Le Ministère Des Opinions a tranché

Ca faisait longtemps qu’une bronca médiatique n’était pas intervenue. On se souvient assez bien de la dissection des propos de Valls concernant l’absence de blancs sur les marchés, et, plus récemment, des hurlements provoqués par les propos peut-être tenus par le préfet Girot de Langlade, pour lequel la présomption d’innocence n’aura pas tenu plus de quelques secondes. Préfet qui fut, comme on dit pudiquement, “mis à la retraite” par un certain Brice Hortefeux, ministre qui se retrouve lui-même, ironie du sort, sous les feux de l’actualité. Et là, on ouvre les vannes d’un niagara de conneries.

Je passerai assez rapidement sur l’avalanche de billets qui demandent, en gros, à ce que Hortefeux soit pendu haut et court en place publique – et les variantes de ce châtiment – pour avoir prononcé des discours racistes, ceux qui se contentent de trouver les propos du ministre vomitifs, et ceux qui pensent que tout ceci est un vilain gros malentendu.

On peut aussi noter avec humour que finalement, c’est une histoire d’arroseur arrosé, Brice étant ainsi menacé de goûter du remède qu’il a lui-même administré au préfet tendancieux.

En résumé, la sphère médiatique et la blogosphère considèrent donc que Hortefeux est soit coupable, soit maladroit, soit ambigu, et elles en parlent beaucoup. Trop, même. La presse a  en effet donné un élan assez spectaculaire à cette petite vidéo crasseuse où, finalement, on voit quelques personnes papoter pour savoir si l’on va prendre une photo ou pas…

Mais à mon sens, le problème ne se situe pas dans le contenu des paroles : à ce point de la polémique, les anti-racistes de combat ont leur opinion que rien ne pourra changer, ceux qui appellent à la modération ont beau jeu d’essayer de trouver – avec plus ou moins de bonne foi – quelques ambiguïtés aux propos d’Hortefeux (Parlait-il des Auvergnats ? Des militants qui veulent une photo ? Des arabes, encore que ce mot ne soit jamais prononcé ? Des clichés ?), on retombe encore une fois dans le même lynchage médiatique qu’on avait pu observer pour Valls, pour Girot ou pour d’autres avant eux.

Non, le problème a depuis longtemps dépassé le domaine d’un prétendu combat contre le racisme pour se vautrer dans le marigot consternant et de plus en plus étendu du lynchage médiatique sur le mode “Il est indécent pour un ministre de la République de penser ceci ou cela, et de dire ceci ou cela, ou de laisser entendre que …

Cette affaire démontre encore une fois qu’en France, il est interdit, infamant et passible de poursuite d’exprimer des opinions louches, des pensées politiquement incorrectes, de tenir des propos ambigus ou qui pourraient éventuellement être interprétés comme racistes.

Cette affaire démontre en outre qu’un tribunal est inutile, qu’une opinion émise, quel que soit le cadre de celle-ci, quels que soient les intervenants, sera jugée immédiatement, que la sentence sera rendue sans aucun délai ni prise de recul, que les parties concernées ne seront pas entendues et que la culpabilité sera systématiquement prononcée.

Cette affaire démontre que la presse ne joue plus aucun rôle d’analyse, qu’elle sert même de catalyseur puissant et particulièrement réactifs à ce jugement. Elle va plus loin, et se transforme en une véritable institution de contrôle de la pensée, puisqu’elle développe et entretient même avec efficacité un climat “spécial”, redoutablement efficace, où plus personne, publiquement, n’exprimera plus aucune opinion qui ne soit pas directement estampillée kasher par le Ministère de l’Opinion.

Chaque jour qui passe apporte ainsi sa pierre à l’édifice moral puritain qu’une bien-pensance dégoulinante est en train d’ériger. La pensée déviante sera éradiquée. Le mot de trop sera poursuivi avec acharnement. Il n’y aura que des coupables et ils seront tous sanctionnés. Aucune alternative.

De même que nier le réchauffement climatique devient du “négationnisme”, dans lequel le coupable d’un tel crime, qui massacre évidemment et sûrement des générations futures, doit être poursuivi, ostracisé et vilipendé, émettre une opinion sur une ethnie, une couleur de peau est immédiatement passible de poursuites et sera, de toute façon, retenu contre son auteur.

Quand bien même les protagonistes nieraient-ils avoir été insultés ou avoir pensé de travers, personne ne les écoutera de toute façon : le verdict de culpabilité est posé et la sentence de lynchage déjà en cours d’exécution.

Et on peut s’assurer que ce sera efficace : petit à petit, il n’y aura plus qu’un gros consensus sur ce qu’il faut dire, ce qu’il faut faire, et … ce qu’il faut penser.

C’est vrai pour le racisme, puis pour le climat, et petit à petit, c’est vrai pour tout le reste : il devient scandaleux de trouver normal qu’un type gagne plus de 10.000 euros par mois. Il devient insupportable d’imaginer que certains puissent disposer de comptes en suisse en toute légalité. On attend le jour où les gens seront poursuivis par la Halde pour les blagues sur les blondes, sachant que, dans les faits, celles sur les juifs, les arabes ou les noirs promettent déjà des amendes à ceux qui les profèrent publiquement.

Tant et si bien que les discours se pastélisent jusqu’au point qu’à la fin, la différence factuelle entre la droite et la gauche s’estompe.

Normal, après tout, puisque discuter du bien-fondé de l’impôt (qu’il soit sur la fortune, la succession ou le salaire) est devenu blasphématoire.

Logique, puisqu’enfin, l’écologisme aura réussi à bouter les mécréants de l’Avenir Plus Vert Et Plus Joyeux hors des cénacles politiques !

Évident, puisqu’une fois gommé toute notion de différence (qui est toujours belle et bonne, quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise), qu’on a décidé que l’homme était une femme comme une autre, que tout vaut tout le reste et inversement… les options politiques s’amenuisent et il ne reste plus qu’un tourbillon froufroutant de billevesées sucrées et lénifiantes, corsetées par une liste de tabous plus longue et plus complexe qu’un rayonnage de Dalloz, ou chacun, le visage figé dans un sourire correct, lisse et pepsodent, s’efforce d’être absolument sans la moindre aspérité des fois qu’on le choppe à penser de travers.

racism

Le Ministère des Opinions est en place : office vespéral vers 20H.

Et n’oubliez pas de sourire pendant que vos pensées sont prédites.

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Commentaires20

  1. Evan

    Magistrale mise au point. La meilleure synthèse que j’aie lu sur les tenants et les aboutissants de ce non-événement, qui ont de quoi terroriser qui veut bien les considérer.
    Le Post y consacre environ un billet sur deux.
    Je n’ai pas encore vu un blogueur dit vigilant qui n’y soit pas allé de sa petite dénonciation.
    On peut remarquer que les médias classiques suivent davantage qu’ils ne précèdent.
    On peut aussi remarquer que le simple fait de refuser une prise de position pro-lynchage est assimilé à de la kollaboration, comme nous le montrent les réactions au billet modéré de l’Hérétique.

    Hortefeux ne m’inspire qu’une compassion limitée, mais l’hallali général nourrit chez moi le plus profond dégoût.

    Le demotivational est très bien trouvé !

  2. Criticus

    Le parallèle entre “anti”racisme et écologisme est pertinent.

    On prépare lentement l’opinion aux pogroms des “pollueurs”, i.e. tous ceux qui refuseront ce totalitarisme verdâtre.

    Quant à l’”anti”racisme, ce sera encore plus subtil : des « racistes », i.e. des Occidentaux voulant le demeurer, seront assassinés. Le concert médiatique se mettra en marche pour dire que, s’ils ne méritaient pas de mourir, ils l’avaient « bien cherché » (ex : Théo Van Gogh)… !

  3. lechafouin

    Il y a la vérité officielle, et le reste… Merci.

    je n’en tire pas de conclusion quant au racisme ou à l’écologie. ça fait bien lgtps que j’ai remarqué qu’il y avait le discours acceptable et celui qui ne l’était pas, ça ne se cantonne nullement à ces deux thèmes!

    Regardez le lynchage du pape sur le préservatif! Iln’a pas le droit,car il sort des clous officiels.

    1. @Le Chafouin : je ne sais pas s’il faut tirer des conclusions sur l’écologie ou sur le racisme, ce que je remarque en tout cas est la démarche similaire dans les deux cas : dès qu’on sort des clous officiels, comme tu dis, paf, tout le monde te tombe dessus. C’est vrai ici, c’est vrai pour toi sur ton blog, c’est vrai pour l’hérétique aussi. Simplement parce que … vous émettez des doutes ou que vous refusez d’entrer dans la danse du “Ouh le vilain raciste”…

      @Higgins : intéressante vidéo. On attendra les réactions offusquées du Monde.fr …

  4. pascale

    ce qui est curieux, c’est que les Auvergnats n’aient pas songé à porter plainte pour propos racialement incorrects, un çà va mais plusieurs bonjour les dégâts!

  5. sam_00

    “une fois gommé toute notion de différence (qui est toujours belle et bonne, quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise), qu’on a décidé que l’homme était une femme comme une autre, que tout vaut tout le reste et inversement… les options politiques s’amenuisent et il ne reste plus qu’un tourbillon froufroutant de billevesées sucrées et lénifiantes, corsetées par une liste de tabous plus longue et plus complexe qu’un rayonnage de Dalloz, ou chacun, le visage figé dans un sourire correct, lisse et pepsodent, s’efforce d’être absolument sans la moindre aspérité des fois qu’on le choppe à penser de travers.”

    1984 et le télécran ne sont plus très loin …

    J’ai commencé la relecture de ce livre récemment et j’avoue par moment être sidéré par l’étrange similitude de ce roman et de la vie en Fraônce aujourd’hui.

  6. Higgins

    @ Sam_00

    Je vous conseille de lire alors “la ferme des animaux” , à mon sens meilleur que “1984” , déjà très haut placé dans mon panthéon. Toutes les étapes qui mènent à une vrai dictature y sont décrits.

    Bonne lecture

  7. AncillaDomini

    Pourriez-vous avoir tort, pour une fois, H16 ? Merci.

    Sans rire, je suis en train de lire “Du fanatisme dans la langue révolutionnaire” (disponible sur gallica(dot)bnf(dot)fr), dont a parlé Philarête récemment.
    C’est incroyable de voir à quel point la déformation actuelle du langage et le délit d’opinion généralisé sont proches de ce qui se passait sous la tyrannie de Robespierre.
    Le “délit de sale gueule” refait également surface… et sous la même forme ! Tandis qu’on passe la pommade d’un côté au nouveau surhomme (après le sans culotte, le divers), le catholicisme est automatiquement étiqueté “fanatisme” (retour à 1791…)… attendu que le seul “catholicisme” acceptable est la version “progressiste” soumise à l’air du temps et refoulée au fin fond de la sphère privée. Toute ressemblance avec une certaine Constitution civile du clergé est absolument non fortuite, et signe d’une conscience du monde réel !

    Bon, je ne voudrais surtout pas avoir l’air catastrophiste (ça ne se voit pas trop dans les lignes qui précèdent) : si la seule différence restante avec la Terreur, c’est la quantité d’hémoglobine (Deo gratias, on n’y est pas encore !^^)… ma f(F)oi, on ne sera pas plus mal lotis que les cathos du reste du monde.
    (Tiens, c’est rigolo, on n’en parle jamais de ceux-là… Ah oui, l’islam est festif et tolérant… Pardon. ^^)

    PS : pour ceux qui ne connaîtraient pas encore l’excellent blog L’Esprit de l’escalier, je vous recommande particulièrement son analyse en 4 volets de l’ouvrage sus-mentionné. Ici : http://lescalier.wordpress.com/

  8. Largo Winch

    Excellent article avec une jolie verve.
    Il y a toutefois un point sur lequel je ne te suis pas : tu sembles attribuer tous les torts à la presse alors qu’à mon avis elle ne joue qu’un rôle de suiveur dans ce genre d'”événement”, produit de l’internet. La presse n’a pas plus de responsabilité là-dedans que la blogosphère, l’internaute moyen, des “institutions” comme la Halde, des politiques qui utilisent le filon raciste à des fins électoralistes, etc.

    Petite remarque au passage : vu que tu aimes repérer les coquilles et fautes dans les journaux, je me permets de te signaler aussi deux vilaines fautes dans ce billet : “quelque soit le cadre de celle-ci, quelque soient les intervenants”
    http://www.ccdmd.qc.ca/media/homo_gram_diff_17Homophones.pdf

    1. @Largo : tout d’abord merci pour ces phôtes, je les faits régulièrement, j’ai honte. Pour le reste, oui, effectivement, l’article est très à charge contre la presse. Bon, en fait, elle n’est pas responsable à 100% de la situation, mais elle devrait faire l’effort de prendre du recul. Or, dernièrement, ça n’arrivait pas souvent et maintenant, ça n’arrive plus du tout : tout est sujet à polémique stérile. Sans forcément vouloir faire dans l’Albert Londres, je pense que la qualité de la presse en France est à ce point abyssale qu’elle est maintenant partie prenante dans la déliquescence généralisée, en ce qu’elle souffle sur les braises, en crée de nouvelles et arrose régulièrement d’essence pour que l’ensemble perdure…

      Alors oui, effectivement, le filon raciste est devenu surexploité par toute une caste de rigolos. Mais la Halde aurait-elle seulement existé s’il n’y avait eu un fort courant de sympathie au départ, courant très clairement créé par les entrées royales des associations anti-racistes de combat dans la presse ?

  9. adnstep

    Histoire de faire retomber l’autoinflammation, je trouve, moi, que les réactions dans les blogs, sont de plus en plus pro-hortefeux, ou plutôt que les propos d’Hortefeux ne choquent pas grand monde, à part les pro de l’anti-occidentalisme.

    Souvenez-vous de la réaction des gens à Royan : pensez-vous que cela aurait pu avoir lieu il y a 10 ans ?

    Quand à citer 1984, c’est en train de devenir un nouveau Godwin, qu’emploient d’ailleurs tous les petits neuneus gauchistes dès qu’une racaille de banlieue apprend à connaître la pointure d’un CRS.

    1. @Adnstep : pour Orwell, je suis un peu d’accord. Un peu parce qu’effectivement, tout le monde le sort à tort et à travers. Un peu seulement, parce que ce qui est décrit dans le livre est cependant bien en train d’être mis en place. Ce que ne comprennent pourtant pas les petits neuneus gauchistes, c’est que ce sont eux, par leurs actions concrètes (haldesques, citoyennes et superfestives) qui pavent la route de la servitude 😉

  10. maurice b.

    > oui, effectivement, l’article est très à charge contre la > presse.
    > Sans forcément vouloir faire dans l’Albert Londres,
    >je pense que la qualité de la presse en France est à ce >point abyssale qu’elle est maintenant partie prenante dans >la déliquescence généralisée.

    Ne souffrez vous pas de frustration chronique du bloggeur qui aurait aimé faire carrière dans les grands medias d’information ?

    Lol. Franchement, maurice, depuis que j’ai wordpress, j’hésite à chacun de vos commentaire à vous marquer en spam et vous rayer définitivement de mes trollichons habituels, mais heureusement pour vous, vous arrivez toujours avec un commentaire ou deux à me faire rire. Vous ne savez pas ce que je fais, mais franchement, je ne donnerais pas ma place pour une dans les grands médias. Et non, je ne suis pas frustré. Je suis même content de voir qu’un paradigme libéral est encore une fois de plus vérifié : subventionnez massivement un domaine d’activité par l’argent de l’état, et aussitôt, ping, il débite des étrons.

  11. Nick De Cusa

    Ah non, ne pas plonker le collectif de lopettes Jeunes Lop’ “Maurice B.”

    Il est très utile pour montrer à quel point les Jeunes Lop’ sont des lopettes à la solde du sarkozialisme, maladie sénile du socialisme.

  12. b.mode

    Décidément, c’est la période des relookages de saison.

    Pour la liberté d’expression, bien d’accord avec toi d’une manière générale mais quand on est ministre de l’intérieur et qu’on a quasi quotidiennement à traiter de bavures vraiment racistes et de dérive policière, on s’abstient de ce genre de “plaisanteries”. Du reste les deux Leclerc nommés par Sarkozy à la tête de Public Sénat et de LCP l’ont bien compris et ont planqué la vidéo… Jusqu’à ce que…

    1. @b.mode : ah mais de toute façon, comme je le dis, Hortefeux goute ici à sa propre médecine. C’est très bien. Et s’il doit gicler du gouvernement à cause de ça, encore mieux. Mais il n’en reste pas moins que tout ceci participe au climat de plus en plus délétère en France. Les abrutis comme Azouz Begag qui réclame une intervention (musclée) de la Halde ne se rendent absolument pas compte qu’ils alimentent à grand jets d’essence le brasier de l’intolérance et du racisme quotidien.

  13. alex6

    Orwell est plus axe communication, je pense que la vision d’un Huxley est plus proche de ce vers quoi nous tendons puisqu’il inclut la maniere dont on peut controler les liens sociaux et jouant sur les individualites.
    En poussant plus loin, on se rend compte que chacun est conditionne a croire que sa position est la bonne (moralement parlant), l’autre etant vu comme un parasite ou au mieux comme vivant une vie ennuyeuse.
    Il n’y a pas de meilleur moyen pour detruire la liberte de penser que de detruire la capacite a l’auto-critique chez les individus.

  14. Monoi

    Bien fait pour sa gueule a hortefeux.

    Le jour ou un politicien aura le courage de ses opinions, il cassera la baraque.

  15. BastOon

    Tu veux dire, comme Jean-Marie le pan, Monoi ?

    Je suis au contraire persuadé que ce sont les sans-opinions (entendre suivant le plus réactivement les micro-inflexions de l’opinion socialement acceptable) qui tirent les marrons du feu.

    Par contre, un leader d’opinion issu de la société civile qui aurait le courage de ses opinions (et d’en affronter les indélicates conséquences) pourrait faire un tabac, s’il ne s’est pas trop fait tabassé auparavant.

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