."

    Paf ! Excellente formule !
    Et bon article bien remonté comme il faut ^^

  4. Donjipez

    Plus de flics, plus de curés (rabbins, imams et autres daubes) et une partouze géant sous latex : débarrassons nous de Benito aussi puant que ses prédécesseurs comme le polac tremblotant

    gnagnagna

  5. Criticus

    En gros, ce con demande au pape de se retirer, autre moyen de contraception…

    On va dire que je radote sur le déclin de la France, mais qu’un prix Goncourt puisse écrire un texte aussi mal fichu en dit long sur l’état des lettres françaises.

  6. Vincemobile

    Encore un qui crie au loup avec tous les autres, politiques en tête. Taper sur le Pape, c’est facile, ça ne coûte pas cher et surtout on ne risque rien.

    Je pense que la déclaration du Pape (sûrement extorquée par un journaliste avide d’un coup) a été sortie de son contexte et sûrement "retravaillée" histoire de faire monter la sauce. Cette polémique est affligeante d’autant qu’il n’y a rien de nouveau sur la position de l’Eglise (c’est marrant personne ne parle de la position des autres religions sur le sujet qui doit être très proche).

    Comme si l’Eglise catholique était la seule à tenir cette position. Comme si les catholiques étaient d’immondes oppresseurs comme au temps des colonies alors que la religion la plus persécutée aujourd’hui c’est la religion chrétienne.

  7. pp

    Effectivement.

    A noter tout de même qu’historiquement le SIDA est apparut juste après les mouvements de "libération" sexuelle.

    Je crois qu’il faut voir là une opération délibérée de déstabilisation de l’église et du pape. Les vrais raisons de cet acharnement sont à chercher ailleur que dans les déclarations du pape sur le préservatif, qui effectivement n’a rien dit de bien nouveau.

    Etant donné des les médias appartiennent à des groupes financiers, j’irai bien regarder si le pape n’aurai pas dit quelque choe qui aurait déplu sur la crise financière. Quelqu’un est-il au courant ?
    A moins que ce soit lié à la mise en cause du président soudanais par la cours pénale internationale (financée au moins en partie par le mega spéculateur Soros). Cette mise en cause est très loin de faire l’unanimité et a été beaucoup critiquée, entre autre par un certain … Benoit XVI.

  8. Rocou

    Je partage pleinement l’analyse acerbe de H16.

    Néanmoins, je ne comprends pas l’allusion au préservatif dans le discours du Pape, surtout qu’il s’adresse aux africains qui sont loin d’être des adeptes du préservatif et de la fidélité pour la plupart. Il aurait pu -du- s’en dispenser sachant que ce bout de phrase serait exploité pour la mauvaise cause.

    Je précise pour les cons que j’ai épousé une africaine et que j’ai plus qu’une vague idée des moeurs africaines.

  9. gnarf

    Le probleme c’est qu’il existe en Afrique des rumeurs recurrentes selon lesquelles les preservatifs sont infectes avec le VIH.
    Du coup la fameuse phrase du Pape apparait dans toute sa maladresse. En plus tout cela ne fait qu’occulter le travail considerable des catholiques en Afrique… qui s’occupent dans la plupart des cas des orphelins du sida.

    En Pologne, pays peu susceptible d’acharnement mediatique sur le Pape, certains commencent a se poser des questions sur ces maladresses en serie. Je ne comprends toujours pas ce que le mot "aggrave" fait la. En ce qui concerne l’Afrique c’est une contre-verite flagrante.

    En Afrique, la ou l’enseignement de la fidelite ne passe pas, le preservatif sans superstition est un outil, et ca n’est certainement pas la distribution de preservatifs qui influence les pratiques sexuelles en Afrique. Quand on compte les orphelins par millions on n’a vraiment plus le luxe de balancer que le preservatif "aggrave" le probleme….ca n’a rien a voir avec l’Europe et les preservatifs dans les lycees.

    Contre-vérité, contre-vérité… bof : le préservatif reste, dans les économies africaines, un bien qui n’est pas aussi abordable qu’en Europe, et d’une, et d’autre part, distribution ou pas, la pandémie progresse.

  10. Annie

    @ Criticus : "On va dire que je radote sur le déclin de la France, mais qu’un prix Goncourt puisse écrire un texte aussi mal fichu en dit long sur l’état des lettres françaises."

    Capote en anglais se dit french letter, ceci expliquant peut-être cela.

    Merci pour ce post. J’ai bien ri.

  11. gnarf

    >>Contre-vérité, contre-vérité… bof : le préservatif reste, dans les économies africaines, un bien qui n’est pas aussi abordable qu’en Europe, et d’une, et d’autre part, distribution ou pas, la pandémie progresse.

    http://www.afrik.com/article1645...

    "Seulement, j’observe que la démarche de l’Espagne (qui vient d’annoncer l’envoi d’un million de préservatifs en Afrique, ndlr) ne peut constituer la moindre solution au problème du VIH en Afrique ; si les humains, les Africains surtout, n’utilisent pas le préservatif à ce jour, cela n’est nullement en rapport avec son inaccessibilité."

  12. @gnarf : ce que vous dites ne contredit pas ce que j’écrivais ci-dessus ; le préservatif n’est pas inaccessible, mais reste peu utilisé. Et de fait, lorsqu’il est peu utilisé, la méthode la plus efficace pour la lutte contre le VIH devient alors la réduction du nombre de partenaires. Mais avant tout, je vous encourage à bien lire les deux articles fort complets de Koz sur ce sujet, ainsi que l’étude de Green (mentionnée dans mon billet suivant).

  13. Bebel

    @Vincemobile:
    Tu as écris: "Je pense que la déclaration du Pape (sûrement extorquée par un journaliste avide d’un coup) a été sortie de son contexte et sûrement "retravaillée" histoire de faire monter la sauce."
    Non, c’est d’ailleurs un des rares éléments exact véhiculé par nos médias: les questions ont été sélectionnées à l’avance; le pape ne pouvait donc pas être pris par surprise.
    Ceci étant dit, préparée ou pas, je trouve sa réponse intéressante, surtout après avoir un peu appronfondi la question suite au buzz déclenché. Si le préservo n’est fiable qu’à 85% contre le virus du sida, je me demande bien en quoi la réponse du pape est critiquable; mais bon, c’est ma logique perso;
    Une bonne analyse nécessitait néanmoins de lire toute sa réponse, et au moins l’intégralité de la phrase mis à l’index, ce qui a l’air difficile pour nos medias et autres bien-pensants du PAF.
    D’ailleurs, d’après mes observations, il n’y a qu’en France que la polémique a pris une telle ampleur…

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