La fiscalité créative

Pendant que les journalistes se branlouillent mollement sur les excuses de Royal, les déclarations de Lang et les contre-déclarations de Sarkozy, le gouvernement continue discrètement à faire de la plomberie et poser des tuyaux fiscaux pour tenter d’optimiser le drain fiscal. Alors que toutes les petites feuilles de calcul excel de nos administrations découvrent les joies de la notation scientifique pour arriver à y faire tenir les nouveaux chiffres du déficit, les ministres redoublent d’ingéniosité pour rapprocher les deux bouts. Pour le moment, ils sont éloignés de plus de 100 milliards d’euros, mais c’est sans compter sur la créativité extraordinaire dont ils font preuve…

Et en terme d’innovation, encore une fois, les hommes de l’ombre Bercy se sont encore lâchés.

Ainsi, reluquant avec les yeux torves d’un pervers trop longtemps frustré les grosses retraites juteuses de patrons peu scrupuleux, et factorisant aussi les gains électoraux que toute mesure démagogique pourrait entraîner, le gouvernement s’est donc fourré dans la tête qu’il fallait rapidement instaurer une fiscalité qu’ils définissent eux-même comme confiscatoire sur les retraites chapeau, ces retraites payées par une entreprise en plus des retraites des régimes habituels à leurs anciens dirigeants.

Sur le plan budgétaire, il est clair que les montants récupérés ne couvriront même pas les frais de bouche de l’Elysée ou de déplacement du Premier Plombier Fiscal dans son avion de fonction, mais les retombées potentielles en termes électoraux sont suffisamment alléchantes pour qu’à l’évidence, tout ceci passe rapidement par l’Assemblée comme une pomme d’Hadopi lettre à la poste.

Mais les contorsions gloutonnes ne s’arrêtent pas là. Tels un Houdini de foire du Trône qui braillerait qu’il peut faire encore plus fort, toujours plus fort, nos gouvernants relèvent le défi de faire bien mieux que ça. Après les petits coups de bâtons contre les méchants et riches patrons, on pose des appâts à moutontribuables sauvages. Il s’agit ici d’un piège un peu moins grossier que d’habitude pour choper les quelques animaux qui ont réussi à sortir de l’enclos pour éviter la tonte tri-annuelle (ou mensuelle).


Deux espèces de moutontribuables

L’idée consiste à utiliser l’appeau fiscal qui produit une petite musique doucereuse et vise à endormir les animaux les moins farouches en leur faisant miroiter un retour à la tranquillité pénale. En gros, moyennant un pardon très relatif et parfaitement borné dans le temps et l’ampleur, Don Woertheone accepte que les brebis égarées reviennent au bon pasteur qui se chargera de leur ôter, sans trop attaquer le cuir, les épaisses volutes laineuses qu’elles auraient tenté de dissimuler à ses yeux.

Il va là encore de soi que cette mansuétude envisagée pour faire revenir les bestiaux les plus dodus et les plus poilus ne saurait durer trop longtemps. Mieux : rien n’indique que Don Woertheone ou son successeur conserveront leur abnégation pour les repentis. La sécurité fiscale étant ce qu’elle est sur les verts pâturages français, tout porte à croire que les repentis tondus une fois rentrés peuvent fort bien se retrouver tondus à nouveau sur un raffermissement subit de la politique fiscale. Eh oui : si le Prince a besoin d’argent, et s’il sait que vous aviez fauté jadis, il pourrait vous trouver encore bien trop gras et bien trop coupable pour vous laisser vous en sortir à si bon compte. Comme on dit : souvent l’Etat varie, bien fol qui s’y fie…

Mais tout ceci, depuis la fiscalité confiscatoire jusqu’à la fiscalité absolutoire, n’est rien face à la fiscalité créative que nos joyeux drilles politiques veulent mettre en place dans les prochains mois. C’est par la bouche de Mariton, un de ces improvisateurs de génie du Parti d’En Rire, dit UMP, que nous apprenons ce qui se trame en coulisses ; attention, cela vient d’un type auto-proclamé libéral. Avec des libéraux comme lui, aucun besoin d’un crétin aigri encarté NPA pour sombrer doucement dans le collectivisme arriéré des trotskystes d’opérette.

Et que dit-il, notre député collectiviste de droite ? Ceci :

« Il me semble qu’une des voies qui pourraient être explorées dès lors qu’on aurait cantonné ces dépenses extraordinaires, serait d’imaginer une recette extraordinaire. Elle pourrait être non pas d’augmenter les impôts mais de lancer un emprunt (…), qui pourrait être un emprunt forcé« .

Ah oui. Forcé. Comme dans « Si tu ne payes pas, on te casse les phalanges. » Ou comme dans « Tu vas payer ou sinon, fini la protection de ta boutique dans le quartier. Et tu sais, un incendie, un braquage, ça arrive vite, de nos jours ».

Il faudrait mettre Don Woertheone en relation avec Don Martinon. Ils ont des choses à se dire : principes communs, mêmes notions d’économie, même penchant pour la créativité mafieuse…

C’est effectivement osé, et c’est, j’en suis persuadé, une option qui sera sérieusement étudiée dans les prochains mois. Ne nous leurrons pas : l’Etat est maintenant tout doucement mais sûrement arrivé au point de rupture et il va lui manquer, à un moment ou à un autre, un montant en euros plus ou moins scandaleux avec du 10E9 en facteur multiplicatif. Et là, magie des magies : le pays se remplissant lentement d’assistés et de chômeurs, et l’impôt étant bêtement assujetti à un revenu, il concerne de moins en moins de personnes qui ne pourront donc pas (ou plus) abonder à l’énorme Niagara fiscal que nos députés et nos ministres s’emploient à mettre en place. On va donc proposer des petits bouts de dette de l’Etat, pour un prix modique, avec obligation d’acheter un minimum. Charge aux patriotes d’en prendre une double ou une triple ration (miam !).

Je propose tout de suite un nom pour ces bouts de dette : Assignat.

Tout ceci sent furieusement bon et laisse présager d’un futur tonitruant.

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Commentaires7

  1. gael

    T’as planqué des revenus, c’est ça? Tsssss, vilain vilain!

    Viens le mettre dans nos banques suisses, promis on dira rien à ton gouvernement. 🙂

  2. bibi33

    Déposer son argent en Suisse c’est légal.
    Des lors que vous avez placé l’argent après avoir payé votre du à l’état.
    De nombreux commerçant y place l’argent issu de la vente de leur fond de commerce et beaucoup de particuliers y placent les fruits de la vente de biens immobiliers hérités.
    Car en suisse il n’y a pas de politichiens comme Martin Risch, Juppé, Rocard, …, qui s’amusent régulièrement à augmenter la fiscalité sur l’épargne.
    En fRance on est adepte du double effet kisskool et bientôt du triple, on vous tond et si on ne vous a pas assez tondu (si vous arrivez à épargner) on vous retond.
    Et si malgré tout il vous reste de l’argent on appelle Martinon.

    Ce pays est foutu!

  3. simong3

    A H16,
    Bonjour,
    J’avais prévu de vous adresser les commentaires ci après à la suite de votre lettre au président. Vous avez produit depuis deux billets très pertinents que j’approuve. Merci d’acceptez mes commentaires.
    Nous sommes manifestement nombreux à vous lire avec un réel plaisir et un grand intérêt. Beaucoup de vos sujets montrent que vous cultivez une grande liberté d’esprit. Toujours vigilant et plein d’un humour qui rend le trait encore plus acéré. Malgré tout je m’interroge souvent à votre lecture et aussi à la lecture des commentaires que suscitent vos billets.
    D’abord le libéralisme: Le libéralisme, c’est la liberté. Faut-il vraiment enfermer la liberté dans un corps de principes et de dogmes pour la défendre? Pourquoi faut-il qu’un doctrine intéressante par de nombreux points (pas par tous) soit servie par vous comme une autre idéologie? Hors du libéralisme, point de salut. Je conviens que "ce pays" est foutu", mais je ne suis pas sur que d’appliquer une autre systématique soit la solution. J’ai entrepris de lire quelques textes de Frédéric Bastiat. Est-ce que le monde du XIXème ressemblait à celui du XXIème? Peut-être.
    Ensuite, vous êtes une sorte d’école et de groupe très fermé où vous vous connaissez et malheur à qui se risque à venir jouer dans votre cour. Quiconque se permet d’émettre un doute et pas même une critique (ce que je prends le risque de faire) et aussitôt accourent quelques "amis" qui conspuent et insultent le malheureux. Je conviens que les "Maurice B" et autres "bureau du fond" qui prennent plaisir à vous asséner au nom d’une autre idéologie, quelques énormités sont pitoyables et sur des rails comme ceux qui les traînent dans la boue. La terminologie de vos soutiens relève parfois du folklore (Troll) et aussi d’une scatologie attristante. Visiblement il faut être accrédité pour oser ajouter un commentaire qui se doit d’être élogieux.
    Ensuite, je sais que le principe du ‘ce pays est foutu" veut que tous ceux qui le dirigent soient des incapables. J’en convient, mais… Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a des gens qui se mouillent qui se salissent les mains, qui prennent des coups au nom de la chose publique. Je sais le gout du pouvoir, bien sur mais surement pas tous. Et puis je me demande, si par extraordinaire (on peut rêver), l’énergie libérale, tout à coup, innervait tous nos dirigeants ou de nouveaux dirigeants que le pouvoir corrompra à leur tour bien sur, ce que serait ce meilleur des mondes avec son angélisme de façade et ses castes. On en a vu de ces absolus qui dégénèrent. Je ne peux pas croire qu’une utopie, une idéologie, une religion ou un quelconque système soit la solution. Je crois qu’il y a des gens bien qui se battent et d’autres qui ne valent rien.
    Après tout, vous avez raison de défendre votre bloc d’idées tel quel. Il est vrai que dès qu’on transige . . . Combien de Camille Desmoulins sont morts pour un Robespierre qui n’a jamais transigé et qui est mort aussi.
    Je vais continuer, si vous le permettez, à vous lire discrètement. Si vous pouviez parfois introduire une nuance, une indulgence, une tolérance vos idées n’en seraient pas moins percutantes mais peut-être plus crédibles et convaincantes. Voulez vous vraiment gagner des gens au libéralisme?
    J’anticipe peut-être de ce que seront les commentaire de certains de vos lecteurs défenseurs: ne prenez pas la peine de me répondre. Je prends plaisir à vous lire et j’ai pris plaisir à vous écrire.

  4. Jesrad

    "Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a des gens qui se mouillent qui se salissent les mains, qui prennent des coups au nom de la chose publique. Je sais le gout du pouvoir, bien sur mais surement pas tous."

    Vous vous voilez la face, et vous en avez conscience. La racine du problème est précisément au coeur de l’action dite "publique", elle est au fondement même de la logique implicite du pouvoir. Le fonctionnement interne de toute structure d’autorité revient à un simple déplacement de ressources et de richesses avec un résultat net négatif, et dès l’instant où vous commencez à croire que vous pouvez faire quoi que ce soit de positif en vous "salissant les mains", vous avez nécessairement tort, exactement de la même façon que les victimes de Madoff pensaient gagner de l’argent. Méditez donc la fameuse formule de Bastiat: "l’état est la grande fiction par laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde": elle explicite l’arnaque en cavalerie (ou Ponzi scheme, ou encore arnaque en pyramide) qui sous-tend tout état, quel qu’il soit.

  5. Tortue joviale

    Bientôt, les écoles d’ingénieurs proposeront des masters en ingénieurerie fiscale. Et qui sait, un prix du type Nobel pourrait apparaître

  6. Herbie Hancock

    > Hors du libéralisme, point de salut.

    Non, le libéralisme n’empêche personne d’être écologiste, nationaliste, collectiviste, socialiste, franc-maçon ou raëlien.

    J’aime l’exemple (provocateur) du professeur Walter Block, qui disait à un néo-nazi : ne soyez pas contre le libéralisme ; vous pourriez vous vêtir comme bon vous semble, afficher les drapeaux qui vous plaisent, diffuser vos livres et chanter ce que vous voulez en ayant l’assurance d’être protégés par la loi. La seule chose qui vous serait interdite serait la violence.

    De même, le libéralisme n’empêche pas les ouvriers de pratiquer l’autogestion de leur usine, du moment qu’ils en sont les légitimes propriétaires.

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