Vraiment, Internet est une plaie. Non content de permettre à des humains d’être improductifs en regardant des vidéos de chatons crétins (ou en lisant des blogs subversifs), Internet provoque aussi des douzaines d’opportunités commerciales qui entraînent travail, richesse et effets de bords divers que les habituels pleurnicheurs français ne pourront s’empêcher de dénoncer.
Et il n’y a guère besoin de fouiller pour trouver quelques exemples navrants : ainsi, grâce à des sites comme TripAdvisor, Booking ou Expedia, le consommateur peut de façon relativement aisée connaître l’avis d’autres congénères sur, par exemple, les prestations offertes par tout hôtel de leur choix. En quelques clics, le client potentiel peut trouver une réponse simple à la question simple qu’il se pose : « l’hôtel que j’ai choisi est-il de bonne tenue, en ai-je pour mon argent, le mini-bar offre-t-il des bières bien fraîches » et toutes ces questions indispensable au globe-trotteur, à l’homme d’affaire ou au touriste des temps modernes qui abhorre les bières tièdes.
Bien évidemment, à cette réponse pratique et indépendante de l’État correspond un nouvel espace de liberté qui n’entre pas dans les critères d’un de ces pervers polymorphes compulsifs du contrôle d’autrui qui peuplent le gouvernement et l’administration française. Forcément, cela les titille. Beaucoup. Au point qu’en juillet dernier, nous avions pu voir se pointer un bout de législation intempestive : comme le marché très particulier de l’avis de consommateur n’avait pas encore reçu l’onction (généralement extrême) de l’État, il était plus que temps d’intervenir, pardi.
Partant du constat que, parfois, de méchants individus postaient des commentaires destructifs sur un concurrent, la légendaire Administration de la République Française s’est empressée de proposer une nouvelle norme, poétiquement appelée « AFNOR NF Z74-501 », afin de bien baliser tout ça. Le fait que ce soit une « première mondiale » n’est évidemment pas fortuit : seule la France pouvait s’empresser de claquer les thunes du contribuable pour résoudre un problème qui trouve normalement sa solution, gratuitement, dans le marché même qui l’a vu naître. Car, comprenez bien, tête de mule libérale, que, comme le dit le site de l’AFNOR à ce sujet,
Près de 9 français sur 10 consultent les avis de consommateurs sur Internet et 89% d’entre eux les jugent « utiles » ou « très utiles ». Pourtant, un défaut de confiance est manifeste : 3/4 des français pensent que parmi les avis de consommateurs, certains sont faux.
Zutalors de sabre de bois d’un petit bonhomme de nom d’une pipe en carton ! Dans les avis de consommateurs, certains sont faux ? Mais, vains dieux, où va le monde mes amis où va le monde ?! C’est incroyable ! Laisser perdurer, sur internet, de tels écarts au bon goût est insupportable ! Ce serait comme laisser tranquille le vieux grincheux du coin persifler sur le restau de son quartier parce qu’une fois, le café fut servi froid ! Ce serait comme laisser parler les gens entre eux et émettre des avis faussement positifs (parce qu’ils sont de la famille) ou abusivement négatifs (car ils sont concurrent) de telle entreprise de maçonnerie, de charcuterie ou de réparation auto ! On commence comme ça, et les gens finissent par avoir autonomie et pensée personnelle ! Vous n’y pensez pas ! Grand fou, va.
Certes, la norme est pour le moment volontaire. Le restera-t-elle ? On peut cependant se douter qu’il y aura un travail de fond pour qu’enfin, elle soit rendue obligatoire histoire de faire rentrer dans le rang ces sites webs manifestement dirigés par le capitalisme apatride, la finance mondiale, la mondialisation galopante et le turbo-libéralisme sans frein ni lois.
J’exagère ? Allons. D’une part, ce n’est pas le genre de la maison, et d’autre part, des éléments concrets laissent déjà présager de cette issue évidente… à commencer par le travail indispensable de génie civil médiatique, de terrassement de la pensée et des ponts & chaussées de la propagande par le corps journalistique de la Socialie française en pleine action. Pour cela, il faudra préparer les âmes et les opinions à l’arrivée de cette législation en insistant bien sur l’horreur de la situation présente. Après tout, on aurait du mal à justifier une intervention de la puissance publique sans en passer par le constat, évident, que des gens souffrent, des commerçants sont lésés et des chatons couinent.
C’est ainsi qu’on tombe sur ce genre d’articles, produits par la fine fleur du journalisme de propagande français. Tout commence avant même la première bordée de mots, puisque le titre est déjà lourd de signification :
« Sites de réservations en ligne : ‘On se sent écrasé’ raconte une hôtelière »
On s’attend donc, naturellement, à un article qui nous explique dans le détail pourquoi ces sites de réservation en ligne constituent le nouveau patronat qui écrase la classe laborieuse, ou, alternativement, la nouvelle machine à broyer des honnêtes gens. Et dès le premier paragraphe, on comprend l’enjeu : un député, Razzy Hammadi, qui a flairé la bonne affaire politique, est déjà sur les rangs pour déposer un amendement (à l’une des cataractes de lois en cours de vote). Mieux, une fois l’accroche passée, on sait qu’il n’y aura pas débat : « Faut-il encadrer la pratique des sites de réservations en ligne ?» Hein, c’est vrai, ça, faut-il ? La réponse tombe, immédiate : « Oui ».
Au moins, jusque là, c’est clair. Et puis Arlette Thébault, l’hôtelière interrogée à l’occasion, admet que malgré les nombreux avantages d’Internet, elle se sent parfois « écrasée ».
Cependant, cela se corse un peu après : « S’inscrire sur booking.com m’a apporté beaucoup de clientèle » … Ah, zut ! Arlette, malheureuse, vous trottinez sur une pente glissante, là ! Mais la diablesse, ne se rendant pas compte de l’erreur de trajectoire, récidive : « Je n’arrivais plus à louer mes chambres toute seule. Pour moi c’est une façon de faire du remplissage ».
Mais enfin Arlette, ce n’est pas du tout ce qu’on avait répété avant l’émission ! L’idée, c’est « les sites internet sont gros, puissants et sans scrupules. Ils vous écrasent. » Franchement, Arlette, vous nous décevez. Surtout lorsqu’on apprend ensuite que depuis cette inscription, l’hôtel n’a plus de problème pour attirer les touristes, qui sont maintenant plus jeunes et moins français (avantage : cette dernière catégorie est parfois pingre voire casse-bonbon). On comprend qu’à long terme, l’opération fut plutôt bénéficiaire pour Arlette.
Bref : on s’attendait à du Zola, on flirte plutôt avec Alphonse Allais. Heureusement, le journaliste ne se démonte pas et trouve enfin la raison intrinsèque de l’écrasement de la commerçante par le vilain gros site dérégulé de la mondialisation galopante, apatride et tout le tralala : lorsqu’on tape le nom de l’hôtel dans un moteur de recherches, on tombe directement sur booking.com. Le site de l’hôtel apparaît bien après. Zut et crotte : « on se sent écrasé »
Sans rentrer dans l’analyse SEO de Booking.com comparée à celle du site de l’hôtelière, peut-être est-ce justement LA raison pour laquelle notre commerçante arrive maintenant à remplir ses chambres. Et peut-être est-ce précisément pour cela que Booking, ça marche, que le client (l’hôtelière) de Booking est content, et que le client de l’hôtelière l’est aussi ?
Où donc est le problème, alors ? L’écrasement (qui, après analyse, s’avère être une simple question de position dans une page de recherche, et finalement au profit de l’hôtelière) étant maintenant écarté, il faut en débusquer un autre : et nous retombons sur le proverbial « avis des consommateurs » dont on sait tous qu’il contient une part non négligeable de fourbes et de petits malins. À commencer par un hypothétique chantage (un petit déjeuner gratuit contre un bon commentaire) … même si, (patatras) Arlette admet que ça ne lui est jamais arrivé.
C’est pénible : Arlette n’y met guère du sien. Rumeur de chantage (invérifiée, invérifiable), écrasement seulement dans le rang de recherche et à son profit, opération commercialement rentable, clients satisfaits … Méchant, méchant internet, il va bien falloir te réguler !
Vite, faisons intervenir le député qui aura certainement un angle intéressant de législation à proposer ! Et ça ne loupe pas : tout à trac, il nous explique que hotels.com et booking.com auraient des positions dominantes, ce qui est très vilain, que les avis qu’ils proposent influeraient sur les tarifs pratiqués par les hôtels, ce qui est übermoche, et surtout que ces sites sont basés off-shore et ne payent pas de taxes en France. Ce qui signe, ici, la véritable raison de l’engouement législatif.
Non, vraiment, y’a pas à tortiller : Internet est une plaie. Il permet à des clients de faire jouer la concurrence et, incidemment, de baisser les prix des hôtels en forçant une amélioration de leurs prestations, ce qui est, on peut le dire, intolérable. Mais avant tout, Internet autorise des gens à s’enrichir, sans cracher au bassinet de l’État.
Et ça, en Socialie Française, c’est parfaitement interdit.
et pendant ce temps, Easyjet empêche de confirmer son vol tant que l’on n’a pas rempli le motif de notre voyage, obligatoirement sélectionné dans leurs critères : affaires, loisirs, visite chez des amis. Mais le fait qu’Easyjet demande de telles infos n’est pas une atteinte à la liberté, donc on laisse faire.
Essayez de dire à un contrôle douanier vous demandant la raison de votre venue que sa question est une atteinte à votre liberté.
Si vous trouvez que c’est une atteinte à la liberté, EasyJet ne vous interdit pas d’aller chez un concurrent qui lui ne vous demandera pas le motif de votre voyage.
Pour ma part, je n’ai jamais entendu, ni lu, qu’un client avait brûlé juste avant de prendre l’avion easyjet parce qu’il avait mis boulot alors que c’était loisirs…
C’est juste statistiques, ça produit des tendances, et potentiellement, ça peut amener à modifier l’offre de services pour certains vols, qui vont être, par exemple, plus utilisé par des vacanciers ou des trajets professionnels.
certes, l’évitement est la facilité. Mais si demain, toutes les compagnies font de même, nous n’aurons plus trop le choix de l’éviter… voilà mon propos.
Ce qui m’ennuie accessoirement, c’est également que mon nom sera associé à une pratique (soit loisirs, soit business, etc) et ce sont des infos qui ne regardent pas la compagnie. Vous n’êtes pas sans savoir les soucis qui se profilent avec les big data, si vous n’y voyez aucun inconvénient et que comme beaucoup d’idiots, vous « n’avez rien à cacher », vous méritez le monde à la 1984, mais pardonnez-moi de ne pas y souscrire.
Que voilà une remarque pertinente à laquelle je souscris volontiers. Je suis heureux de savoir que je ne suis pas seul dans ce combat contre la Bête. Pour ma part, il y a bien longtemps que je mens systématiquement à toutes les injonctions qui me viennent de l’Etat comme mon nom, prénom, ma profession, ma nationalité, mon n° de sécu, mon attestation de sécu, mon affiliation éventuelle à une mutuelle, si j’ai fait mon service militaire, si j’ai bien un permis de conduire valable pour le véhicule que je conduits, ma note au bac en philo (13/20 pour info), ma situation matrimoniale, si j’ai divorcé et si oui, avec ou sans bénéfice de l’AJ, si non, pourquoi je ne l’ai pas encore fait, si j’ai été condamné ou en passe de l’être, combien je gagne, de qui je le tiens, qu’est-ce que je faisais dans la nuit du 31 juin au 1er juillet 1954, pourquoi je souris quand on parle de Mimolette, si les travaux que j’ai fait faire dans ma maison (d’ailleurs, comment avez-vous financé cet achat?) étaient passibles d’une TVA à 5%, si je suis bien inscrit sur les listes électorales, si mes ascendants ont été vichystes ou gaullistes, si je fréquente les blogs nauséabonds sur la toile (réponse entre nous, oui et j’aime ça pour mieux connaître ceux qui nuisent au monde de bonheur que nous défendons, vous et moi, etc… Bon, je n’ai pas encore osé franchir le pas pour les compagnies aériennes. Entre nous, Easyjet me fait peur. Une entreprise privée d’obédience libérale, vous avez du cran.
A bientôt.
1984, c’est un état tout puissant qui annihile toute liberté.
Même si toutes les sociétés aériennes se mettaient à faire cela, quel contrôle auraient-elle ?
Si mentir à la réponse vous empêchait de rentrer je pourrais comprendre…
Maintenant vous avez quelque peu éludé le coup du policier aux frontières qui lui a un vrai pouvoir de coercition.
Mais si cela ne vous dérange pas qu’un État sache pourquoi vous êtes venu… permettez que je me gausse.
ouf ! J’ai cru que, lancé comme vous l’étiez, avec tout le sarcasme dont vous êtes capable, vous alliez me conseiller in fine de m’abstenir de prendre l’avion pour éviter le problème. J’ai eu chaud.
Non, nous sommes unis dans le même combat!!!
Bien sur que le douanier me dérange tout autant… Je trouve en fait que le principe est le même, bien qu’easjet en soit à ses balbutiements. Qui sait ce qu’il demanderont demain pour pouvoir voyager… Ce qui me chagrine, c’est que personne ne râle, personne ne dit rien face à cela, donc la prochaine étape arrivera plus vite et plus fort, un peu comme Facebook qui petit à petit récupère vos infos, même si vous êtes vigilant et donnez le minimum (le comparatif est léger, je vous l’accorde, puisqu’on peut se passer de Facebook, mais le processus et le même). Le souci ici, c’est bien les big data que je vise, avec tout ce qui suit avec : Google glasses, les pubs ciblées, … lire ici un très bon article : http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/decryptage/20130708.OBS8487/les-big-data-vont-revolutionner-nos-vies-notre-travail-et-notre-pensee.html