HTML linking, cancer de l’auriculaire et bains de pieds aux herbes

A peine la chaleur du billet précédent sur HADOPI s’était-elle dissipée que déjà un nouveau sujet, concernant toujours Internet, pointait le bout de son nez. En deux mot, le gouvernement tenterait d’imposer le linking vers les sites officiels sur le vaste sujet de la santé depuis les sites internet privés certifiés. A première vue et de loin, pas de quoi fouetter un chat, si si, j’y reviendrai. Mais heureusement, dans ce pays, quelques journalistes se sont emparés de l’affaire et se sont mis à touiller vigoureusement la vase du fond…

Rappelons rapidement la situation : Internet, c’est cette espèce de Far-West torride et sauvage où le cow-boy hacker peut coder sur tout ce qui bouge, le blogueur peut venir décocher quelques flèches empoisonnées et où chacun, moyennant un minimum d’effort, peut poser les barrières de son ranch numérique au milieu de la vaste prairie virtuelle.

Et les journalistes ont semble-t-il découvert ces derniers mois que dans ce lieu magique régnait la liberté totale, aucune loi sinon celle du plus fort et que tout était permis les petits amis ! Xénophobie, torture, morale scabreuse, pédonazisme éhonté, petits oursons en gélatine : plus de doute, Internet, c’est un repaire de dangereux désaxés bien éloigné des chevauchées amicales d’un Georges Abitbol d’un autre temps…

Une fois la stupeur passée, les journalistes s’en sont donné à coeur joie pour dresser des portraits tous plus croquignolets les uns que les autres de tous les problèmes qu’on pouvait bien rencontrer si jamais ce médium restait sans la moindre régulation.

Le politicien de base, sachant que derrière le journaliste se cache le citoyen, forcément concerné, qui vote et de préférence dans le sens qu’on lui aura soufflé discrètement à force de Arial Bold 22 points en une sur 5 colonnes, s’est bien vite empressé de relayer ces inquiétudes afin de rédiger et faire promulguer au plus vite les lois nécessaires à bien tenir tout ça en ordre.

Depuis lors, c’est un festival de lois diverses et variées sur le sujet.

La loi sur l’hôpital n’échappe pas à la règle : à des sujets divers concernant la santé, les hôpitaux et, par exemple, l’utilisation de check-lists au bloc opératoire, on trouve ainsi glissé la proposition suivante : il est prévu que la Haute Autorité sur la Santé (oui oui, encore une Haute Autorité) veille « à ce que les sites informatiques dédiés à la santé certifiés affichent sur leur page d’accueil des hyperliens vers les sites informatiques publics français dédiés à la santé et aux médicaments ».

Mouais.

Ce n’est pas très franc du collier de glisser un truc pareil en plein milieu d’autres propositions ancrées, elles, sur le réel et non sur le numérique. En plus de faire liste à la Prévert, on a cette impression de catimini qui n’a de cesse d’étonner : si c’est une bonne idée, autant en faire la pub. Si on veut le cacher, c’est que cette idée ne semble pas si bonne que ça même pour le législateur qui la propose… Vrai ou pas, en tout cas, c’est l’impression que cela donne.

Et évidemment, plouf, le journalisme s’en mêle ensuite. On obtient alors ce genre d’article, dans lequel est mélangé rapidement les informations en provenance de forums et les autres, les sites certifiés et ceux qui ne le sont pas, et l’utilisation de données médicales sensibles sur internet. On touille et on laisse reposer quelques heures. Résultat : le lecteur déduit de sa lecture qu’Internet est un repaire de brigand prêts à lui détrousser ses données numériques sur sa santé pour l’empêcher d’avoir son prêt bancaire et, s’ils le peuvent, lui proposer de faire des bains de pieds aux herbes pour guérir d’un cancer de l’auriculaire carabiné.


Promis, demain, j’arrête

On a en effet du mal à saisir, à lire l’article, que la certification n’est absolument pas indispensable pour exprimer, sur internet, un avis dans le domaine de la santé. Et on a aussi bien du mal à comprendre qu’exprimer cet avis n’est en rien répréhensible. Eh oui : au même titre qu’on pourrait naturellement consulter sa famille, ses proches ou ses amis pour obtenir un conseil de santé, aller sur internet constitue de nos jours une possibilité relativement normale d’obtenir d’autres informations. Et comme dans le monde réel où on sait bien que la Tantine, avec ses petites billes de sucres, n’arrivera pas à soigner ce p-tain de furoncle, on aura la présence d’esprit de prendre avec un grain de sel les conseils obtenus par le biais d’internet.

Et pour en venir au fond du problème très mal soulevé par cet article foutraque, le fait pour une loi d’imposer, aux sites qui sont certifiés, de lier les sites gouvernementaux officiels pour conserver leur certification risque essentiellement d’affaiblir la certification dès lors que les sites ne voudront pas tous se plier à ce diktat arbitraire.

Pire : il pourrait apparaître une certification alternative, regroupant tous les sites qui avaient obtenu la certification précédemment et ont refusé, pour des raisons éthiques, commerciales ou d’indépendance par exemple, de lier les sites demandés. Bien joué, non ?

Entre le journalisme d’approximation, qui est au journalisme d’investigation ce que le solex est au 1100 cm3, et la législation-ninja qui frappe la nuit et en silence, on se dit qu’on n’est pas sorti de l’ornière.

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Commentaires2

  1. Plouf le vilain canard

    Je vous le dis: la certification sera le prochain poil à gratter l’internet une fois enterrée l’HADOPI en catimini pour cause de catatonie avancée. Vu comme ça, un label ça mange pas de pain, un p’tit coup de goupillon ministériel pour bénir votre site, il est saint, saint, saint (toujours trois fois) mon site amen.

    Sauf que dans ma boule de cristal pas certifiée, je vois les sites en odeur de sainteté couler plus facilement dans les tuyaux, comme c’est bizarre on dirait que l’Onction les a rendus plus fluides, mais non suis-je bête c’est la QoS qui a vu le Saint-Drapeau, vous savez comme les sites légaux qui devaient arrivent en tête dans les SERP.

    Enfin moi je dis ça, je dis rien.

    PS: Trop drôles les oursons.

  2. Barth

    D’autant plus que la certification, l’homologation et la conformation ont pour corollaire la déresponsabilisation de l’indivdu au profit de celle de l’état.
    Reste à savoir jusqu’où cela nous mènera, à quand un 1984 sur les hautes sphères de l’état ?
    A Rome le Sénat luttait contre le pouvoir de l’empereur, aujourd’hui c’est l’Etat qui lutte contre le marché et les individus.;;

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