Kung Fu Panda et le libéralisme à toutes les sauces

Slavoj Zizek. Vous ne le connaissez pas. Il ne vous connait pas non plus. Et vous n’allez pas en entendre parler. Ou si, un peu, ici, parce que c’est rigolo et que je n’ai pas envie de parler de la déconfiture grecque ou des chamailleries ridicules chez les Verts. Eh bien Zizek nous parle de Kung Fu Panda. Oui oui, le dessin animé. Cash. Il est comme ça, le Zizek.

Avant d’aller plus loin, il est bon de rappeler un peu qui est notre ami Zizek. Ce n’est pas un footballeur maudit qui serait aussi nul que Zizou serait bon. En fait, ça s’écrit Žižek, ça se prononce avec des patates chaudes dans la bouche, et c’est, officiellement, le philosophe le plus dangereux d’occident d’après Flammarion qui doit croquer du space-cake sur une base bi-quotidienne pour sortir un truc pareil.

Eh bien cette machine à tuer de la philosophie contemporaine, ce ninja de la métaphysique, je n’en avais jamais entendu parler. Bon. Il est vrai qu’en dehors de mangas douteux, je ne lis pas grand chose.

Je me suis précipité sur sa page Wikipedia, en français. On y apprend qu’il a été influencé notamment par Lacan, Deleuze et Badiou, ce qui est indispensable si on veut bien comprendre ce qui va débouler ensuite, avec la légèreté d’une division de panzer en ballerines de satin.

Et ce qui déboule ensuite, c’est cet article qui résume donc un essai de l’illustre penseur dans lequel il nous expose que Kung Fu Panda, le petit dessin animé avec un gros panda qui fait du kung-fu comme son titre l’indique très subtilement, est en fait une allégorie “tellement empreint(e) d’idéologie que cela en devient embarrassant“.

Quand j’ai pris connaissance de l’article, j’avoue effectivement avoir été embarrassé : c’est tout de même consternant qu’on puisse en arriver à ce niveau de pensée. Si c’était une masturbation, elle serait vigoureusement menée avec un microscope à effet tunnel.

L’article introduit son étalon du neurone en liberté avec cette phrase :

Entre psychanalyse et philosophie, l’histoire de Po apparait comme l’illustration de notre capacité à nier la dimension fantasmatique de nos propres fantasmes, qu’ils soient intimes ou politiques.

Ouch. Des chatons sont morts pour moins que ça.

Slavoj Zizek en roue libre

Un peu plus loin, après un bref rappel de l’histoire de Po, le panda qui fait du Kung-Fu, on en vient aux vraies questions qui tarabustent l’homme entre son rasage et sa première tartine, le matin, avant d’aller bosser :

Lorsque Po déroule le manuscrit du Dragon et n’y voit rien – rien qu’une surface vide –, cela ne vient-il pas confirmer la thèse lacanienne selon laquelle l'”objet a” est un leurre, un substitut du vide au cœur même de l’ordre symbolique, sans aucune consistance ontologique positive ?

Ici, on pourrait citer quasiment chaque paragraphe qui est du même acabit. Perdu dans l’immensité du vide intersidéral que remue avec beaucoup d’agitation le petit Slavoj pour continuer d’exister, le lecteur est baladé d’objet-cause en notions proto-lacaniennes, saupoudré d’objet a, bidule mousseux que Lacan avait introduit pour éviter de pomper trop violemment sur Freud qui était déjà un fumiste de compèt.

Vers la fin de l’article, épuisant à lire il faut bien le dire, on apprend que “dans l’univers de « Kung Fu Panda », seuls existent les objets et besoins quotidiens“, et qu’en conséquence, “cet univers est asexuel : le film ne comporte aucune scène ou allusion d’ordre sexuel“.

Le fait que le métrage ait été destiné, dès le départ, à des gamins ne vient guère effleurer l’auteur. Ok, soit, il existe des films pour mouflets dans lesquels la charge sexuelle est claire, mais voilà, il faut se résoudre à l’évidence : si c’est une motivation essentielle, pour ne pas dire unique, du philosophe freudo-lacano-branlouseur, il en va autrement des enfants prépubères que le sexe ne préoccupe qu’assez vaguement et qui ne voient dans les représentations de mariages et d’amourettes qu’une projection à l’écran de ce qu’ils peuvent voir partout autour d’eux.

Mais non. Pour le philosophe, c’est décidé, Kung Fu Panda “participe d’une économie orale-anale préœdipienne“. Quand un Zizek parle du cucul, c’est tout de suite limpide.

Quant à l’estocade finale, elle est grandiose.

Pour Zizek, le message fondamental du film est donc « Je sais fort bien qu’il n’y a nul ingrédient spécial, mais néanmoins j’y crois (et j’agis en conséquence). » , autrement dit, on place la croyance au dessus du savoir rationnel, et vas-y mamie, c’est donc une caractérisation du fonctionnement de l’idéologie actuelle.

Et c’est là, entre la dent et la gencive, que la Pignouferie de Presse attaque.

Car partant de là, avec un article qui, finalement, ne fait pas de mal à une mouche, zouf, le traducteur, ou l’auteur de l’article, ou le pigiste sous tranxène, ou je ne sais pas, en déduit que Kung Fu Panda, c’est du libéralisme brut, que Zizek l’a bien percé à jour, et titre même l’ensemble de l’ouvrage monumental par un flamboyant “«Kung-Fu Panda»: le libéralisme à visage mignon” : ici, la paluche atteint le rang d’acrobatie aérienne sans parachute. Le journalisme, c’est aussi ça, finalement : trouver des titres idiots sur des articles consternants.

Franchement, soyons clair : tout ceci n’a aucun sens. Quelque part, il semble nécessaire qu’une frange de l’humanité se pignole dur sur des interprétations ahurissantes d’oeuvres mineures, pour qu’une autre frange d’humanité s’amuse ensuite à lire les inepties sur-pensées ainsi produites.

Eh bien je dis : à pignole, pignole et demie.

Et puis, ça change des cacas nerveux des Grecs.

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Commentaires41

  1. Vincent

    On atteint un sommet de stupidité avec cet article. Les journaux devraient cesser de tourner avec du stagiaire militant au PG (vous savez le fan club de Meluch).

    S’enfiler un article comme ça puis pondre un post dessus sans sombrer dans la démence, c’est fort. Ou tu es un pervers.

  2. scaletrans

    Non seulement la masturbation rend sourd, mais elle rend fou aussi. Hé bin, les Slovènes, ils sont pas fauchés avec ça. Nous, en France, on est déjà largement pourvu…

  3. Flo

    “seuls existent les objets et besoins quotidiens” , et qu’en conséquence, “cet univers est asexuel”

    Rien que sur cette affirmation on pourrait rencontrer des contradicteurs 🙂

  4. Sanksion

    “la thèse lacanienne”

    de Lacan, qui a donné son nom au saut lacantique ?

    C’est bien ça ?

  5. Pschitt

    “(notons au passage que le nom même du héros, Po, est en allemand un terme commun pour « cul »)”

    Et Zizek fait penser à Zezette…

  6. David Brabant

    Cela traduit surtout le conformisme abyssal des journaleux qui, de nos jours, ne peuvent guère plus que tartiner poussivement les opinions dans l’air du temps, sans une once d’esprit critique, sans une gramme d’analyse, sans la moindre interrogation sur les poncifs bien baveux qu’ils se sentent obligé de nous servir. Faut dire que c’est ce qu’on leur enseigne dans les facs de journalisme.

    Le (turbo-néo-giga) libéralisme, c’est très mal. Je ne sais pas trop pourquoi, ça m’épuiserait mon neurone à temps partiel de le savoir mais, pardi, puisque tout le monde le dit. Et puisque c’es t ce que tout le monde veut entendre.

    1. Higgins

      JM Aphatie, dans son billet du jour, nous parle entre autres choses des foucades qu’il subit de la part d’un de ces trop nombreux journaleux français: http://www.rtl.fr/blog/aphatie/un-chat-est-un-chat-et-philippe-cohen-un-journaliste-17-06-7695880475.

      Par un raisonnement aussi audacieux qu’il est gratuit, il se retrouve dans la peau d’un pauvre con, pardon, d’un libéral pur jus, tout cela parce que parfois, il (JM Aphatie) a la malheur de déclarer que, décidément, l’empereur est bien nu et qu’avec les hivers à venir, l’empereur risque d’avoir encore plus froid (http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Habits_neufs_de_l%27empereur). Le dit journaleux doit être un zélé disciple de Žižek avec de tels raisonnements.
      Je tiens à préciser que si j’aime bien lire ses billets quotidiens, je ne suis pas du tout un de ses auditeurs attitrés.

  7. Melkion

    Les réinterprétations sont à la mode en ce moment, il n’y a pas si longtemps, les schtroumpfs étaient passés à la moulinette de nos zinzintellectuels qui les découvraient antisémites, racistes… Ça serait presque drôle si ce n’était pas aussi consternant et creux.

  8. Pierre-Yves

    Slavoj Zizek est visiblement perdu dans ses pensées.

    Un vaccin: Czeslaw Milosz’ “The captive mind” / “La pensée captive” ?

  9. Pierre-Yves

    Ses théories ne sont malheureusement pas à prendre à la légère, à mon avis – société en danger.

    1. MC

      Quelles théories ? Zizek se revendique de Lacan et Deleuze, ce qui en soit, déjà me semble bien contradictoire, il suffit de lire l’anti-oedipe et les séminaires de Lacan pour voir à quel point ces deux pensées sont différentes et sur la majorité des point anti-thétique (déjà les lacaniens voient le désir comme un manque alors qu’il est une machine de production chez Deleuze et Guattari) Bref; Zizek analyse le problème sous un mauvais angle et avec un mauvais point de départ. Le capitalisme est une aberration car il participe d’un fonctionnement inhumain (au sens où l’humain ne sert pas au fonctionnement du capitalisme), il n’est en aucun cas à confondre avec le libéralisme (qui me gave aussi, car purement idéologique, c’est-à-dire irréaliste, mais ça n’a rien à voir…). Si le sujet vous intéresse, je ne peux que vous conseiller un travail nettement plus pertinent qui est le livre de Julian Ferreyra “l’ontologie du capitalisme ches Gilles Deleuze”.

      1. Pierre-Yves

        Il faudrait étudier sa théorie pour savoir s’il valorise le principe de non-contradiction.

        Cela dit, que “le désir” recouvre deux définitions différentes chez deux auteurs différents n’implique pas qu’il y ait incohérence: cela peut simplement signifier qu’ils utilisent le même mot pour parler de deux choses différentes.

      2. alex6

        “Le capitalisme est une aberration car il participe d’un fonctionnement inhumain (au sens où l’humain ne sert pas au fonctionnement du capitalisme)”
        Co-llec-tor!
        Et le capital il s’accumule comment, hein?

  10. grandeseringue

    Rien compris mais alors rien : comment l’hurluberlu fait pour aller du point A (placer la croyance au-dessus du savoir rationnel) au point B (c’est typique du libéralisme) ?
    Si quelqu’un a une idée…
    Mais sans doute vaut-il mieux les laisser se tripoter dans leur coin et regarder Kung Fu Panda tranquillement parce que je le confesse, moi, ça m’a fait rire et j’espère que le 2 est aussi amusant que le premier.

    1. Nord

      Ah oui, c’est du lourd! Il est quand même un peu allumé le gars, non? Presque en transe …

      1. Pierre-Yves

        Il est sans doute perdu dans ses pensées, et nier la réalité c’est stressant.

        Il est sans doute aussi mal à l’aise, comme beaucoup avant lui qui ont entrainé beaucoup de misère humaine:
        Hegel
        Nietzsche
        Marx
        Freud
        Lacan
        Foucault
        etc…

        Et en plus de se noyer dans les profondeurs de leur pensée obscure, ils ont parfois donné l’occasion à d’autres d’influencer des sociétés entières.

        Apparemment, il influence pas mal de gens.

        1. David Brabant

          Au concours du name dropping, vous gagnez la palme. Juste après celle du vide d’argumentation.

  11. Pere Collateur

    D’un autre coté, il y a peu de temps, j’avais vu passer une analyse sur les Schtroumpfs qui seraient en fait communistes.

    Ici par exemple:

    http://livres.fluctuat.net/blog/33021-les-schtroumpfs-sont-ils-communistes-.html

    Je suppose donc que notre philosophe au nom imprononçable a voulut équilibrer les choses en dégotant d’autres personnages de dessins animés, mais libéraux cette fois…

    On attend avec impatience les analyses des Barbapapas, de Casimir, d’Albator et surtout de Goldorak!

    Et par pitié, laissez tranquille la sexualité du Capitaine Flam!

    1. Les schtroumpfs coco, j’en ai parlé quand j’ai évoqué Captain Euro, le Captain qui tend vers Zéro…

      1. Pere Collateur

        Vu le nombre de saisons, d’épisodes, d’OAV et de films qu’a généré la licence Gundam, on peut tranquillement le laisser regarder tout ça.
        Ça nous fera des vacances pour plusieurs années ^^

    2. grandeseringue

      Oui mais Capitaine Flam il est pô de not’galaxie alors on peut pas savoir !
      Et tout compte fait, quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on voudrait peut-être y aller dans une autre galaxie…”d’aussi loin que l’infiniiiiiiiii…”

  12. gem

    arriver à caser “nier la dimension fantasmatique” dans un article sur dessin animé dont les personnages sont des animaux et qui pratiquent un kung-fu de … dessin animé…

    Trop fort.

  13. Nicolas

    Slavoj Zizek, je connaît. C’est un Stalinien Marxiste Léniniste pur et dur.. Avec lui, les camps de la morts tourneraient à plein régime..

    S’il réalise que ses son “capacité à nier la dimension fantasmatique de nos propres fantasmes, qu’ils soient intimes ou politiques.”, c’est à dire au fait qu’un génocide de millions de gens qui ne lui ont objectivement rien fait tient du délire pur et simple, c’est un progrès. (Car rappelons que le programme du camarade Lénine était l’extermination de toute personne à parti du niveau d’ouvrier qualifié. Car tant qu’un seule personne sera plus intelligente qu’une autre “il n’y aura pas l’égalité”…. 18 millions de morts)

  14. Serge Cheminade

    “je ne sais pas, en déduit que Kung Fu Panda, c’est du libéralisme brut”

    Le moindre document qui pourrait faire penser que les citoyens peuvent faire sans un politique (ou un roi, un seigneur, un chef… ), ne serait-ce qu’un soupçon peut-être un trou dans le mur de l’idéologie inculquée aux enfants. Par ce trou, même minuscule, ils pourraient voir ce qu’est la liberté.

    Comme nous sommes le 18 juin, je signale qu’avec mon texte “Pour que les citoyens aient la majorité” je lance un véritable appel à la résistance. Il commence ainsi :

    “Les citoyens sont libres à condition de faire ce que les politiques veulent. Est-ce cela la liberté? Sommes-nous majeurs lorsque nos parents ont le droit de nous imposer ce qu’ils croient bien pour nous? Le sommes-nous lorsque les politiques peuvent le faire?”

    La suite à http://www.orvinfait.fr/pour_que_les_citoyens_aient_la_majorite.html

    Le texte est à diffuser à tous ses contacts. S’il plaît et qu’il est relayé ça va faire très mal à certains à commencer par les pharmaciens et les enseignants défenseurs du public.

  15. David Brabant

    Ben, fidèle à ma conduite scientifique, je suis allé le voir ce film terriblement subversif, qui prône un méchant-ultra-giga-néo-libéralisme. Avec mes deux mômes. Ils ont adoré. Deux futurs libéraux, sans doute. Et c’était pas mal fait, en fait. Juste un peu déçu qu’on y mange pas des petits n’enfants communiste en daube.

  16. Théo31

    Que des psy-choses ou psy-trucs fricotent avec des marxistes ne devrait étonner personne. La psychanalyse est une “science” totalitaire qui essaie de faire rentrer les êtres humains dans des petites cases appelées maladies mentales.

    1. pod

      et sachant que l’hôpital psychiatrique est aussi une très grosse spécialité communiste.

  17. Arnaud

    En même temps, Kung Fu Panda n’est pas une œuvre mineure si l’on considère son audience.

    Ceci dit, je trouve aussi consternant qu’une histoire qui raconte, en gros, qu’il ne faut pas avoir peur d’essayer de réaliser ses rêves si l’on ne veut pas vivre en vain, puisse déboucher sur une telle analyse.

    Oui, ce genre de film met la croyance au dessus de la raison, fait de l’envie le moteur magique du changement, mais bon, c’est quand même par ça qu’il faut commencer quand on parle à des enfants. Ensuite, on abordera les problèmes plus techniques…

    Bref…

  18. Commentfairelamour

    C’est toujours affligeant de voir des gens sans doute intelligents se perdre dans les méandres de la sur-analyse. Le pire, c’est qu’au lieu de s’attacher à produire une réflexion sur de réels problèmes de la société, et Dieu sait qu’il y en a, l’auteur a préféré prendre de l’héroine avant d’écrire. Cela me rappelle, le bouquin de Tony Fortin, mythologie des jeux vidéo, dans lequel l’auteur voit les affres du capitalisme sauvage dans chaque manette.

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