Carte nuitale

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Avec des semaines parfois fort chargées, il est assez difficile d’animer ce blog et d’y poster aussi régulièrement qu’on le voudrait. Mais heureusement, un oeil attentif sur un article de la presse nationale, une oreille soutenue lors d’une émission radio d’une grande station française, bref, un minimum de présence d’esprit dans le flot bouillonnant des informations quotidiennes suffit généralement à trouver un petit sujet de poilâde bien de chez nous…

Je suis tombé sur une intéressante émission où, par un hasard subtil comme seul les journalistes savent en provoquer, se retrouvait sur le plateau le maire de Paris, un gérant de boîtes de nuit et un digne représentant d’un syndicat de police.

La discussion portait en substance sur l’observation un peu triste qu’actuellement, les Champs-Elysées semblaient de moins en moins sûrs. En pratique, les observations concordent : si les Champs sont relativement bien sécurisés, les rues attenantes sont, en revanche, peuplées d’une faune interlope qui les envahit passé minuit et qui augmenterait de façon sensible le nombre de crimes et délits perpétrés dans le quartier. Pire, les statistiques du 8ème arrondissement auraient à en souffrir !

Au cours de l’émission, le débat se déplaça lentement de la question de savoir s’il y avait oui ou non une recrudescence d’actes délictueux autour de la plus Bôelle Avenue du Mâonde, qui fut assez vite résolue tant le consensus semblait s’établir sur un oui, vers la question moins triviale du comment empêcher cette recrudescence.

Les causes mêmes de cette augmentation furent rapidement trouvées : la concentration des boîtes de nuit dans le quartier et leur relative absence dans les autres quartiers entraînait mécaniquement un accroissement du nombre de rixes, faits divers alcoolisés, petits larcins et règlements de comptes testostéronés.

Et à l’occasion des questions-réponses qui fusaient autour des solutions palliatives évoquées, je me suis rendu compte que mes trois interlocuteurs représentaient une tranche finalement assez représentative de la population française, à savoir pas libérale pour deux sous.

Si l’on prend le patron de boîtes, son comportement logique consistait à fustiger la mollesse ou le laxisme des policiers, puisqu’il notait lui aussi l’augmentation des problèmes dans ses “zones de chalandise”. Saperlotte, ce n’est plus tenable : on ne peut plus faire de commerce gentiment la nuit ! Et comme on ne peut plus “discriminer” (entendez “sélectionner”) la clientèle, on aboutit à une dégradation de la qualité des prestations, ma bonne dame ! Se trémousser fashion sur des pistes select d’une boîte branchouille du 8ème n’est plus le privilège d’une jeunesse dorée, et la jeunesse bigarrée des banlieues au “commerce alternatif” s’y déverse régulièrement au grand dam des touristes ! Tout fout le camp, ma bonne dame !

Côté syndicaliste de la police, tout en se défendant bien évidemment de ce laxisme prêté trop rapidement compte tenu d’un excellent travail de terrain réalisé par des agents tous les jours un peu plus proches de la perfection stoïque et d’un professionnalisme que Le Monde Entier Nous Envie, on reconnaît le manque chronique de moyens, et on profitera de l’antenne pour lancer un poignant appel à des fonds, publics cela va de soi, à des moyens, à de nouvelles reconnaissances du métier, etc…

Si le patron au discours ambigu œuvrait clairement pour sa paroisse, le syndicaliste n’était bien sûr pas en reste.

Evidemment, le grand moment de bonheur politicien fut pour Delanoë qui put à loisir déballer ses plus beaux discours en carton, en bois, en papier et en matières recyclables. Dans une novlangue fleurie et enjouée, le petit Bertrand nous a tout d’abord gratifié d’un petit panégyrique sur les illuminations des Champs refaites à neuf, sur les marques de luxe qui s’y installaient et la bonne santé financière locale, le nombre de touristes, etc, etc. Les municipales approchent, et il devient urgent de rappeler que les jolies couleurs des Champs dont – l’ais-je déjà dit ? – les illuminations sont toutes neuves, les bornes à vélos, les couloirs de bus en béton, les nuits citoyennes et bruyantes festives, tout ça, c’est votre bon maire, ma bonne dame !

Dans un second temps, évidemment, coincé dans le débat, il a bien fallu pour l’enivrant tartuffe boboïde se résoudre à aborder le problème : oui, effectivement, il y avait bien quelques petits problèmes d’ordre et de loi dans le quartier, en dehors des Champs eux-mêmes – super-sûrs et super-cools, avec (l’ais-je mentionné ?) des illuminations refaites à neuf – sur les allées adjacentes, les avenues perpendiculaires et parallèles …

A la suite d’une de ses tirades grandioses de langage altersocialiste dont Bertrand garde jalousement le secret, il évoqua même une piste, sérieuse, pour résoudre le problème posé. Pour lui, c’est simple : puisqu’il y a des boîtes majoritairement dans le huitième et pas dans les autres quartiers, cela crée un pôle d’attraction des petites frappes. Il faut donc répartir les lieux de vie nocture dans toute la capitale, en éviter la concentration.

Ici, plusieurs points 0 sont atteint. Le point 0 de la compréhension du problème ou, disons, le point 0 de son analyse, par exemple, a été largement enfoncé. Le point 0 de la solution efficace aussi. En conséquence, le point 0 de la crédibilité a lui aussi été sauvagement défloré par le maire parisien.

En fait, pour bien comprendre l’ampleur cataclysmique des bêtises proférées par le gars Bertrand, poussons son raisonnement à son maximum…

Paris, 2010. La capitale, toujours en avance d’une bonne idée bobocialiste, a mis en place, sous l’impulsion de son maire effervescent, un véritable “Zoning des Boîtes de Nuit”, politique astucieuse composée de deux volets.

Le premier volet consiste à imposer aux tenanciers de s’installer en fonction d’une carte établie par la préfecture, carte assurant qu’il n’y a pas trop de boîtes dans un même quartier, et qu’aucun arrondissement ne s’en trouve dépourvu. Ainsi, ajoutant aux contraintes politiquement correctes de la non-discrimination, les boîtes de nuit deviennent ainsi des établissements parfaitement sous le contrôle des forces de police, de la préfecture, des associations anti-discrimination, anti-tabac et anti-alcool. Comme chacun a un droit opposable à entrer en boîte de nuit, le tenancier est payé non en fonction de sa clientèle, mais en fonction de sa zone de chalandise potentielle. Un ministère Des Lieux de Vie Nocturne est fondé, dépendant de la Ville et de l’Urbanisme. Les tenanciers doivent passer un concours et seront rémunérés directement par l’état à partir de 2012. Les boîtes de nuit deviennent progressivement des établissements où il fait bon valser doucement sur des musiques pas trop bruyantes en sirotant des jus de fruit et du thé pas trop chaud entre 16 et 21h.

Le second volet était nécessaire pour ne pas oublier les populations elles-mêmes : pour éviter que des boîtes de nuit ne deviennent des foyers de ghettoïsation, on impose aux jeunes d’aller dans des boîtes qui seront fonction de leur lieu d’habitation. A l’instar de la carte scolaire, une carte des lieux de vie nocturne est instaurée. Et ainsi, Kevin, Rachid et Fatima auront la possibilité de fréquenter enfin les mêmes établissements de vie nocturne que Jérémie, Gontrand et Marie-Victoire !

Pas un moment, il n’est venu à l’idée du pauvre Bertrand que l’absence de boîtes de nuit dans les autres quartiers venait du fait d’une législation beaucoup trop complexe, d’un avenir que les testings à répétition ont rendu incertain pour les patrons de ces établissements. Pas un moment le maire n’a imaginé que ces tenanciers, lassés de ne pouvoir choisir ceux qui mettaient les pieds chez eux, épuisés d’avoir à batailler contre les autorités pour les avoir laisser fumer dans sa propriété privée, n’avaient jeté l’éponge pour se reconvertir dans une autre activité moins administrativement ingrate…

Ma question, dès lors, est celle-ci : le socialisme rend-il bête ?

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