Emprunt d’été et vacance d’état

Je crois qu’on peut le dire maintenant : le mois de juin ne passera pas la nuit, c’est plié. On peut s’en attrister … ou noter qu’il fut tout de même bien rempli. Il termine même en fanfare : la politique française de ces dernières heures de juin nous offre une symphonie politicienne comparable au Grand Orchestre Philharmonique de Port Crouesty, célèbre sur toute la planète pour son inclusion astucieuse d’un bagad complet qui donne une brillance si particulière aux œuvres de Dvorak.

Et alors que les retombées radio-actives du dernier remaniement présidentiel se font lourdement entendre, la vie continue pour le reste de la République.

Et cette vie passe par de bien douloureuses constatations, en constant décalage avec le train de vie de nos élus que la crise semble avoir épargné : même le remaniement ministériel n’en aura finalement laissé sur le carreau qu’un petit nombre qui auront largement de quoi survivre et ne pointeront pas tout de suite au chômage.

Au passage, on pourra demander à Dati pourquoi elle a choisi, sachant qu’elle était débarquée, de rester à Paris au lieu d’assister à la séance d’ouverture de la nouvelle législature du Parlement Européen où elle a maintenant un siège. C’était l’une des très rares absentes du jour

Pendant ce temps, la dette publique continue son voyage sous-marin abyssal et vient grattouiller le menton de Cerbère ; les fosses des Mariannes, dépassées depuis longtemps, ressemblent à des montagnes dans l’arrière plan fuligineux que Woerth explore à tâtons, ses petits yeux ronds comme des soucoupes s’écarquillant à mesure que la descente se fait plus rapide.

Le rythme frénétique d’enfoncement nous approche en effet d’une dette à 77% du PIB à la fin 2009 (88% du PIB en 2012), soit 11 points de plus que la prévision fantaisiste des clowns de Bercy, jamais en retard d’une blague un peu lourde. Lourdeur qui nous propulse à plus de 1.400 milliards d’euros. Devant de tels montants, on se croirait au Zimbabwe. Notons le calme serein qui entoure ces annonces, tant du côté des autres ministres, que de l’Elysée, ou de la presse en général dont la placidité pourraient laisser croire que tout ceci est, finalement, parfaitement normal.

Comme je le disais en introduction, Juillet et ses vacances approchent à toute vitesse et les pigistes encore en poste sont probablement plus préoccupés à rassembler leurs petits jouets de plage qu’à réellement analyser l’ampleur de la vague bouillonnante qui se profile à l’horizon et qui risque, il faut bien le dire, de tout casser leur joli château de sable.

D’ailleurs, en parlant pâtés et constructions friables, une autre chute, celle des permis de construire, n’émeut semble-t-il que les professionnels. Le nombre de permis de construire de logements neufs en France a reculé de 32,2% entre mars et mai 2009, comparé à la même période un an plus tôt. Un tiers, boum, comme ça.

Or, à la différence des autres secteurs, l’immobilier est un marqueur puissant de la tendance de fond en terme de consommation : si l’on a besoin d’un nouveau logement, on a tendance (eh oui) à restreindre un peu le reste de ses dépenses. Et lorsque les prix chutent (et même si on fait tout pour le cacher), puisque chaque % représente tout de suite plusieurs milliers d’euros d’économie, une tendance lourde à l’attentisme s’installe. Attentisme qui se traduit justement par cet écroulement des demandes de constructions, et qui fait normalement pointer l’économie vers une bonne grosse déflation des familles, chose complètement impensable dans la rhétorique gouvernementale et qu’on préfèrera masquer …

… en parlant abondamment d’un emprunt citoyen, festif et bien sûr obligatoire. C’est surprenant à quel point ça ne l’est pas (surprenant) et pour continuer dans l’analogie musicale de mon introduction, le déroulement de cette affaire de gros sous semble écrit sur du papier à musique : tout se déroule comme prévu et l’emprunt dont on ne connaît ni le montant total souhaité, ni le taux, ni la durée, défraie la chronique et titille le législateur au kiki déjà tout dur à l’idée de “harponner” le contribuable pendant ses vacances d’été.


De l’action, de l’aventure, de l’emprunt !

Quant à l’affectation de ce fabuleux Trésor Pirate que nous concocte Sarkozy, on se perd en conjecture ; vu que, de nos jours, quelques milliards d’euro font une somme ridicule pour qui veut relancer l’économie, et qu’on voit mal l’emprunt dégager, subito nihilo, plusieurs centaines de milliards d’un coup, on se demande dans quels cathéters de grands cancéreux en phase terminale notre gouvernement va choisir de dilapider l’épargne des Français. Il pourrait par exemple choisir de renflouer, discrètement, les banques dont le bilan n’est toujours pas assaini, comme le chuchote discrètement la Bank for International Settlement (la Banque des Banques Centrales, en gros), dont le silence jusqu’ici compact laissait planer un doute sur l’existence même.

Il pourrait aussi en affecter une modeste partie au montage d’une garde prétorienne qui lui assurera une certaine sécurité lorsque le temps des troubles sera venu. Eh oui : avec l’arrivée de l’été, les hormones des jeunes bouillonnent plus facilement dans leur veines et des réactions chimico-politiques violentes ne tardent pas. Au train où vont les choses, on ne peut pas tout miser sur un remplacement ultra-rapide des équipements ludiques des ZAUA (zones d’activités urbaines alternatives).

Au bilan, on peut donc en conclure que tout ne va pas mieux, mais qu’en tout cas, nos zélées élites font absolument tout pour le faire croire. Shadocks pompant de peur qu’en arrêtant il se passe des choses encore pire que celles qu’ils observent pourtant déjà, tout le gouvernement, imitant l’Elysée, continue donc à pomper tant et plus.

Et maintenant, la question à deux euros : combien de temps encore ?

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Commentaires8

  1. Emma

    Merci H16. Eternel sujet d’étonnement que cet état français qui s’enfonce dans la dette depuis 35 ans et de façon vertigineuse depuis les 5 dernières années et qui envisage aujourd’hui (pour s’en sortir ?) de faire main basse sur l’épargne des Français. Seront-ils d’accord pour prêter à cet état impécunieux ? Auront-ils encore confiance ? Rien n’est moins sûr et les sondages laissent présager que non.

    A rapprocher de l’excellent blog de Philippe Herlin
    ladettedelafrance.blogspo…

  2. Higgins

    Un gouvernement "libéral" qui ferait appel à l’emprunt obligatoire!!! Décidemment, le PS de droite n’en manquera pas une.

    En terme d’économie budgétaire, il y a pourtant des choix symboliques forts à prendre mais l’autisme de l’ensemble de la classe politique devient un cas d’école. Keynes en 1920, dans les "Conséquences économiques de la paix" a une phrase qui s’applique totalement à la situation actuelle: "Le sentiment d’une catastrophe imminente planait sur ces délibérations superficielles ; la petitesse et la vanité de l’homme confronté à de grands évènements ; les graves conséquences de décisions prises sans soucis des réalités ; la légèreté, l’aveuglement, la suffisance, les clameurs venus du dehors – tous les éléments de la tragédie antique se trouvaient réunis."

  3. Ano

    Prochaine fois que je vois un Maurice ou autre ump je sors le goudron et les plumes, et encore je suis gentil

  4. Nick De Cusa

    C’est un peu dommage de parler de ce sujet sans rappeler que le chiffre officielle omet, sans raison valable, les engagements non provisionnées, telles les retraites de la fonction publique.

    Bref, en fait, c’est beaucoup plus.

  5. @emma : merci pour le lien 🙂

    @Higgins : merci pour la citation. Venant de Keynes, c’est … piquant.

    @Ano : dépêchez-vous d’acheter le goudron, il va valoir de plus en plus cher dans les années à venir

    @Nick : le souci des engagements hors bilan, c’est qu’ils sont sujets, en eux-mêmes, à un si vaste débat qu’ils en deviennent l’épais bosquet qui cache la forêt. Normalement, on estime à 800 milliards (oui, milliards) le montant des retraites à provisionner, ce qui amène la dette aux alentours de 2.200 milliards soit une belle faillite. Mais 1400 milliards suffisent déjà pour se rendre compte d’un problème grave à la base…

  6. bibi33

    @h16 et Nick

    Les 1.4Teuro sont la dette maastrichtienne.

    Elle est de 1.7Teuro selon les critères de la comptabilité publique fin 2008 !

  7. Aurelien

    euh, 800 milliards, ça ne concerne que les millions de fonctionnaires, pas le secteur libre/privé. Le total est donc un tantinet supérieur.

    Tu as oublié de préciser que la question à deux euros – taxes – CSG – emprunt obligatoire = 50 centimes nets

  8. maurice b.

    > qui envisage aujourd’hui (pour s’en sortir ?) de faire main basse sur >l’épargne des Français.

    Vu le succès de l’Emprunt EDF qui préfégure ce que sera l’emprunt d’Etat
    Vous allez pouvoir taxer les Français d’imbéciles, qui n’ont que les gouvernants qu’ils méritent, et qui poussent le masochisme jusqu’à se prosterner devant l’Etat et les entreprises étatiques, pour prêter leur argent avec un rendement minable.

    L’emprunt obligataire émis par EDF depuis le 17 juin auprès des particuliers a permis de collecter plus de 2,5 milliards d’euros et la clôture de la souscription est avancée du 10 au 6 juillet, a annoncé aujourd’hui le groupe d’énergie français dans un communiqué.

    EDF n’avait fixé aucun plafond de montant à lever, mais jugeait que la somme d’1 milliard d’euros serait "raisonnable". D’une durée de 5 ans, l’emprunt prend la forme d’obligations de 1.000 euros, rémunéré à un taux d’intérêt annuel fixe de 4,5 % avant prélèvements fiscaux et sociaux.

    Les particuliers pourront "souscrire jusqu’au lundi 6 juillet prochain inclus" et "chacun recevra le nombre d’obligations qu’il aura demandé sans plafonnement", précise le groupe.

    http://www.lefigaro.fr/flash-act...

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