Le principe de réalité met souvent en confrontation deux types de personnes : d’une côté, il y a celles qui, ayant rapidement compris, à l’aune d’une ou plusieurs expériences douloureuses, que la vie est faite de combats, de ruse, et d’une bonne dose de débrouillardise, ce Sortagedédoiduc qui permet de compter d’abord sur soi avant de compter sur les autres. Et de l’autre, on retrouve toute la faune bigarrée des bienpensants un peu mous, baignés d’illusions sur la capacité de l’état à s’occuper d’eux, et pétris de l’idée qu’en respectant les règles idiotes, chronophages et libertivores que l’état impose, tout ira bien dans le meilleur des mondes. Pour illustrer mon propos, un petit exemple vécu…
Un ami à moi cherche à s’établir au Canada ; appelons le Bob. Bob est diablement intéressant car, au lieu de suivre la voie du « Attila Conqueror », qui compte sur son expérience pour trouver un contact personnel, puis une offre, puis (peut-être) en obtenir un travail, et ensuite faire les démarches pour émigrer (ce qui paraît logique), Bob, donc, utilise l’alternative « La Vie Aux Guichets ».
Selon ce qu’on peut lire dans la presse boboïsante francaise, le libéralisme de la mondialisation pestiférante serait quelque chose qui pousserait les gens à travailler d’arrache-pied, les maintiendrait dans la pauvreté, en les abrutissant de contraintes anti-sociales pro-marché, tout en favorisant des patrons mangeurs d’enfants et des golden-boys aux dents affûtées comme des rasoirs.
Par exemple, je connais quelqu’un – disons Jim – qui, pour quitter son beau pays socialiste où l’industrie high-tech mondialement florissante du jeux vidéo ne marche pas (bizarrement), et trouver un emploi moins bien payé (mondialisation oblige), mais disponible et surtout moins taxé (ah zut, ce serait un bon côté de la mondialisation, ça, alors ?), dans un autre pays, a utilisé le minimum d’énergie : envoi d’un mail et attente que tout se fasse. L’essentiel de son activite physique a consisté à remplir des questionnaires roses et pousser des portes d’administrations. Pas beaucoup, et pas longtemps, quand on a déjà un job et une lettre de recommandations, toutes les portes s’ouvrent.
C’est facile et flemmard, j’en conviens… Mais quelque part, la méthode de Jim, c’est la méthode libérale: on fait jouer la concurrence, on bouge uniquement quand le deal est sûr ; la disponibilité permet d’avoir le job, le job assure d’avoir l’administration « dans la poche ». Le système est comme ça. Mal boutiqué, mais une fois compris et assumé, on peut en venir à bout, à condition de prendre sa part de responsabilité, de faire les bons efforts, au bon moment.
Dans le cas qui nous occupe, le job de Jim, salaud de libéral, lui permet de ne travailler que 8-9 heures par jour et d’en vivre ; la concurrence a fait que la compagnie qui l’a embauché a payé des extras pour l’avoir (déménagement, hébergement temporaire), et la pression engendrée lui a permis (en tant qu’employé utile – mais faut pas pousser -) de négocier une petite augmentation (pas la folie, certes, mais au moins il l’a eue sans pleurer et sans faire la grève : c’est un employe qui mérite un petit peu plus, c’est « ok, no big deal »). Quand Jim changera de compagnie (ben oui, on ne va pas y rester 20 ans : pas fou, pas mou), il fera à nouveau jouer son expérience, éventuellement la concurrence si possible, et le salaire et le poste changeront.
L’autre méthode, celle de Bob, « La Vie Aux Guichets », est plus socialement et politiquement correcte. Cette méthode exploite évidemment la structure de l’état et de ses modules et para-associations pour assurer qu’on trouvera une petite place pour le citoyen festif dont le Droit stipule qu’il peut (i.e. qu’il a le droit d’) aller voir ailleurs s’il veut et s’il remplit le questionnaire rose.
Bob n’a donc fait jouer aucun contact professionnel. Il s’est arrangé un séjour de 1 mois à Montréal, s’est galéré pour trouver un logement libre (ce qui, pourtant, n’est pas si galère que ça là bas) et compte employer son temps pour trouver quelque chose.
Ca paraît logique aussi ; après tout, pourquoi pas… A une petite nuance près.
Bien sûr, les antennes gouvernementales ne sont pas toute réunies au même endroit. Il faudra donc marcher, prendre le bus, le métro, partir, revenir, se faire transférer à l’antenne annexe et autres, à l’avenant.
Bien sûr, les services d’immigration pour les gens qui n’ont rien prévu -et s’en remettent à l’état pour ça – sont débordés de demandes et de files d’attente.
Bien sûr, quand on n’a aucun plan et qu’on veut émigrer, on se retrouve dans le même bateau que les réfugiés politiques, exilés, clandestins et tous ceux qui ont un problème avec le gouvernement canadien et vont donc passer une bonne partie de la semaine à faire la queue dans la file ‘questionnaire rose’, à environ cinquante centimètres du guichet ‘Déjà Approuvés’, où il n’y a pas de file, pas d’attente, et où le fonctionnaire t’appelle par ton nom quand il te voit arriver, car il a déjà sur son bureau tous les documents qui te concernent.
Bien sûr, refoulé par tous les services (hum) sociaux de la ville, Bob commence à s’énerver de voir qu’on accepte avec toute leur famille des Sikhs qui ne parlent pas français (mais parlent parfaitement anglais, et qui ont certainement des diplomes de ouf). Au passage, il est intéressant de voir que certains français, même prétendûment de gauche, ne comprennent toujours pas qu’un « bronzé » avec des vêtements bariolés et un burnou sur la tête puisse avoir plus de valeur à l’immigration qu’un bon petit blanc bien propre qui débarque à l’improviste : ça explique bien des choses.
Non seulement Bob vient grossir les files d’attentes de gens qui ont VRAIMENT besoin d’émigrer et qui n’ont VRAIMENT aucun plan, et ont de plus un sérieux probleme de non-blancheur de peau, mais une fois dans le tas, il s’offusque d’être traité à égalité exacte avec tous ces « parias »…
Bob s’indigne qu’on refuse sa candidature à habiter en Ontario même s’il ne parle pas l’anglais, au lieu de se dire « y faudrait ptêt que je m’y mette ».
En fait l’essentiel de sa démarche, au contraire d’identifier ses points forts et de les faire jouer (contacts, amis, expérience professionnelle et de la vie en général), consiste à Demander de l’Aide à Des Personnes Mandatées pour Aider un Malheureux …
Ebouriffé par toute cette bonne méthodologie à l’oeuvre, Jim a alors suggéré à Bob qu’il serait vraiment préférable pour lui de faire jouer des relations et connaissances professionnelles… A la limite, cette constatation est l’occasion d’une autre découverte : l’idee du népotisme, ou, plus prosaïquement, d’un bon piston, c’est quelqu’un de compétent, avec une bonne crédibilité là où il est, et qui va glisser ton CV en haut de la pile, si tu le mérites ; et hop, le tour est joué. Bob, dans notre cas, pourrait parcourir la liste de ses ex-collègues ou amis, envoyer deux ou trois mails, et par la loi du ‘seulement 7 personnes’, obtenir très probablement une piste approfondissable.
Mais Bob a une autre vision de l’affaire. Il parle de ses petits problèmes autour de lui et tombe sur un autre type, un Bob en puissance, qui lui sort alors une relation de sa manche : « Je me souviens que j’ai vaguement connu le Ministre Machin à un moment, je pourrais lui dire que tu veux le contacter… »
Tout est dit : « Ministre Machin » ! Ca pête !
Dans l’imaginaire socialo-soumis à tendance repentante, le contact doit être haut placé, avoir le bras long et puissant. Il doit pouvoir dire « Je veux que cette personne soit là ! », et le pistonné sera embauché et protégé, même si c’est une tâche sidérale et sidérante.
D’autres ont déjà compris que la technique « Ami haut placé » ne marche pas, ou pas bien ; beaucoup trop de gens, utilisant cette méthode, font vraiment pitié quand on s’amuse à évaluer leur capacité à bâtir des stratégies qui fonctionnent. Et ça donne des leçons : il semble en effet que toute une génération, pour obtenir ce qu’elle veut, va suivre la procédure étatique (aussi idiote soit-elle) et montrer sa binette à un guichet.
… Comme si toutes les affaires de la vie se réglaient à un guichet de l’état.
Un livre vient d’etre reedite chez Fayard. Un livre de plus de trente ans qu’il FAUT lire ou relire… Ceci dit sans avoir d’interet. Ce livre passe parfaitement dans toutes les meandres de ce mal francais. Simplement, il faut realiser qu’il fut publie en 1976.
Le mal francais de A. Peyrefitte.
Bien de vos (nos) constats etaient deja poses, ce qui est revelateur de l’extremisme de nos gentils organisateurs de l’etat partout, "prevoyant et doux", qui etouffe ce pays…
Oh ben tiens… Ca n’a rien à voir, à part le mot "livre" du commentaire précédent. Et la même décennie : seventies…
Le livre qu’il FAUT lire c’est : Le camp des saints de Raspail.
Quel rapport ? Well, en tant que libéral (extrême libéral) je m’intéresse aussi à la morale politique. Et ce livre pose de redoutables problèmes.
Le scénario est le suivant : des dizaines de milliers d’hommes, femmes, enfants du Sud (Inde) embarquent sur une incroyable armada, pour fuir la pauvreté. Direction le nord…
Le convoi passe les caps, se rapproche des cotes, la communauté internationale s’inquiète, discute, et finalement il échoue… sur la cote d’Azur !
Le pouvoir politique (déjà pourri dans la fiction de Raspail) s’effondre. On envoie bien l’armée, mais va t-on tirer sur ces pauvres gens ? Raspail le chrétien ne peut l’envisager of course.
Raspail s’amuse à décrire les réactions des français, et met en scène les caractères traditionnels (le résistant, le collabo, le bien pensant etc.).
C’est un ouvrage majeur écrit il y a 30 ans. Et qui aujourd’hui, tourne au reportage. Regardez l’Espagne, l’enclave de Melilla au Maroc, les embarcations de fortune près de l’Italie.
H16 vous n’avez jamais écrit sur l’immigration. C’est pourtant un sujet, complexe, à la portée d’une analyse libérale.
Ca a tout a voir au contraire car toutes les derives sont exposees et elles sont parentes de celles en cours, de plus on retrouve parfaitement les filieres politiques et qqs info sur les "politiques" aux affaires (utiles en ces temps!); désolé il faut savoir ce qui est dedans avant que de faire commentaire péremptoire! Le libéral se doit d’être ouvert et curieux, sans a priori… Libéral également et réaliste aussi, sans aucun dogme je suis, et je respecte ce que vous dites!
Qui plus est, en ce qui concerne la mise en perspective historique, c’est LE livre à lire, bourré de références, ouvert internationalement, et fort bien écrit en plus.
Photon vous m’avez mal compris : je parlais de MON propre commentaire… qui n’avait rien à voir avec le papier original de H16 et la réaction de FJ…
😉
Tout ça pour dire que je n’ai rien contre Peyrefitte.
S’cusez 😉
Vie au guichet: une experience comique! Preuve de l’inculture economique et de la defense jusqu’au bout du machin.
Me voila au guichet d’une grande entreprise etatique de transport. Je demande un renseignemùent relatif a des tarifs, on me propose un dossier a remplir. Puis on me dit (je cite), "avant nous nous en occupions, maintenant c’est dans le prive, je vous donne le dossier mais ce sera la mairie qui s’en occupera…", la personne s’arrete un moment devant mon air dubitatif (la mairie serait… privee?????) et de continuer ainsi "vous savez ca marchait bien mieux quand ce n’etait pas le prive qui s’en occupe, maintenant "ils" ont decide que ce serait passe au prive…" Un moment j’ai pense a repliquer, je suis parti sans le faire me disant que le mal etait profond! Que voulez vous tirer de ces enfumages et de ces enfumeurs, propagateurs de "conneries" (c’est le mot juste), meme si l’hotesse etait charmante!