Trois quarts d’heure d’effervescence

Ça faisait longtemps – oh bien facilement … 24H ! – que Sarkozy n’avait plus fait parler de lui. Revigoré par le repos de cette longue abstinence de médias, il nous revient donc, plein de peps et d’allant, pour nous requinquer l’économie à grands coups de propositions dont la quantité suppléera à la qualité. Sabre au clair, yeux tournés vers l’horizon, le poney républicain fièrement harnaché va trottiner de toutes ses petites pattes vers un âpre Everest, emmenant fiévreusement son cavalier vers de nouvelles batailles homériques, pendant que l’intendance, lourdement chargée, bottes trouées et yeux hagards, suivra. En avant, chargeeeeeeeeez !

Pour l’exégèse journalo-journalistique avec notes rigoureuses et petit bout de langue qui dépasse de lèvres pincées et sourcils froncés, on pourra se reporter aux articles du Monde ou du Point.

Et pour le détail, minute par minute, du discours, on pourra se référer à cet article du Journal Ecrit En 20 Minutes. Magie du HTML et de la typo multicolore, ce dernier article permet de comprendre rapidement qu’on assiste, une nouvelle fois, au syndrome de l’Aspro : une fois placé dans un volume d’eau restreint, ça fait beaucoup de petites bulles pétillantes et joyeuses, ça se trémousse au fond du godet, et pour soigner la gangrène, c’est totalement inefficace.

En effet, si l’on voulait faire court, on pourrait résumer l’exercice présidentiel d’une expression : « interventionnisme à tous les étages » ; l’État est tout, l’État peut tout, l’État fait tout pour que l’Industrie se remette d’aplomb, avec vos sous. Le destrier ne serait pas un poney, on y verrait presque des accents mussoliniens.

Évidemment, le plus fort, c’est lorsque le chef de l’exécutif, probablement en pleine digestion d’un plantureux déjeuner de travail, a déclaré, sans qu’il soit possible de croire à une plaisanterie, vouloir augmenter la production du secteur secondaire de 25 % en volume d’ici 2015.

Ben oui les petits amis : il suffisait d’y penser. Nicolas parle devant les micros, et dit qu’il faut 25% d’augmentation de la production, et hop, Jules et Robert, aux manettes, poussent les petits boutons et tournent les gros volants, et, cinq ans après, on se retrouve avec 25% de plus en sortie.

Ici, nos journalistes, que le monde nous envie, se sont empressés de poser quelques questions évidentes : pourquoi 25% et pas 75% ou 12% ? Pourquoi ne pas viser un but plus modeste, mettons 10%, et rediriger les efforts qu’ils aurait fallu consentir pour aboutir à 25% pour autre chose ? Ou pourquoi ne pas se donner les moyens de faire un petit +50% ? Que se passe-t-il si on fait 24% ? Et 3% ?

En fait, personne n’a posé ces questions parce que tout le monde sait fort bien que ce chiffre de 25% est aussi crédible qu’un bulot qui se lance dans la conquête spatiale. En fait, il traduit la volonté des étatistes et de leur chef de file du moment de continuer à fourrer leurs doigts gras dans des affaires qu’ils n’ont pas arrêté de tripoter ces trente dernières années, avec les fulgurants succès qu’on connaît.

Et comme les finances, actuellement, ce n’est pas tip-top, on rassure tout le monde en expliquant que tout ceci sera de toute façon payé grâce au Grand Emprunt, ce qui permet au passage de faire une retape peu discrète pour une opération médiatico-financière globalement foirée.

En outre, et parce qu’un Grand Emprunt, c’est bien, mais une implication du peuple dans sa propre déconfiture, c’est encore mieux, on va proposer une idée qui cogne : un Livret d’Epargne Populiste, idée dont mon collègue blogueur l’Hérétique a retrouvé la source à la CGT. Il s’agit de collecter l’argent des Français (qui en ont, actuellement, tous, caché sous un matelas) de le rémunérer avec un lance-pierre, de le faire gérer par des cadors de la CDC, le tout, à destination des entreprises « méritantes » choisies sur le volet.

On respire d’emblée à plein poumon le parfum de la rectitude, de la bonne gestion, des décisions judicieuses et des retours sur investissement qui roxxent.

Si l’on ajoute une variation sur le thème des Commissions Théodule, avec la création du spin-off de la série Desperate Government poétiquement baptisé Médiateur de la Sous-Traitance, on commence à voir à quoi rime tout ceci : encore un foutage de gueule magistral.

La seule différence entre l’ère sarkozienne et les présidences précédentes, c’est, justement, cette augmentation de la production industrielle (dans les 250%, pour le coup) de ce genre de moquages de visage. C’est la seule augmentation notable. Auparavant, on sentait une patte artisanale, un polissage, une finition à la main et cuir pleine peau, dans les discours interventionnistes et de politique générale. Avec Sarko, on a littéralement taylorisé le processus de fabrication. On perd les cuirs et les gentes alliage, on gagne en réactivité, on a le volant sport et un beau klaxon qui hurle la Cucaracha tant qu’il peut à chaque feu rouge.

Le gain au change est discutable.

Et pour ce qui est de l’interventionnisme, dont les vertus ne semblent acquises que pour ceux qui en profitent, on va mettre le turbo : l’Etat actionnaire va zimpulser comme un malade. A la limite, il est parfaitement concevable que lorsqu’il est l’actionnaire de référence, celui-ci s’implique dans la gestion des entreprises et zimpulse à fond.

Le souci est cependant double : d’un côté, lorsqu’il zimpulse, il ne fait pas vraiment des étincelles. Pour les réussites fulgurantes des grandes entreprises dont l’état s’est violemment occupées, les nationalisations donnent un bon aperçu du résultat.

Sarko tristounet
Pour l’industrie, c’est pas gagné. Snif.

De l’autre, quand il n’est pas actionnaire, il zimpulse quand même : les petites gesticulations récentes avec Total en sont un excellent exemple. En clair : actionnaire ou pas, l’Etat se mêle de tout et tout ceci revient à trouver de bonnes ou moins bonnes excuses pour que tout soit centralisé et dirigé par un quarteron des fines lames de l’économie et de la finance, quarteron qui a réussi à faire passer la dette française autour de 0 au milieu des années 70 à environ 2000 milliards d’euros maintenant.

Comme track-record, j’ai connu plus solide.

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Commentaires28

  1. Séb

    A vous lire quotidiennement, on sent que le dépit gagne doucement du terrain, à mesure que la catastrophe annoncée approche à grands pas. Finalement aujourd’hui se pose la question de savoir ce que les uns et les autres auront prévu de faire lorsque l’Etat rentrera en cessation de paiement et ne pourra plus assurer les tâches les plus basiques qu’il est censé exercer. L’autre question étant de savoir quand le clash aura lieu.
    Plus je me délecte de votre prose, plus mes choix personnels (arts martiaux, maison à la campagne, armement, jardin…) me semblent cohérents et de bon sens (surtout lorsque l’on sait que je fais partie intégrante de l’ignoble hydre ; je suis fonctionnaire).

    Le système doit s’effondrer : « Aujourd’hui les politiques n’ont plus que le pouvoir de nuire et de ralentir les mutations. Mais comme toutes les espèces condamnées, ils ignorent encore ce qui les attend. Leur ordre moral est voué à la disparition pure et simple. »MgD 1997

    1. maurice b.

      > L’autre question étant de savoir quand le clash aura lieu.

      Oui bof; ça, c’est comme l’éclatement de la bulle immobilière en France. Aux effets plus devastateurs,que tous les tsunamis et bombes thermonucléaires réunis.
      z’allez voir le Karnage !
      Et puis pschittt…, la Fédération des Agents Immobiliers vient d’annoncer, hier, que les prix repartent à la hausse. Quel joli pied de nez, n’est-ce pas ?

      1. Petit Tonnerre

        « Maurice ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue »

      2. L’immobilier, petit rigolo, est un marché réputé pour sa fluidité. Ce qui veut dire que tout dégonflement de la bulle prendra plus de temps que la bourse. Il n’y a que des gens comme vous, curseur résolument coincé sur un optimisme béat atteignable seulement sous d’importantes doses de psychotropes, pour croire encore que c’est reparti comme en 40…

  2. Joe

    Il ne faut pas lui en vouloir, il prépare sa petite retraite. S’il n’est pas acheté assez de voix en 2012, il reprendra son occupation d’avocat d’affaires et c’est quand même mieux d’avoir arrosé tout ce petit monde avant de venir leur taper des fees.

  3. Flo

    Je lisais hier je ne sais plus où un article qui parlait aussi des gesticulations d’un motard devenu ministre de l’industrie une phrase du genre :

    « après les avantages et primes que le GOUVERNEMENT à accordéee à SES industriels de l’automobile »

    Voilà, dans le langage courant journalistique le gouvernement possède une industrie.

  4. josick d’esprit agricole

    C’est en lisant Jacques Dartan « Histoire de fous », 1959
    que j’ai compris qu’en France, l’Etat était tout dans l’ignorance en dernier ressort du respect de la propriété privé.
    J’ai numérisé cet ouvrage introuvable et j’ai produit un pdf, avis donc aux amateurs…

  5. Winston the only (other) one

    merci pour les accents mussoliniens. celle-là je la mets de côté pour la resservir à qui de droit au moment opportun. ça ne fait jamais plaisir d’être comparé à un pareil glandu !

  6. Laetitia

    Hahaha! Une question demeure: qui croit encore aux petites pirouettes de notre cher, beau, fort, et grand président?

    Au sujet de la différence notable d’avec les précédents dans son comportement, je pense que c’est parce qu’avant on avait des énarques, lesquels ont appris à mentir, manipuler, etc. Du coup, même si on sait bien qu’au fond c’est les mêmes incapables notoires, c’est moins visible..

      1. Higgins

        H16, il faudra bien que tu l’admettes, Badinguet est avant tout un « libéral »!!!

  7. Théo31

    « qui croit encore aux petites pirouettes de notre cher, beau, fort, et grand président? »

    maurice b(laireau) évidemment.

    Un médiateur des sous-traitants : fallait l’oser celle-là.

    1. Laetitia

      Ou comment mettre ses sales pattes dans les affaires privées (presque) sans en avoir l’air….

      Quand je pense que ce pauvre type ose encore nier son appartenance au socialisme….:/

        1. maurice b.

          Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, principal syndicat agricole, s’est félicité de « la détermination affichée du président » Nicolas Sarkozy de défendre les agriculteurs, lors de sa visite aujourd’hui au salon de l’agriculture à Paris.

        2. Démocrate

          Tant mieux pour lui, c’est donc qu’au fond, il s’en fond de l’agriculture Française pour soutenir et féliciter ces grands fossoyeurs à coups de PAC, subventions, …

        3. Théo31

          « Nicolas Sarkozy de défendre les agriculteurs »

          Surtout à une semaine d’une votation.

  8. Franck Boizard

    z’êtes en forme. Je vais pomper (pomper, pas sucer, pas de fantasme, hein !).

    J’aime beaucoup l’image du poney. Une inspiration de Sancho Pança ?

    Orthographe : jantes

    1. Saperlotte, pour jantes, j’avais eu un doute quand je l’ai écrit et j’ai – pour faire vite – google-vérifié. On ne devrait jamais google-vérifier.

  9. alex6

    « gentes alliages », j’avais pense a un subtil jeu de mot…

    Bon alors maurice, on investit a fond dans l’immobilier? eh oui parceque si c’est reparti comme dans les annees folles, faudrait pas rater le train! Un bon pret sur 30ans, voila un investissement beton surtout avec les 10-20% d’augmentation par ans a venir! Les salaires n’augmentent plus et le chomage monte? Whatever, Sarko va injecter jusqu’au possible de la dette pour maintenir les prix. Et puis un jour il n’y aura plus d’argent pour maintenir la bulle et momo viendra pleurer contre les ultra-mega-extra-liberaux qui ont specule a la baisse contre lui, trop injuste! Restera une bagatelle, 20 ou 25ans de prets a rembourser avec des taux d’interets augmentant, la biche!

    1. Aurelien

      tu es persuade que l’immobilier va baisser ? depuis le temps qu’on l’annonce et que ça arrive pas, je crois que je vais commencer à changer mon fusil d’épaule..

      1. alex6

        Persuade? Si je l’etais vraiment je serais investi lourdement a la baisse genre put infini levier 100 sur actions liees a l’immobilier.
        Donc non, mais en revanche je crois qu’il y aura de meilleurs moments pour investir dans la pierre, l’achat pour raison familliale etc… est different et peu se comprendre.

  10. diagnostic obligatoire

    Mouais, je partage l’analyse de l’article mais pas pour autant le lien qui est fait avec les nationalisations. La Chine les pratique avec succès et les Etats-unis qui en ont un sainte horreur sont autant endettés que nous. Il n’y a donc pas de causalité. La thèse du complot des élites me semble peu étayée. Le maintient de l’immobilier me semble plus structurel avec un déficit offre/demande, ce qui est la base de tout marché, tant qu’il y en a qui peuvent payer ou a qui on prête. La France possède un prix du M2 encore bien inférieur à bien des pays développés. Pour le déclien qui nous gagne il faut plutot rechercher du côté de la mentalité française qui pense que tout est toujours acquis quand les Allement se la joue CHURCHILL ! et encaisse un solde commercial record en se sacrifiant. La France des années 70 en était capable mais les bobos d’aujourd’hui peuvent ils le faire …. j’en doute.

    1. Mateo

      Va falloir se renseigner un peu. Le logement n’obéit pas aux règles d’un marché libre. Normal, il ne l’est pas.

      Dans un marché libre lorsque la demande augmente, les prix montent le temps que l’offre s’adapte. La montée des prix fait apparaître de nouveaux entrants, une augmentation de l’offre etc.

      Ce n’est pas ce qui se passe dans le marché du logement. Pourquoi l’offre ne s’adapte-t-elle pas, alors que la concurrence est forte dans ce domaine?

      Et bien les économistes (Glaeser, Gyourko, O’Toole, Thomas Sowell, Wendel Cox, Krugman etc.) ont étudié la question. Leur conclusion est claire: l’offre est BLOQUÉE par l’État, et notamment l’offre foncière (et en France, l’offre locative également, le non respect du droit de propriété par l’État étant un facteur de risque trop important pour beaucoup de personnes qui auraient investi dans le locatif sans ça, ou bien pire, qui préfère laisser leur logement vacant à cause de cela).

      Plus d’infos:
      – le livre de Vincent Bénard: http://www.amazon.fr/dp/2878941365/
      – le blog du livre: http://www.crisepublique.fr
      http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=32412
      http://www.inform-elu.com/IMG/pdf/Crise_du_logement_-_5_avril_2007.pdf
      http://www.objectifliberte.fr/2008/12/foncier-logement.html
      http://www.objectifliberte.fr/2007/03/crise-du-logeme.html
      http://www.objectifliberte.fr/2008/01/rglementation-f.html
      http://www.objectifliberte.fr/2009/04/land-use-regulation-and-its-impacts-in-france.html
      http://www.objectifliberte.fr/2008/12/le-logement-social-.html
      http://www.objectifliberte.fr/2008/09/subprimes-cause.html
      http://www.objectifliberte.fr/2003/01/objectif-libert.html
      http://www.objectifliberte.fr/logement/
      – …

  11. La Chine les pratique avec succès ? C’est une plaisanterie, je suppose. Dans ce régime communiste, toutes les entreprises importantes ou juteuses sont nationales, par définition, corruption ou collusion tacite avec le PCC…

    Quant au prix du m², il est complètement déconnecté de la réalité, et bien en dehors du tunnel de Friggit.

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