Toujours contre

« Ce n’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut se taire » : tel semblerait être le slogan caché des mouvements qu’on observe actuellement en France. Alors que, rappelons-le, le canard masqué rôde toujours, dans une totale indifférence médiatique, prêt à croquer à pleines dents nos filles et nos compagnes, les manifestations se suivent et se ressemblent dans un pays en proie aux soubresauts prémonitoires d’une agonie certaine. Cela donne l’occasion d’étudier un peu le fond des discours ambiants, et mesurer ainsi, analyse faite, la motivation et la profondeur de ceux qui prennent la parole.

Je passerai rapidement sur nos z-élites gouvernementales dont le discours, non content de n’être pas très ambiant (ni ambiance, ambiance), est particulièrement fouilli : on fait voter une loi, qu’on ne s’empresse de promulguer qu’assortie de la certitude qu’elle ne devra pas être appliquée dans les faits, en laissant ouverte la possibilité qu’une nouvelle loi qui l’annule soit votée à son tour. Magnifique exercice pyro-législatif qui risque cependant de conduire en tôle une partie des clowns qui nous gouvernent , ce qui serait amusant si cela n’était pas plus encore pathétique.

Encore une fois et dans la plus parfaite tradition matignonesque, nos joyeux présidents et présidentiables ont patouillé en confondant profond et obscur : à défaut d’une pensée profonde, ils nous servent un discours obscur en espérant masquer l’indigence de leurs analyses économiques. Mais quelque part, nous sommes habitués à ce genre de cascade politicienne où l’homme qui tombe à pic se plante.

L’autre discours, c’est celui des manifestants. Ne pouvant pas reprendre les arguments de chacun d’eux, je me contenterai d’un rapide survol des entités qui chapeautent la contestation. Dans les discours de la FIDL et de l’UNEF, on trouve d’étranges similitudes avec les autres organisations mafieuses syndicales et l’emploi de mots tiré d’un vocabulaire aussi étendu :
– lutte (éventuellement lut’déclasses) et aucunégotiation
– mobilisation, manifestation, contestation, arrêt de travail, grêve, blocage
– détermination, revendication
– précarité, chômage
– non, non et non.

D’une façon plus marquée encore, on retrouve ces mêmes thèmes sur les sites du PCF ou, par exemple, de la LCR (un lien pour rire : http://www.lcr-rouge.org/questce.html[1]). Dans le premier paragraphe de présentation du groupuscule extrémiste, on trouve ainsi :

… les résistances à l’offensive libérale se multiplient … le mouvement de mai-juin 2003 contre la casse du régime de retraite, la lutte prolongée des intermittents …, les grèves et occupations d’usines pour protester contre les plans de licenciements, …

A ce point, il semble qu’une tendance assez forte fait jour : celle, dans ce mârveilleux pays, pour une partie de la population de toujours passer par la confrontation pour faire aboutir ses idées. Le débat, démocratique ou non, n’existe que s’il est plongé dans l’antagonisme, la testostérone et le foutage sur la gueule en bonne et due forme. Une caractéristique, d’ailleurs, du discours collectiviste quand il se situe dans l’action, c’est de se positionner sur le mode antagoniste, pour rien, contre tout, et de façon guerrière.

A contrario, un petit coup d’oeil sur le site d’Alternative Libérale[2] offre un discours rafraîchissant de différence :

Nous voulons une société de libertés, une démocratie véritable, une justice au service des citoyens, une prospérité partagée.
Nous croyons que la liberté des individus ne s’oppose pas à la justice sociale, mais qu’au contraire elle en est le socle.

Le contraste est saisissant, n’est-il pas ?

Ce qui ressort, en définitive, des discours très présents dans l’actualité, c’est le besoin de s’affirmer non plus pour des idées claires, simples, porteuses d’une certaine vision d’avenir, mais bien contre des idées (parfois confuses), d’opposition et en lutte contre le reste du monde. A la façon d’un Don Quichotte à moitié fou bataillant contre des moulins, des lycéens et des étudiants manipulés affirment leur existence en protestant, en ronchonnant, en tempêtant. Pire, à ne plus pouvoir batailler contre des idées, ils en viennent à lutter contre des concepts : « A bas la précarité ! » réclament-ils à corps et à cris. Pourquoi pas « A bas la Mort, le Cancer et les Nouilles Trop Cuites » qui sont aussi des fléaux, après tout ?

Cette culture presque atavique, en tout cas fortement historique, de la lutte, de l’attaque, se comprend à mon avis assez bien quand on constate l’omniprésence toujours plus forte du Léviathan, l’engluement pénible des masses dans le système collectiviste : l’étatisation de la redistribution enlève à chacun toute satisfaction dans le travail, dans la réalisation, dans l’échange.

Ainsi, tous, nous nous épuisons pour nourrir un système dantesque que nous ne comprenons plus, endetté jusqu’à l’os, inefficace, administratif, paperassier, statique et attardé, coercitif dans toutes ses entreprises. Parlez autour de vous ; une constatation ressort quelque soit l’orientation politique du moment : plus personne ne comprend la logique du bidule que nous avons érigé, et chacun s’épuise à en comprendre une faible partie pour tenter d’en bénéficier …

Alors, comme les rats de Laborit dans des cages trop étroites, on déprime ou on attaque. Et, par déresponsabilisation progressive, on attaque l’autre, pour se déculpabiliser, pour se rassurer de ce que l’on est. Aujourd’hui, on attaque le CPE, la précarité, un concept ou un autre… Hier et encore maintenant, certains attaquent les étrangers, les patrons, les politiques, les nantis … ou les libéraux.

Mais nous attaquons tous l’autre, car nous ne nous comprenons plus nous même.

Ce que ces jeunes montrent, au delà d’une méconnaissance crasse de l’économie, c’est avant tout le désir d’un positionnement rebelle – pardon, rebelz -, quitte, par ce positionnement, à justifier l’encroûtement conservateur de la population, pas du tout rebelz, lui.

Notes

[1] pas de lien direct, pas de pollution

[2] et j’en profite pour faire un lien, ce qui me permet de répondre à une demande polie de leur part.

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Commentaires8

  1. LePetitPingouin

    mmmm je suis d’accord, mais pas avec tout –
    brievement:

    -le discours des ‘djeunz’ que l’on connait est celui qui passe dans les medias, non?
    -c’est aussi celui des assoces etudiantes et syndicats de tous poils, non? on y retrouve une petite saveur que je n;’arrive pas a definir, comme une sorte de discours de vieux qui fait bizarre dans la bouche d’un jeune, meme moyennement idiot.
    -des millions de djeunz dans la rue, c’est la plus grande partie de djeunz les plus ‘cool’ des bahuts les plus ‘rebelz’, donc par la force des choses ca doit etre aussi la clientele de Loanna et autres Lagaf (je sais je retarde mais j’ai perdu le fil, y en a eu trop et je suis plus en France ), non?
    comme une sorte de troupeau de bovins quoi, non?

    ( en fait les seuls qui manifestent un veritable dynamisme adaptatif en l’occurence (les manifs anti kazou pardon anti cpe ) ce sont les cailleras qui profitent du vide juridique pour detrousser impunement. c’est mechant mais c’est brillant ! ahahaha! )

    ma question est donc:
    qui parle dans la tele? qu’est-ce qui se passe, en realite?
    je veux dire, la dynamique, la vraie, c’est quoi ?

    bisous a tous

    Ping

  2. SIlent Bob

    bin OUI (il est rare ce mot en ce moment) les jeunz (comme moi) veulent absoluement, la voiture, le plasma, le bel apart, un salaire qui leur permette aussi de partir en vacances et si possible pas à Meulun!
    Or c’est pas comme ça que ça marche amis jeunz, même avec un super diplôme, il faut bosser dur pour gravir des échelons qui nous permettront de gagner de la fraiche et enfin d’avoir au fur et à mesure toutes les choses qu’on voulait au depart.
    Je donnerai mon exemple perso, j’ai décidé de quitter le pays pour réaliser mon rêve et de sortir de toute contrainte administrative, avec création d’une société offshore et payant moi-même mon assurance maladie, ma mutuelle, et tout ce que bon me semblera (la retraite, je me la fais perso de toute façon aujourd’hui les jeunz cotisent pour rien)
    bref, c’est pas en france qu’il faut commencer une carrière mais dans un pays qui paye les heures sup rubis sur l’ongle et donc permet de bosser plus => gagner plus et donc vivre mieux.
    On a rien sans rien! On veut de l’argent, il y a deux moyens:
    1/ bosser dur dans une entreprise et gravir les echelons
    2/ Prendre des risques dans sa vie en créant son propre business ou saisissant des oportunités

    pour moi on a rien sans rien, là est le prix à payer quand on veur parvenir à gagner bien sa vie.
    Et vous verrez également que ceux qui revendiquent sont tous des facs style lettres, histoire, arts, etc… Ceux de droit (à part l’autre con) on ne les entend pas beaucoup, ceux des facs d’economie pas le moins du monde, et ceux des écoles de commerce et d’ingénieurs ils ne sont pas du genre à soutenir les rouges!
    Alors non! (tiens je l’ai dit) ces jeunes ne sont pas représentatifs, non les fonctionnaires ne sont représentatifs, non la population n’est pas entièrement syndiquée.

    La France est un si beau pays, mais sa population et particulièrement ses dirigeants me donnent de l’urticaire!

  3. arnaud

    Je suis un rebelz, je porte une veste en tweed avec des patchs en cuir aux coudes et j’ai un piercing à l’oreille… Dois-je m’inquiéter?
    Excellent article au passage. Je n’aurait pas mieux fait moi-même. J’ai une question cepedant, ou trouves-tu cette inspiration pour tirer toute la substance comique de ces actualités qui ne sont même plus marrante tellement ce qui se passe en France est tragique?

  4. pod

    Cher h16, merci pour ce billet. Je vous trouvai peu prolixe quant au climat Demaerd® ambiant. Voilà qui est fait. Si j’avais un peu plus de temps, je me fendrai avec délectation d’un billet afin d’exorciser quelques pensées oppressantes. A voir sa jeunesse, ce pays est vraiment MORT. L’illustration gavrocharde est particulièrement ad hoc; si la Kommune est bien loin, ceux de la rue semble toujours s’y accrocher.

    Quand on parle des Djeunz, je parlerai plutôt des vieuz déjà pétris de la litanie du planquage des 30 glorieuses, de l’incapacité des 3 générations précédentes à avoir anticipé la moindre réforme (après nous le déluge).

    Merci également de souligner l’inculture économique des acteurs de cette "crise" : lisent-ils ? Ecoutent-ils ? Que regardent-ils ? Que branlent-ils ?

    Idem pour le Don Quixotisme des ténors du moment qui arrive à se battre contre un concept : on a vraiment perdu les pédales.

    Enfin, et pour rigoler 30" avec nos amis les Bêêtes, à propos du lien lcr-rouge (dont j’ai besogneusement retapé l’URL), on constatera qu’en bas de page, le "disclaimer" habituel (intitulé "Vie privée/informations") est mystérieusement… inactif . Point de hasard, et rien de plus logique : chez les Kamarades, la vie privée est comme on le sait totalement contre-révolutionnaire et prohibée : tout est au parti, autrement dit à celui qui le tient.

    Amis du soir…

  5. chris

    N’oublions pas un fait : il y a 20 ans, nous avions exactement le même cocktail d’idioties et de médiocrité.

    Devaquet, vous vous souvenez ?

    Moi très bien, je tapissais les murs d’un grand lycéen parisien d’auto-collants de l’UNI, avec gourmandise, et avec l’unique objectif d’emmerder les petits cocos qui déjà se prenaient pour des révolutionnaires. Cet acte militant avait le don de les rendre tout rouges (normal) de colère.

    Enfin, bon, je ne vais pas vous jouer la rengaine du vieux combattant. Je souhaite simplement dire que rien n’a changé.

    Les djeuns d’aujourd’hui sont l’exacte réplique de ceux qui manifestaient en 1986 contre la "sélection par l’argent".

    A l’époque, il convenait d’assurer son "droit" à rentrer dans une fac. Aujourd’hui, ils revendiquent le "droit" à avoir un boulot (de fonctionnaire si possible) à la sortie de la-dite fac.

    Il y a donc une parfaite filiation si j’ose dire, une cohérence.

    Les gens ne sont pas ignorants par choix ou par mauvaise volonté.
    Nous parlons ici de nature.

    Aussi, cela devrait désespérer encore un peu plus celles et ceux qui croient en une "réforme" possible.

  6. PiRm

    N’accableez pas trop les jeunes. Ne sont-ils pas eux-même les victimes des erreurs du passé ?
    On leur demande de faire des compromis mais ils ont l’impression d’être les seuls à devoir en faire car leur parents ont fait leur trou dans le fromage et sont assis bien au chaud. Comment esperer qu’ils ecoute les leçons de ces enarque qui ont fait leur réussite à partir de ce même système qu’ils critiquent et réforment ?
    Comment esperer un soutien de la classe moyenne (ces etudiants sont issu en large majorité de la classe moyenne contrairement aux émeute de novembre) alors que la classe moyenne régresse socialement à cause de l’héritage socialiste ?

    Il faut prendre les jeunes en tant que victime du système non en profiteurs. De toute façon s’il faut réformer (et il le faut) il faudra le faire avec eux et non contre. C’est un fait démographque. Et c’est possible en informant, en expliquant mais il ne faut pas se braquer omme cela contre eux.

  7. « Il faut prendre les jeunes en tant que victime du système non en profiteurs. De toute façon s’il faut réformer (et il le faut) il faudra le faire avec eux et non contre. C’est un fait démographque. Et c’est possible en informant, en expliquant mais il ne faut pas se braquer omme cela contre eux. »

    Une partie (celle qui braille) se pose effectivement systématiquement en victime. La victimisation est d’ailleurs devenue un sport national. Désolé, je ne peux y souscrire. On choisit ses études, ses opinions politiques, ses démarches intellectuelles. Ce ne sont pas des victimes. Ou alors, elles sont consentantes.

    Quant à réformer, ce sera malheureusement, au vu des événements actuels, plutôt en dépit d’eux…

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