Réformer la constitution pour mieux s’excuser

Avec l’approche des présidentielles et, en ligne de mire, les législatives qui suivront, on peut s’attendre à pas mal de manœuvres politiciennes plus ou moins tordues pour s’assurer que le camp d’en face ne s’en sortira pas trop bien. On s’oriente doucement vers une bonne déculottée du camp UMP, avec une victoire presque pépère pour le PS ; dès lors, l’actuelle majorité s’emploie logiquement à savonner la planche des socialistes officiels.

Et la partie de poker menteur qui débute promet d’être particulièrement croustillante.

Il semble en effet que nos parlementaires tentent de proposer, pour la rentrée législative en septembre prochain, une révision constitutionnelle imposant l’équilibre budgétaire lors de l’élaboration du budget national. Autrement dit, ils souhaitent inscrire dans la Constitution l’équilibre des finances publiques.

Ici, évidemment, on croit, quelques secondes, halluciner : comment diable est-ce possible ? Toute cette lucidité, ce magnifique courage qui apparaît d’un coup et qui vise, enfin, à donner à la République une règle claire et pourtant simple, ne pas dépenser plus qu’elle ne gagne », ça semble trop beau pour être vrai.

Rassurez-vous : c’est le cas.

cirque de l'assemblée nationale

Nos élus ne sont pas devenus, subitement, responsables et précautionneux.

Ça se serait su. Et comme c’est même sévèrement sanctionné, ils ont bien fait gaffe de ne jamais tomber dans ce piège : l’argent dont ils s’occupent, qu’ils dépensent et qu’ils ne comptent pas, c’est toujours le nôtre, c’est toujours de l’argent gratuit pour eux, et c’est toujours insuffisant.

Ce que veulent nos députés, c’est simplement inscrire, dans la constitution, une limitation des dépenses courantes pour s’assurer qu’elles sont toutes financées sans déficit.

Notez l’astuce. Elle est dans le mot « courante ». Les dépenses courantes seraient les seules concernées par la nouvelle modification constitutionnelle. Car il en va autrement pour les dépenses d’investissement pour lesquelles le bar reste ouvert, avec champagne, petites cacahuètes grillées, hôtesses accortes et soirée mousse à la fin.

Eh oui : plutôt que graver une fois pour toute une saine gestion dans la constitution, opération délicate s’il en est puisqu’elle réclame un Congrès et, de fait, une majorité de 3/5ème des élus difficilement jouable alors que le Sénat risque bel et bien de basculer à gauche dans les prochains mois, notre joyeuse bande de clowns à facturettes de Bercy a choisi le ménagement… Constitutionnel, hein. Pas budgétaire.

Tout ceci est bel et bien une nouvelle preuve de la pleutrerie et de l’esprit magouillard de nos politiciens. Les élections approchent et deviennent, de fait, l’excuse à toutes les bidouilles présentées comme vertueuses.

En effet, d’une part, comme le souligne fort justement Aurélien Véron dans son papier sur Atlantico, on ne peut s’empêcher de trouver le procédé particulièrement chafouin puisqu’il s’agit pour nos députés de s’affranchir, encore une fois, de leur responsabilité en matière de gestion correcte du budget national.

Si l’on y réfléchit, on se rend compte qu’une fois la proposition inscrite dans la constitution, le gouvernement suivant, astreint à la propreté budgétaire, aura beau jeu de pleurnicher sur l’absence de marge de manœuvres que cette nouvelle constitution lui impose ; au lieu, en réalité, d’embrasser ouvertement la diminution des dépenses et, enfin, l’équilibre d’un budget après trois ou quatre décennies de déficits systématiques et croissants, au lieu d’assumer vouloir une France future qui respire au lieu de s’étrangler sous la dette, nos braves élus brailleront à qui veut l’entendre qu’ils auraient bien été très généreux avec l’argent gratuit des autres si de méchantes dispositions constitutionnelles ne les en empêchait pas.

Oh certes, si cette proposition passe (ce qui est improbable, je le redis), le budget des dépenses courantes va maintenant être taillé au cordeau. Il aura fallu une dette frisant les 2000 milliards d’euros, des faillites souveraines européennes, une crise fulgurante et carabinée, et surtout, trente années de négligence décontractée totalement assumée pour que nos députés se décident, bon gré, mal gré, à restreindre un tantinet leurs incontinences budgétaires.

Mais d’autre part, en laissant un tel boulevard à l’organisation budgétaire pour permettre, via une inventivité renouvelée, de faire passer les grosses dépenses qui tachent dans la partie « investissement », les mêmes députés se ménagent des voies de secours où ils pourront continuer à jouer les sauveurs du petit monde. Comme ce sera plus dur, il faudra, pour les demandeurs de subsides étatiques, tortiller plus habilement de l’arrière-train pour obtenir le sussucre fiscal ou la dépense idoine, mais de droite comme de gauche, nos élus sauront faire passer le message que le bar reste totalement open ; si on a simplement coupé les néons aguicheurs, les cacahuètes se dealeront sous le manteau.

Et le plus beau dans tout ça, c’est que justement, cette proposition n’a aucune chance pratique de passer.

Et là, c’est évidemment tout bénéfice pour les hypocrites qui la propulsent sous le nez de leur coreligionnaires au nez rouge: lorsque la France sera dans un caca si profond que le budget ne se décidera plus à Paris mais à Washington, ce seront en effet les premiers à venir pleurnicher qu’on aurait dû les écouter, eux, lorsqu’ils proposèrent — rappelez-vous, c’était en Septembre 2011 — de limiter les dépenses du budget aux recettes abondées. Comme de vilains socialistes de droite/socialistes de gauche (barrez la minorité assoupie) ont saboté leur proposition de loi, l’état a continué sa cavalerie et voilà le travail !

Même s’il faut absolument tout faire pour inscrire dans la constitution qu’un état ne peut pas, ne doit pas dépenser plus qu’il ne gagne, jamais, ni pour les dépenses courantes ni pour les investissements, en principe, rien ne sera fait dans ce pays : la soupe est trop bonne, la dépense trop facile, la propreté budgétaire trop complexe, trop coûteuse en voix pour que jamais il ne soit envisagé sérieusement d’aboutir à cette extrémité.

Tout montre que cette proposition constitue un affreux bricolage purement politicien, espèce de couteau suisse politocard qui permettra, au choix, d’enquiquiner l’adversaire si il passe ou de se présenter comme un visionnaire responsable au milieu d’impécunieux irresponsables s’il n’aboutit pas.

Quelle que soit l’issue, de toute façon, ce pays est foutu.

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Commentaires29

  1. Aurélien

    Je pense qu’ils se démerderont pour le texte soit si vide de sens qu’il passera.

    Du type « le budget doit être financièrement équilibré sous réserve d’une croissance économique égale ou supérieure à 2% ».

    Pour qu’au 20h ça donne ça:

    « Parce que vous oubliez quelque chose Msieur Pujadas, je sais pas si vous avez remarqué, mais entre temps y a eu une crise internationale, la plus grande de tous les temps depuis que quand Chirac était même pas né. Alors si vous voulez que je laisse faire et que le chômage explose, c’est pas comme ça que j’vois mon travail qu’est si difficile… si difficile… Alors la France elle a besoin de quoi? Elle a besoin d’investissements, elle a besoin de projets, elle a besoin de travail. C’est pour ça qu’avec Christine Lagarde que le monde entier nous envie et aussi François Baroin en qui j’ai une confiance totale, on a décidé de surtout pas limiter le budget quand y a plus d’argent. »

  2. Scaletrans

    « Quelle que soit l’issue, de toute façon, ce pays est foutu. »

    Ce pays? Non ! Ce système oui. Mais il y aura de la casse, et pas seulement matérielle…

      1. Oui. Quand je dis pays, je pense « état français, gouvernement, système général … » 😉

  3. Lib

    Selon ma définition, un investissement consiste à allouer aujourd’hui des ressources qui porteront leurs fruits dans l’avenir.

    Depuis le temps que l’Etat « investit » pour nous, on devrait voir les fruits de ces nombreux « investissements » du passé pleuvoir avec abondance. On devrait donc être en large excédent courant…

    A moins que nos dirigeants n’aient une autre définition du terme « investissement ». Par exemple : endetter la collectivité pour donner de l’argent gratuit à des copains qui sauront à qui adresser les rétro-commissions.

    A part ça j’ai beaucoup aimé la citation de Thatcher offerte par Aurélien dans son papier d’Atlantico : « Socialism works just fine until you run out of other people’s money. »

    Priceless.

    1. adnstep

      Il n’y a jamais eu autant d’élus dans ce pays. Vous voyez bien que ça fonctionne, ce système.

      Quand cela s’arrêtera-t-il ? Je ne sais pas. Après tout, il n’y a que 600 000 élus, et 60 000 000 de citoyens. Ça laisse de la marge.

  4. T0rv4ld

    La jolie coquille orthographique/epic fail que voilà : « les 2000 milliards d’euro » 😉

  5. gem

    bref, pour résumer on se propose d’imiter les USA qui ont déjà ce genre de règles… et qui en sont au 6ième (sauf erreur) relèvement de la limite-à-ne-franchir-sous-aucun-prétexte, après des records successifs dans le creusement des déficits.

    Même causes, même effets : non seulement ça ne va pas limiter le déficit, mais ça va conduire à son explosion encore plus rapide.

    Je souligne en outre que ça porte sur le budget, c’est à dire la prévision… bah, si il suffit de faire une généreuse prévision des rentrées fiscales, les profs de Madoff à Bercy sauront faire.

  6. Théo31

    La Sécu a obligation d’être en équilibre (article 34 de la constitution), ça n’empêche pas les sacs à merde du parle-ment de voter des déficits croissants depuis des années. Ce truc législatif, c’est donc de la merde en barres.

  7. Laetitia

    En fait cette initiative ne vient aucunement des parlementaires. Ça a été décidé depuis quelques semaines déjà entre les pays de la zone euro, dans le cadre d’une discussion autour du pacte de stabilité.

    Il est presque impossible que ça ne passe pas.

  8. Gataka

    Salut
    C est a se demander a qui profite l énorme charge de la dette que nos arrières petits enfants paieront encore ?
    Ont ils par l incontinence budgétaire (qui sous couvert d électoralisme a 2 francs (vague souvenir le franc)) alloue a certains qui se cachent derrière des établissements financiers une rente a vie si confortable que l on ose même pas demander qui sont ces gens ?
    Hum. Mais, par exemple, les assurances vie ne sont elles pas basées sur la dette odieuse ? Me trompe je ?
    Par cette dette odieuse, on assiste a un pillage sytemique de la jeune génération par celle des 68tars possédant déjà tout, sans enfant a charge, multiproprios et surtout veiroullant le moindre poste d élu…

    1. Toutes les assurances vies ne sont pas en obligation d’état… (enfin, rien n’oblige techniquement un assureur à prendre ce modèle – maintenant, difficile de battre les rendements et la « sûreté » de ces objets financiers)

    2. gem

      La dette n’est pas odieuse en soi, ce qui est odieux c’est qu’elle n’a pas servi à construire la maison dont profiteront les enfants, mais littéralement à faire la fête. Le scandale, le pillage des jeunes, a lieu maintenant, pas plus tard quand il faudra rembourser.
      Notez d’ailleurs que si, au lieu de financer la fête par la dette on l’avait financer par l’impôt (donc : pas de déficit) le scandale serait rester le même.

  9. vinzzz

    « …équilibre d’un budget après trois ou quatre décennies de déficits systématiques et croissants… »

    Sur le déficit ‘systématique’, ok, mais n’oublions pas que nous ne payons d’intérêts sur le déficit que depuis 1973 en France (http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_n%C2%B073-7_du_3_janvier_1973_sur_la_Banque_de_France) (et depuis 1913 aux US, lors de la création de la FED)

    Mais il est assez étonnant de voir que si l’on enlève les intérêts, la dette est ‘certes’ constante (et donc remboursée constamment), et que sa ‘croissance’ tient essentiellement aux intérêts.
    http://dettepublique.org/
    Contrôler les finances publiques est nécessaire, mais confier la création monétaire aux banques privées, était-ce vraiment une bonne idée?

    1. Les dettes ne sont pas créées pour rien. Vous regardez ceux qui la créent, mais semblez oublier ceux qui la veulent et la réclament goulûment.

        1. Mais non. Les citoyens : ce sont eux qui veulent plus de social, de machins et de bidules à paillettes. Tout ça, ça finit par coûter cher.

      1. vinzzz

        Non, ça ne coute pas forcément plus cher, c’est surtout d’une complexité sans nom. Et de plus, il est sûr que – les intérêts de la dette bénéficiant aux banques et aux acteurs des marchés financiers (car la dette « crée » de la valeur pour les spéculateurs 🙂 – les élus, sponsorisés par ces acteurs, n’ont pas « intérêt » à équilibrer le budget. (lequel ne l’a pas été une fois depuis 1973, étonnant non?)

        Ce genre d’argumentation – « c’est la faute des citoyens » – ne tient pas 1 seconde quand on fait le bilan des réformes fiscales de Sarkozy, où le clientélisme en jeu ne considérait pas le plus grand nombre des ‘citoyens’.
        Dire : c’est la faute d’une économie ou la création monétaire est dévolue aux banques, à des citoyens qui tous les 5 ans abandonnent leur pouvoir démocratique d’une enveloppe dans l’urne, et la faute d’une culture dominante qui ne remet pas en question le ‘plus’, et croit à des oxymores comme ‘développement durable’, ok.

        De mon point de vue, dire ‘le social, ça coute cher’, ça manque de profondeur, et les contre-exemples sont nombreux.

        1. Gloubiboulga.
          Les citoyens veulent plus de social, obtiennent du socialisme, et en redemandent à grands claquements de mains. Le pays s’enfonce dans la médiocrité. La faute à qui ? Au libéralisme. Rajoutons du social : bing, tournée de socialisme pour tout le monde. Le pays s’enfonce encore un peu plus. Conclusion ? Il y a encore trop de libéralisme. Ajoutons un brin de social ! Paf, nouvelle fournée de socialisme. Le pays périclite ? Bah. C’est la fotobanques, fotospéculateurs, fotozintérêts de la dette, fotolibéralisme. Devinez ce que demandent les citoyens, ensuite ?

        2. vinzzz

          ok, je n’aurai pas le droit à une argumentation :-p
          Et vous, vous demandez quoi?
          (Nietzche n’est pas loin…)

          1. L’inverse. Moins d’état. Beaucoup moins. Moins de socialisme. Plus du tout, si possible. Et plus de liberté, plus de responsabilité. Simple, non ?

    2. gem

      C’est con quand même, on avait la martingale sous le nez et pas un crétin au pouvoir n’a pensé à s’en servir. Y son trop bête, heureusement http://dettepublique.org/ a découvert le mouvement perpétuel appliqué à l’économie…

      YAKA nationaliser la création monétaire, parce que vraiment, y sont trop pourris ces salauds de banquiers, qui fonrienka réserver le crédit aux projets dont la rentabilité excède le taux d’intérêt, au lieu d’ouvrir un crédit illimité et gratuit à tout un chacun selon son besoin… Bouh les affreux, ils sont vraiment trop ignobles. Huons les. Nan, ce qu’il faut faire, c’est simple : l’état emprunte gratuitement du papier imprimé à cet effet par la banque centrale, puis distribue l’argent gratuit aux braves citoyens, et là, hop, l’économie est boostée encore plus qu’avant (et puis on recommence sans s’arrêter, ce serait con de limiter la dose, hein ?). Et le déficit, ben on s’en fout : pour rembourser quand le temps viendra suffira d’emprunter derechef (c’est gratuit !) ; en plus vu comme l’économie va péter le feu plus on empruntera moins on sera endetté (en % du PIB). Plus on s’endette et moins on doit : trop génial… Merci, http://dettepublique.org/

      tss…

      exercice : trouver la foirade dans le raisonnement de http://dettepublique.org/

      1. vinzzz

        quel manque cruel de pédagogie !
        Je ne trouve pas la foirade sur dettepublique.org, merci de m’apporter vos lumières, au lieu de pérorer…

        De plus, vous ne réagissez que sur les données de ce site, et pas sur l’autre lien qui montre que la création monétaire était nationale jusqu’en 1973. Donc ‘privatiser’ la création monétaire a été un mouvement historiquement récent, et il ne me semble pas complètement absurde de se re-poser la question de la pertinence d’un tel changement…

        Dire que les ‘crétins au pouvoir’ avaient des intérêts ‘personnels’ à cette privatisation ne me semble pas non plus ahurissant.

        Sur votre suggestion de distribuer l’argent directement aux citoyens, cette expérience a déjà été suggérée par qq économistes. Dans une économie en manque de liquidité : en gros, on imprime du papier monnaie, on distribue 3000 € à tout citoyen…. 6 mois après, on recommence… S’il y a inflation, on arrête 1 an, 1 an 1/2, sinon on ré-émet de la monnaie. Une expérience de création monétaire très ‘pragmatique’ je trouve, et qui me semblerait plus profitable au plus grand nombre, qu’un dispositif type prêt à taux zéro, qui favorise la rente de ceux qui en ont déjà.

        Je m’attendais à un peu plus de recul critique : le travail ne manque pas, les bras pour le réaliser non plus, la bouffe non plus, le logement…. ah si ! (là y’a effectivement un souci). Il suffit de voir à quelle vitesse des expériences de monnaie locale – qui permettent à des gens de subvenir de nouveau à leur besoins – prennent forme dans des localités en France, pour se rappeler à quel point celui-ci joue le rôle de ‘sang’ de l’économie.

        bref, tsss vous-même :-p

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