Un déficit rikiki : seulement 96 milliards ! Youpi !

Petite pépite de bonheur sucré, ce matin en découvrant les nouvelles du jour : youpi, le gouvernement pense ne déraper que de 96.000.000.000 d’euros dans le budget de l’année prochaine. 96 petits milliards de rien du tout de déficit pour 2011, franchement, c’est supayr, et en plus de ça, les dépenses courantes sur 2010 montrent qu’on a dérapé moins que prévu, et tellement moins que c’en est embarrassant, selon certains pignoufs de la presse.

En fait, tout se passe, maintenant, comme si les gens se réjouissaient que l’objectif de déficit (oui oui, vous avez bien lu, on parle d’objectif pour un déficit de près de 100 milliards) ne soit pas rempli.

C’est un tour de force, soit dit en passant : vu de la France d’en-bas ou même du milieu, tout se passe comme si, en réalité, le gouvernement faisait absolument tout ce qui lui est possible pour atteindre et dépasser avec panache cet objectif de déficit.

Cependant, on comprend le choix judicieux d’un objectif non nul : si l’objectif était fixé plutôt autour de – mettons – zéro milliard, chaque dérapage, même d’un seul euro, serait un dépassement infini de ce but. Alors qu’en visant large (mettons, 96 milliards), un déficit constaté de 105 milliards par exemple – soit 9 milliards de trop – n’est qu’un dérapage de 9% ! Et tout le monde sait que 9%, c’est pas grand chose.

Mieux : tout ratage de l’objectif par en-dessous, avec un petit 90 milliards par exemple, sera présenté comme une franche amélioration. Par la presse, par les analystes, par le gouvernement.

Implied Facepalm

Bref : c’est le bonheur.

D’un côté, on peut alors annoncer, la mine grave et l’air décidé, que tous les efforts seront entrepris pour le déficit de l’année prochaine se situe autour de 96 milliards.

De l’autre, on peut aussi glisser, dans un sourire à la fois modeste et triomphant – c’est possible, mais il faut avoir fait du théâtre ou l’ENA pour bien maîtriser cette expression faciale – que la reprise se fait sentir et que les finances de l’état sont en bien meilleure forme que prévu (que c’en est même embarrassant, qu’on vous dit) : on ira même jusqu’à parler d’embellie, sur le mode « Dans ce match qualificatif, la France a salement perdu 7 à 1, mais on peut se réjouir : l’objectif de 0 but marqué a été rempli et même dépassé ! »

On sent qu’il y a eu de l’effort derrière ces chiffres. Vraiment. De la sueur, des tripes, du mollard.

Que depuis trois décennies, les gouvernements successifs (socialistes de droite honteux et socialistes de gauche assumés) n’aient pas été foutus d’approcher un exercice à l’équilibre ne défrise, semble-t-il, personne.

Que le projet, pardon, l’objectif de déficit de l’année prochaine se situe, pour la troisième année consécutive, dans le domaine des records nationaux toutes époques confondues, que tout ceci vienne s’ajouter à une dette déjà elle-même stratosphérique et jamais vue avant, tout ceci n’émeut ni les scribouillards qui relatent l’affaire, ni les « analystes » qui planchent sur le sujet, ni les politiciens qui, finalement, trouvent ça parfaitement normal.

Et quand des sondageurs de BVA, improvisés analystes, s’emparent de l’affaire, ça donne ceci en substance :

« L’annonce d’un surplus de recettes aiderait les opposants à la réforme des retraites et pourrait pousser le gouvernement à revoir ses ambitions à la baisse. Ce n’est pas le moment d’annoncer des ‘cagnottes‘, c’est certain. Une fois que la réforme des retraites sera passée, que le remaniement aura eu lieu, là ça tombera très bien.« 

En voilà un qui a bien tout compris. Imaginons la même chose en remplaçant les déficits et les dettes dont il est question par des chômeurs, puisqu’après tout, les déficits d’aujourd’hui sont les chômeurs de demain ; l’annonce devient alors qu’au lieu de deux millions de chômeurs en plus, il n’y en a qu’un million huit-cent mille et que cette bonne nouvelle sur le front de l’emploi devra être utilisée à bon escient, c’est-à-dire pas tout de suite mais après un petit changement des têtes de ministre, dont, soyons franc, tout le monde se tamponne.

Il y a des jours où l’objectif de déficit de baffes dans des gueules d’abrutis est malheureusement atteint.

Facepalm

Dans la citation ci-dessus, on pourra noter quelques mots (ceux que j’ai mis en gras) :

  • un surplus de recette quand on passe de 108 milliards de déficits à 93, j’avoue que c’était osé. Si encore, le mot recette, comptablement exact, est passable, le mot surplus, lui, choque carrément. Un surplus lorsqu’on nage en brasse coulée dans un déficit record, c’est du plus haut fantaisiste !
  • ambitions : ça rejoint le mot objectif pour un déficit de 96 milliards. Avoir l’ambition de faire n’importe quoi, d’aligner un record de mauvaise gestion pour la troisième année consécutive, c’est remarquable. Ambitionner d’être toujours plus mauvais, est-ce une ambition ?
  • cagnotte : ca y est, le mot est lâché. Il l’a été, cette année, par un pipeauteur de BVA. Une autre année, ce serait par un journaliste, une autre encore par un politicien. On est dans la même catégorie que le « surplus » et les précautions typographiques n’y changent rien : pour une partie croissante de la population, faire un tout petit peu moins mauvais que la catastrophe annoncée, c’est engranger un gain.
  • quant à la réforme des retraites, dont on voit mal ce qu’elle vient faire ici puisque les caisses de l’état et les caisses sociales ne sont pas les mêmes, on pourrait disserter longtemps sur l’emploi hardi du mot « réforme » quand on voit que tous les pays européens ont depuis longtemps abandonné les chimères de la retraite à 62 ans, chimères auxquelles s’accroche encore une partie du pays, complètement déconnecté de la froide réalité mathématique.

Au passage, on se demande un peu comment vont procéder les fines lames du gouvernement pour gérer le reste de l’année 2010 (qui n’est pas finie, rappelons-le) et dans laquelle tout peut arriver, à commencer par un sérieux ralentissement de la croissance, ce qui ne laisse rien présager de bon pour les futurs surplus hu hu hu de recettes ah ah ah dans le buhuhudget hu hu

hio

ho

ho

ho excusez moi c’est nerveux. L’OCDE confirme en effet une nette décélération. Baroin va-t-il bouder ? Woerth aura-t-il encore son poste au moment où il faudra expliquer que les surplus sont en réalité des déficits plus importants que prévus ? La vente du godemiché en or de Liliane Bettencourt arrivera-t-elle à renflouer l’état français ?

Bear Facepalm

Tout ceci, finalement, est à l’image de la France : on place des objectifs dans le mauvais, le nul ou le médiocre, qu’on est ensuite ravis de ne pas atteindre.

De la même façon que pour défendre des systèmes collectivistes en pleine décrépitude, on sort toujours les exemples des pays où c’est pire, et où se comparer avec plus mauvais que soi procure une satisfaction tout à fait artificielle et donne un goût de l’effort très modéré, on retrouve ici ce biais caractéristique de toute cette France qui glandouille, qui claque le pognon des autres, qui n’en a, en réalité, absolument rien à battre des impôts, taxes et prélèvements qu’elle inflige, maintenant ou plus tard, à tout le reste de la population : faire moins minable, moins grotesque, moins ridicule ou moins mal qu’avant, c’est digne de réjouissances.

En fait, The Economist, qui titrait sur le rétrécissement de Sarkozy, se trompe. Il revient simplement à la taille adaptée aux ambitions et aux objectifs de ce pays.

Rikikis.

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Commentaires22

  1. EiriaTem

    J’avoue que cette phrase m’a aussi fait sérieusement réfléchir…

    «  » »Annoncer la découverte d’une « cagnotte » pourrait ainsi conforter ceux qui demandent au gouvernement d’adoucir sa réforme des retraites, tout en privant ce «  » »

    Je ne comprends toujours pas comment on peut écrire des trucs pareils.

    Rien à voir mais voisin, sur FI ce matin (oui je sais je me flagelle avec FI le matin) , la journaliste tenait absolument à faire dire à E.Besson que les Roms posaient un problème en France… Et Besson de faire toute une gymnastique pour ne pas tomber dans le piège pas fut-fut de la journaliste.

    C’est voisin, car c’est une question de vocabulaire et de mots. Employer certains mots et c’est le malheur qui s’abat sur vous…

    La cagnotte, la rigueur, …

  2. Chitah

    Je mentionnerai également le concept de « cagnotte fiscale ». En gros, si on a prévu 100 milliards de deficit dans le Projet de Loi de Finance Initial (PLFI), et qu’en réalité on n’en fait « que » 96 milliards, alors la Loi de Finance Rectificative peut acter une « cagnotte » de 4 milliards d’euros.

    Rien que ce concept illustre le paradigme de dépenses de l’Etat : tant que j’ai de la thune, je claque.

  3. Flo

    Aahhh le retour de la cagnotte enfin.

    Ca faisait bien depuis l’an 2000 qu’on en avait pas trouvé une aussi dodue! Tout bien considéré elle était même franchement chétive celle de 2000. A tel point qu’on se demande pourquoi elle avait tant agité la sphère médiatico-politique.
    Cette année là avec le bon Lolo aux finances le déficit était de voyons…209 milliards au lieu de 215 prévus.
    Six milliards de trou en moins à redistribuer (100 balles par tête de pipe) et on entendait les mêmes médias et politiciens déclamer qu’il serait vraiment injuste que l’Etat garde cette manne providentielle pour lui.
    Ah oui j’oubliais. C’était de Francs qu’il s’agissait donc même pas un petit myard d’aujourd’hui.
    Alors que là c’est plus un petit trou trou qu’on a à redistribuer c’est carrément un trou noir insondable. Pensez donc 100 milliards au lieu de 150 ça nous fait quand même une cagnotte 65 fois plus grosse qu’en 2000.
    1000 € par trouduc au lieu de 100 francs en seulement dix ans!
    Miam! Génial! Merci et encore bravo.

    1. Oh oui, subventionnons avec l’argent de tous les vices de quelques uns ! Je propose aussi des subventions pour une presse pédophile, des aides d’état pour les menteurs compulsifs … ah zut, ça existe déjà avec les subventions aux politiciens, …

      1. Chitah

        Le souci ici, mais je peux me tromper, c’est que la logique de ces « salles de shoot » est la même que celle qui sous-tend aux interdictions de fumer, ou aux messages de mangerbouger.
        A partir du moment où la protection santé est collective, alors la prévention santé l’est aussi. Et donc, un fumeur, en mettant sa santé en danger, met en péril la sécu par rapport au péquin moyen, toutes choses égales par ailleurs.
        De même, un toxico, et a fortiori un toxico qui se shoote n’importe comment (échanges de seringues, etc.) met en péril la protection collective.

        Où l’on voit vers quoi mène la logique de collectivisation.

        Bientôt, les régimes d’assurance chomage et de retraite risquent de s’effondrer : leur collectivisation nécessite une augmentation de la population de cotisants pour assurer leur équilibre.
        Donc, l’Etat mettra en place des salles de sexe, où chaque semaine, tous les couples devront venir copuler sous le contrôle d’officiers d’Etat, afin de vérifier que chacun participe au projet collectif de procréation.
        Seront également vérifiées l’application de telles et telles positions sexuelles facilitant la fécondation des ovules.

        1. Flo

          « Et donc, un fumeur, en mettant sa santé en danger, met en péril la sécu par rapport au péquin moyen »

          Hum…ça dépend, faut voir. D’après le ministre des finances d’un pays qui a bien connu la collectivisation il faut introduire les taxes dans l’équation.

        2. Higgins

          Tu as dramatiquement raison. Le motif qui sous-tend ce noble altruisme est moins la « sauvegarde » du malade, quel qu’il soit, que l’équilibre financier de la bête et le soucis de faire le bonheur des gens malgré eux. A partir de là, tout est possible et les thuriféraires de cette bête n’auront de cesse que de stigmatiser les comportements déviants ou bien de les absorber au sein de leur matrice voire de les imposer au besoin. Où l’on voit que la liberté individuelle est fortement attaquée par un système dont la volonté première est simplement de garantir la santé à tous. Comme dit le proverbe, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

    1. Mr T

      L’idée de la bad bank est top, voyons comment ça marche déjà ? Au départ une seule banque, un coup de poudre de perlinpinpin et zim-zoum hop deux banques, d’un côté une belle enseigne neuve prête à recommencer les affaires, de l’autre une vilaine banque qui fait rien qu’à engranger des pertes qui seront épongées par ce cochon de contribuable. Et roulez jeunesse.

  4. Ano

    Au zapping de Canal +, un alter-économiste proposait de financer les retraites avec de la dette, nous nous serions plus à quelques milliards de dette près pour lui.

    Mais non, la vilaine dictature des marchés faisait tout foiré le plan de ce monsieur, en ne voulant pas refiler ces sousous à un état en faillite.

  5. gnarf

    On en revient encore a Keynes qui prone la depense avant tout, et le reste on s’en fout.

    – Mais Lord Keynes, a long terme ca n’est pas tenable!
    – A long terme nous sommes tous morts…m’en fous.

    1. VRP

      Chut, on critique pas Keynes, nos dirigeants sont à deux doigts de lui construire une statue ! Georges Frêche le fera surement !

  6. victoria

    Bientôt, les régimes d’assurance chômage et de retraite risquent de s’effondrer.A partir de là, tout est possible, la liberté individuelle est fortement attaquée par un système dont la volonté première est simplement de garantir la santé à tous.

  7. roger

    Ton article me rappelle le phénomène de la cagnotte fiscale : ubuesque. Th Breton avait tranché à l’époque en attribuant le « surplus » au remboursement de la dette…
    Roger

    pas de pub.

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