Pas de voitures volantes mais des trottinettes électriques : on nous a volé notre futur

Le progrès serait-il en panne ? Si l’on s’en tient à certaines observations, on peut le penser.

Rappelez-vous, il n’y a pas si longtemps, on nous promettait les étoiles, non pas métaphoriquement, mais littéralement : des voitures volantes, des vacances sur la Lune ou presque. Malheureusement, un rapide coup d’œil à la fenêtre suffit à noter que la science-fiction d’hier n’est pas devenue réalité et qu’en lieu et place de voitures volantes, on a hérité d’hommes-soja montés sur des trottinettes électriques.

L’impression est corroborée par l’analyse de la consommation énergétique dans le monde. Si la consommation globale grossit de façon réjouissante comme le montre le graphique ci-dessous, il en va autrement pour le graphique « per capita ».

Ce dernier montre en effet un aplatissement : depuis les années 1980, la courbe s’aplatit. Le rêve d’une croissance solide s’est brisé contre un mur invisible. Aurions-nous atteint un plateau ? Certes, la consommation énergétique n’est qu’un proxy du progrès mais elle montre bien que même avec une forte augmentation de la population, elle s’est tassée. Peut-on tout mettre sur le dos d’une efficacité énergétique redoublée ?

Ce constat d’un progrès en berne ne sort pas complètement de nulle part.

Dans la culture populaire des années 80 ou 90, le futur – les années 2020 par exemple – ne devait pas ressembler à ça. Dans Retour vers le Futur II par exemple, Marty McFly débarque en 2015 dans un monde de voitures volantes, d’énergie de fusion domestique et d’infrastructures révolutionnaires. En 1989, ce film voyait un futur peuplé de skateboards à lévitation, de voitures volantes, des réhydrateurs de pizza et des vestes auto-ajustées. Nous avons… des smartphones, des écrans plats, des réseaux sociaux à moitié toxiques et des algorithmes qui nous vendent des chaussures. Le futur est arrivé, mais il est plat, gris (nos voitures ont perdu leurs couleurs), et se recharge par USB-C.

Comme le soulignent cruellement certains observateurs, nous avons même régressé dans certains domaines. Le retrait du Concorde est à ce titre un symbole dévastateur : c’est l’une des rares fois dans l’histoire humaine où nous avons volontairement renoncé à une capacité technologique (la vitesse supersonique civile) pour revenir à la lenteur.

Peter Thiel, figure emblématique de la Silicon Valley et penseur critique de cette « Grande Stagnation », résume cette désillusion par une phrase devenue célèbre : « Nous voulions des voitures volantes, nous avons eu 140 caractères. » Dans un article incisif, il argumente que l’innovation s’est réfugiée presque exclusivement dans le monde virtuel, le numérique en délaissant le monde réel, celui des « atomes », du transport, de l’énergie ou de la bio-ingénierie lourde.

Oui, l’iPhone est une merveille, mais il ne nous emmène pas sur Mars et ne guérit pas le cancer. L’illusion du progrès numérique masque une stagnation profonde de l’ingénierie physique. La Silicon Valley optimise, monétise, surveille mais ne créerait donc plus de mondes nouveaux.

Quelles pourraient être les raisons de ce plateau ?

Peut-être est-ce une pure impression, peut-être les effets de mode ont-ils poussé l’humanité vers certaines technologies plutôt que d’autres, favorisant un certain laisser-aller ou le choix du confort plutôt que celui du dépassement ?

Une autre hypothèse hardie, quasi taboue, serait celle d’une « féminisation » de la société, non au sens démographique, mais au sens culturel. C’est en tout cas celle avancée dans un récent article de Arctotherium qui suggère que les valeurs traditionnellement associées au féminin – sécurité, consensus, prudence, égalité des résultats – ont lentement remplacé les valeurs masculines de risque, de compétition, de conquête ou de disruption, et ce depuis les années 70 environ.

Le constat d’un basculement culturel voit des institutions scientifiques, autrefois des fraternités d’explorateurs, devenues des bureaucraties sensibles à la moindre micro-agression. Les projets ambitieux – fusion nucléaire, exploration spatiale, génie génétique – sont étouffés sous des montagnes de conformité éthique, de comités de déontologie, de peurs morales. Le progrès est désormais soumis à un veto émotionnel. Il doit être inclusif, durable, non oppressif. Il doit faire plaisir à tout le monde. Et s’il déplaît, il est abandonné.

La civilisation résultante choisit la sécurité à l’aventure, l’harmonie à la rupture, la régulation à l’invention. Compte-tenu du déluge de lois, de régulations et le délire normatif dont tout l’Occident souffre actuellement, peut-on lui donner tort ?

On pourrait même arguer que cette stagnation ne se cantonne pas à la technologie et touche aussi tout le culturel : Sebastian Jensen note ainsi dans un de ses articles que la culture populaire a cessé d’évoluer après les années 2000. Les talents créatifs, surtout les introvertis brillants, migrent vers la tech ou la finance, laissant un vide. Les prix littéraires illustrent d’ailleurs ce biais : on ne trouve ainsi aucun homme blanc de moins de 40 ans sur les listes notables du New York Times depuis 2021. Les franchises dominantes sont des reboots, des prequels, des suites. La musique est rétro, comme la mode ou l’architecture.

L’esthétique elle-même semble figée. Là où chaque décennie du XXe siècle avait une signature visuelle et sonore distincte, les vingt dernières années semblent former un tout homogène, lissé par les algorithmes : Internet, qui devait être un outil de créativité infinie, a paradoxalement créé un conformisme de masse.

Nous vivons dans un éternel 2010, recyclé sans cesse, dans lequel le futur est devenu un style et non une direction. Nous ne concevons plus le monde à venir, nous le consommons avec nostalgie.

Une autre question s’impose alors : et si cette stagnation n’était pas un accident ? Et si elle était le résultat d’un consensus tacite, d’un choix collectif, voire d’un projet politique conscient ?

C’est la question posée par les frères Weinstein (Bret et Eric), figures marginales mais lucides de la dissidence scientifique, qu’on retrouve souvent dans les médias « alternatifs », ceux qui, justement, ne se contentent pas du conformisme algorithmique ou de l’aplatissement sociétal constaté ailleurs.

Bret, de son côté, affirme que la science a été prise en otage par une faction idéologique qui a transformé la recherche en tribunal moral. Eric, lui, va plus loin : il explique que, pour lui, le progrès fondamental en physique théorique a été délibérément et mystérieusement stoppé au début des années 1970, et que nous vivons dans un état de stagnation intellectuelle depuis plus d’un demi-siècle.

Pourquoi ? Probablement parce qu’il est stratégiquement utile pour les États de bloquer un progrès trop important : car le progrès véritable, celui qui résout le cancer, la pauvreté, la mort, la rareté en somme, rend tout gouvernement inutile… En conséquence de quoi, dans un monde où le progrès menace les pouvoirs établis, la stagnation devient une arme : les élites maintiennent l’Humanité dans un état de quasi crise permanente, suffisamment confortable pour éviter la révolte, mais suffisamment précaire pour justifier le contrôle, et il suffit de lui faire croire que l’innovation réside dans une appli acidulée pour livrer des sushis plus vite…

Le progrès est ainsi devenu un luxe contrôlable. On finance la recherche, mais pas la révolution. On célèbre l’innovation, mais pas la rupture. On a remplacé les fusées par des likes, les laboratoires par des incubateurs de startups, et les génies par des influenceurs.

Cependant, ni le plateau énergétique, ni celui du progrès en général ne sont une fatalité.

Le progrès a été enfermé dans des comités, dans des idéologies et dans la peur. Pour le libérer, il faudra renoncer au confort et au consensus et retrouver la volonté d’un futur qui soit autre chose qu’un simple passé amélioré ou marginalement meilleur.

Alors sans doute, la courbe repartira. Per aspera ad astra ?

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Commentaires54

    1. CPB33

      il y a des trésors de minéraux à récolter dans les météorites de la fameuse ceinture; ce serait rentabilisé relativement assez vite (un futur à la Expanse par exemple)

      1. Habeas Corpus

        Bof, on a tout ce qu’il faut sur Terre.
        Ca serait interessant si on trouvait des choses introuvables sur Terre, mais comme l’univers est en perpetuelle extension suite à une explosion originelle, on ne trouve principalement que des fragments de Terre dans l’univers. Tout ça c’est de l’esbrouffe.
        Seul interet : être prêt à partir dans 5 milliards d’année quand le Soleil s’éteindra, mais je serais alors probablement à la retraite donc je m’en fous un peu.

    2. Val

      @Harry bien sûr que nous avons besoin d aller « vers l infini et l au delà » tout comme nous sommes allés par les mers, terres et glaces inconnues, dans les airs, sous la mer, dompter les chevaux et les éléphants, gravir les montagnes.

  1. Aristarkke

    A l’état de prototype, les voitures volantes existent ou peuvent, s’agissant finalement de drones un peu costauds. Admettons. Quid de la circulation aérienne alors et des accidents de voitures retombant sur terre, un peu n’importe où et surtout là où il n’aurait pas fallu ?

    1. Calvin

      Avec un pilotage automatique, des IA capables de détecter l’autonomie, les trajectoires et l’ensemble des facteurs, la circulation aérienne ne saurait être un problème, bien au contraire.
      Mais, en France, on a l’ENA, donc, il faudra d’abord interdire puis réguler avant de taxer (je ne sais plus l’ordre, ça depend de la promotion de l’ENA)…

      1. Aristarkke

        Donc, on créera ou recréera une administration régulatrice comme la Grance (pas seule dans ce domaine) en a le secret avec avalanche de normes, directives, décrets à suivre…

    2. Grosminet

      @ Aristarkke 12 décembre 2025, 9 h 04 min
      Le souci avec les voitures volantes, c’est que ce sont à la fois de mauvaises voitures et de mauvais avions, ce qui est on ne peut plus logique : à part avoir des roues et un moteur, la voiture et l’avion sont le jour et la nuit.

      1. Aristarkke

        Blague à part, il est probable qu’il n’y a pas de marché potentiel sérieux trouvable pour les premiers engins. Idem les voitures ou autres véhicules terrestres à hydrogène…
        Quand on annonce un joujou à 80 ou 100k€ le bout, ça calme beaucoup d’acheteurs dans un pays où gagner 50k€ nets/an implique une marge brute de financement dudit gain fixée à largement plus du double… Même les riches du premier étage à la mode grançaise ont du mal à y aller…

        1. Grosminet

          @ Aristarkke 12 décembre 2025, 9 h 49 min
          « Quand on annonce un joujou à 80 ou 100k€ »
          Pour la voiture volante tu peux tranquillement rajouter un zéro. Pour info, un avion de tourisme 4 places, neuf, c’est un demi miyon mini.

    3. Pythagore

      Plutôt que des voitures qui vollent, j’aurais préféré un système de feux rouges adaptatif à la circulation basé sur l’IA.
      Étonnant que cela n’ait jamais été mis en place, ou alors les politiques se délectent de voir els citoyens dans les bouchons ?

    1. Aristarkke

      Oui mais l’aspect trivial du soutien économique indispensable aux avancées technologiques importantes, n’est pas abordé dans l’article.
      Or, actuellement, tous les états sont englués dans des dettes monstrueuses et bien plus occupés à « faire du social » qu’à financer de la recherche, hormis celle issue de cerveaux de fonc voulant jouer aux entrepreneurs avec l’argent des Autres.
      Donc occupés à pomper fiscalement ou par d’autres voies un pognon qui, n’étant malheureusement pas exploitable en même temps (Tm), ne peut être consacré aux élucubrations scientifiques d’une recherche paraissant toujours trop coûteuse.

        1. Aristarkke

          Tout le monde a pu voir que les Centaures tout beaux tout neufs de la Gendarmerie ont été utilisés pour pacifier le secteur Rosa Parks de Paris et en ôter les dealers pour apporter la mort aux vaches dans l’Ariège avec un paquet d’escadrons ainsi mobilisés. Quelle munificence d’avoir autant de ces coûteux jouets dans un département aussi important que celui là ? Le nombre de ces engins qu’il doit y avoir en IdF en proportion !

        2. Habeas Corpus

          « pognon dépensé aussi à faire des guerres à la con pour contrôler les moutons…. »

          attention , depuis une trentaine de siècles, la Guerre est et a toujours été le moteur principal de l’innovation technologique.

  2. Aristarkke

    « la science-fiction d’hier n’est pas devenue réalité »
    Je disconviens courtoisement. Les drones figuraient déjà dans des albums BD d’il y a trente ans, notamment sous l’aspect d’escadrilles coordonnées, autonomes ou dirigées.
    Ne parlons pas de la robotique qui paraît avoir évolué à pas de géant durant cette décennie.
    Mais il est acquis que la Grance, hors le domaine de la création fiscale y compris par des voies appelées autrement que par les noms habituellement usités, reste toujours sur le podium dans cette seule discipline. Même l’électro-menager où elle comptait encore un peu, calanche…

    1. Higgins

      Brandt vient d’être mis en liquidation judiciaire. L’état-major s’inquiète quant à ses futures sources d’approvisionnement pour construire des missiles.

      1. Higgins

        insolentiae.com/brandt-liquidee-la-desindustrialisation-saccelere-en-france/
        et
        insolentiae.com/la-france-est-dirigee-par-des-gens-qui-nont-jamais-travailles-et-qui-ne-vivent-que-des-impots-selon-pierre-gattaz/

        1. breizh

          pour le deuxième lien, Audiard l’exprime dans Le Président : « nous sommes gouvernés par des lascars qui veulent fixer le prix de la betterave, mais qui ne sauraient faire pousser un radis ».

      2. Aristarkke

        Il doit bien s’y trouver quelques stocks intermédiaires à exploiter pour 2026. Vite, un décret pour empêcher N.z de s’en emparer avant qu’un rachat par les Russes n’apparaisse…

    2. Calvin

      Moi aussi, j’en disconviens, mais surtout parce que la science fiction est plutôt large…
      Les dystopies insidieuses de « 1984 », voire du « Meilleur des mondes », se sont plus ou moins réalisées.
      Celles, à base de peak oil comme Mad Max, ou de limitation des ressources façon Soleil Vert, sont à côté de la plaque.

      1. CPB33

        comme cité plus haut, je recommande « Expanse » (en livres ou série) comme futur possible ou « For all mankind » (uchronie où les Russes sont arrivés en premier sur la Lune !!)

      1. Aristarkke

        Star wars dès le milieu des années 70 est prémonitoire (informatique, robots, etc…) ou même avant dans « La planète interdite »

  3. Theo31

    La MHD de Jean-Pierre Petit illustre a merveille cet article. Des minables en France ont tout fait pour l’empêcher. Petit est parti en Russie qui sort des bijoux de technologie en permanence.

  4. CPB33

    et avec les adorateurs du pédo qui deviennent majoritaires un peu partout, l’humanité ne risque pas de s’élever, dans tous les sens du terme….

    1. Theo31

      L’occident est devenu une société féministe gynocentree.

      Je boycotte dorénavant les femmes médecins. Je n’ai pas besoin d’une casse couilles qui se prend pour ma maman.

      1. Habeas Corpus

        encore faut-il avoir le choix !
        j’ai rien trouvé dans le centre de Paris, par exemple
        la situation est dramatique.
        on va finir chez les rebouteux

  5. Grosminet

    « Pourquoi ? Probablement parce qu’il est stratégiquement utile pour les États de bloquer un progrès trop important : car le progrès véritable, celui qui résout le cancer, la pauvreté, la mort, la rareté en somme, rend tout gouvernement inutile… »
    C’est moi ou on dirait du complotisme ?

  6. Val

    Oui c est très clair, nous sommes en panne de vitalité créatrice. Je pense que cette panne est plutôt liée au vieillissement. Nos nations sont vieilles tout simplement. La majorité est peuplée de « pourvu que ça dure » plutôt que de « vivement que ça change » . La pesanteur l emporte sur la vitalité. Les agiles empêchés se réfugient dans la fuite : en allant ailleurs dans d autres pays , sur internet, dans le sport … faute de mieux.

  7. Val

    Du coup je disconviens respectueusement avec cette tentative de corrélation avec la « féminisation » . Le seul point que j y verrais serait l impact sur la natalité et donc la vitalité de la nation. Si je regarde le monde des courses équestres, toujours en pointe, cela fait plus de 20 ans que les championnes ne portent ni n élèvent leurs rejetons, maman n a pas le temps .Nous irons peut-être vers cela . Est ce que je le souhaite ? Pas franchement. Mais c est une piste (avec toutes les réserves éthiques et pas que car l epigenetique est loin d être maîtrisée)

  8. Pythagore

    Je me pose la question de svaoir si le progrès éternel est possible, il est un moment où on arrivera bien aux limites de la physique.
    Par contre il me semble que l’artisanat ou tous les métiers manuels qui peuvent être très créatifs sont de plus en plus délaissés. Revenir au progrès, ce pourrait aussi être revenir à la création artisanale.

  9. La Roussettte

    Il y a un petit gars comme Elon Musk qui met un peu d’avancée technologique en ce bas monde…
    Des fusées qui atterrissent toute seule,
    Regarder le tournoi des 6 nations en plein Atlantique.

  10. NicolasPimprenelle

    Excellent billet, à la pertinence remarquable, avec une prise de vue stratosphérique !
    Je partage votre argumentaire, en le lisant j’ai eu la sensation de voir se concrétiser des mots sur ce que j’avais vaguement deviné inconsciemment.
    Un seul mot : Merci !

  11. Habeas Corpus

    HS : l’AFP invente un nouveau concept en parlant du chili

    « Crédité d’une large avance par les sondages, l’ex-député affrontera dimanche Jeannette Jara, une communiste modérée  »

    nan rien, on arrête pas le progrès

  12. hub

    Jules Verne disait de la science qu’elle est formidable. Aujourd’hui, une sorte de consensus affirme qu’elle est LE danger. Chez Jules Verne, le volcan explose, les continents s’engloutissent : la nature est dangereuse. Aujourd’hui, on nous dit : il faut sauver la nature.

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