Trois nouvelles raisons de se méfier des politiciens

Pour ce dimanche, il m’a été difficile de trouver un sujet. Le problème n’est pas un manque ici, mais plutôt un trop plein. Je suis en effet tombé sur trois nouvelles qui illustrent très bien l’incurie des politiciens…

Du côté de l’Oncle Sam

La première était, en quelque sorte, courue d’avance : le gouvernement américain, ayant finalement très très mal pris la dégradation de la note de sa dette souveraine, a décidé, en toute bonne logique du « Tu Vas Voir Ta Gueule À La Récré », de lancer une enquête sur Standard & Poor’s.

L’idée générale est de savoir sur quels calculs se base S&P pour déterminer la note des Etats-Unis, et ainsi, montrer que la méchante agence de notation a motivé sa décision pour des raisons purement politiques et non objectives, économiques et tout ça qui font que normalement, les USA, c’est AAA, et puis c’est tout.

L’aspect caricatural d’une telle réaction ne peut que laisser songeur l’observateur extérieur, car la décision d’enquêter sur l’institution ne peut être, elle, que politique. Et on a bien du mal à y déceler autre chose qu’un mouvement de colère, une envie de rétorsion : tant que S&P laissait le AAA, aucune enquête ne fut proposée pour s’assurer que le calcul était bien juste.

Pourtant, au regard de la dette américaine, il y avait bien de quoi s’interroger sur la pertinence du AAA américain pendant au moins les trois dernières années. La petite mise en perspective ci-dessous rappelle la monstruosité des chiffres qu’on doit traiter ici : le gros bloc plus haut que la Statue de la Liberté représente la dette courante, en billets de 100$. Et la grande tour, plus haute que le défunt WTC, c’est la dette et les engagements américains (retraites et Obamacare, notamment).

us debt infographics

Quel est, dès lors, le but poursuivi par l’administration Obama en se lançant dans cette enquête futile ? Montrer à tous l’irritabilité des élus, exposer clairement qu’on n’enquiquine pas impunément le maître des Imprimantes Couleurs ?

Pour le moment, la presse n’a pas trop commenté la décision d’enquête. Parions pourtant sur de la bonne pignouferie bien grasse lorsqu’elle aura eu le temps de se retourner.

Car en réalité, nos sémillants journalistes devraient tenir le raisonnement suivant : après tout S&P est normalement une société privée. Si elle a envie de noter les américains AA+ au lieu de AAA, elle fait ce qu’elle veut. Après tout, si c’est le foutoir ensuite, si les cours s’effondrent, c’est bel et bien parce que les états ont absolument tout fait pour assurer un oligopole bien cadenassé aux trois agences : ça leur permettait de les museler et de s’assurer ainsi de bonnes notes tant que c’était possible.

Mais le fait est que lorsque la manip est trop grosse, on se retrouve coincé : tout le monde utilise la notation de ces trois entités (S&P, Moody’s, Fitch) et aucune autre. Pas de voie alternative…

Et en pratique, le raisonnement auquel on aura droit sera sur l’air du « C’est bien fait, ces agences n’ont pas à croire qu’elles sont toutes puissantes ». On peut parier sur les déclarations satisfaites d’un Mélenchon ou d’autres acéphales en mode démago et illogique : ces agences ne signifient rien, disent-ils, mais on est bien content de leur cogner dessus.

Du côté de l’Italie

Parallèlement, on apprend que le gouvernement italien tente l’esbroufe, et la presse la pignouferie, sur le dernier « plan de rigueur » proposé par l’Italie pour se sortir du caca dans lequel elle barbotait pourtant avec délice depuis des décennies.

Tout d’un coup, et alors que la dette du pays s’est construite sans gêne pendant les vingt années précédentes (plus de 500 milliards d’euros en 1985, et plus de 1500 à présent, et déficits constant depuis 1999), l’Italie se sent pousser des besoins d’économie : 45,5 milliards d’euros sur deux ans, soit 23 milliards par an, et 48 sur trois ans, soit donc 39 milliards de rabot pendant 2 ans et 16 la dernière année. Pour un déficit courant de plus de cent milliards, on en déduit donc qu’il reste 60 milliards à gratter (soit, bon an mal an, presque le double des efforts entrepris).

Tous les ans.

L’austérité n’a qu’à peine débuté.

Pour remettre les choses en perspective, Berlusconi a donc déclaré qu’il allait enfoncer son pays moins que prévu et que ça l’embarrassait pas mal : il y aura, de fait, moins d’argent gratuit à distribuer à ses futurs électeurs, qui risquent donc d’être moins nombreux.

Zut, n’est-ce pas ?

En attendant, la BCE a indiqué que l’Italie ne courait aucun danger. Et a repris deux fois des nouilles des bons du trésor italien en douce. On se rappellera que les précédentes interventions de la banque centrale pour la Grèce, l’Irlande ou le Portugal se sont à chaque fois soldés par des succès effroyables.

Et du côté de la France

Quant aux Français, ils se réveillent : on leur aurait quelque peu bourré le mou avec les histoires de dettes que ce n’est pas grave du tout ma bonne dame, et que le AAA Français, c’est du solide, et qu’un état, ça ne peut pas faire faillite, et que les gens qui nous gouvernent savent pertinemment ce qu’il faut faire pour remettre tout ce beau monde en marche, voyons.

On pourrait gagner un peu d’espoir à lecture du sondage qui indique que plus de 80% de ces Français jugent la dette préoccupante. Mais cet espoir est douché lorsqu’on voit que, inculture économique aidant, ces mêmes Français désirent en priorité, pour apaiser le problème d’endettement public, revenir sur la baisse de TVA dans la restauration et la défiscalisation des heures supplémentaires.

L’aspect microscopique de ces changements au regard des douzaines de milliards qu’il faut trouver, ici et maintenant, pour simplement arrêter de creuser la dette, permet de bien comprendre que l’ampleur de la catastrophe n’est encore perçu par quasiment personne : pour le moment, les propositions concrètes, en France, sont inexistantes. Le problème, politiquement parlant, n’est même pas encore sur le radar. Et avec la croissance nulle (et probablement négative les prochains semestres), on voit mal la situation s’améliorer.

Aux US, en Italie et en France, finalement, c’est toujours la même chose : le politicien agit essentiellement sur le registre purement émotionnel. Dans la panique pour conserver son poste, il montre ses crocs, il pleurniche à la télé, et n’accorde finalement qu’une place mineure aux problèmes qui peuvent être refilés à son successeur.

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Commentaires19

  1. Alex6

    Marrant h16, je me souviens il y a un an presque jour pour jour t’avoir donne rdv apres tes vacances pour la degradation de la note francaise, un peu en forme de boutade.
    C’est peut-etre un peu juste pour 2011 mais je doute que je puisse encore le faire pour la rentree 2012.
    En tout cas, klaxonne toujours autant a l’approche du mur, on a juste pris un peu plus de vitesse depuis…

  2. daredevil2007

    Très bon, Hash mais vous avez oublié votre formule fétiche à la fin de votre réquisitoire 😉

    CPF

    1. chrome

      Plutôt CPEF
      Les CPF sont les « Chances Pour la France », appartenant à des groupes qu’il faut à tout prix (et là, ça se compte en centaines de millions) éviter de stigmatiser. Les CPF ont souvent un bon casier judiciaire et des aptitudes particulières comme entre autre :
      _ relancer les ventes automobiles par combustion pas trop spontanée des anciennes.
      _ maintenir le niveau opérationnel des forces de l’ordre, c’est à dire sa capacité à encaisser les coups sans les rendre et constater les dégâts, par des exercices réguliers
      _ Assurer une production artistique rangée par défaut au rayon musique qui conduirait n’importe qui d’autre devant un tribunal
      _ Apprendre aux êtres humains qui n’appartiennent pas au même groupe qu’eux ce qu’est un traumatisme par l’utilisation de violences tant verbales (souvent racistes et sexistes) que physique
      _… La liste est beaucoup trop longue pour être exhaustive.

  3. Pere Collateur

    A propos des punitions à la récré, il me semble avoir vu passé une news similaire pour l’Italie, comme quoi Berlu aurait aussi envoyé ses sbires dans les locaux d’une agence de notation…

    Quand on en est à utiliser ce genre de pratiques mafieuses, c’est que ça sent vraiment le sapin.

  4. El Gringo

    Au sujet des « solutions » préconisées par une « large majorité de français », j’imagine qu’elles font partie d’une liste proposée aux sondés parmi laquelle ne figurait certainement pas:
    – mettre fin au monopole de la sécurité sociale, ou bien
    – libéraliser le code du travail, ou encore
    – faire payer les élus (après tout, pas plus bête que « faire payer les riches » 😉 )

    1. Pascale

      – faire payer les zartistes (ceux du show-bizz) et les footballeux (après tout, pas plus bête que « faire payer les riches »),

      en quatrième position sur la liste des solutions non proposées aux sondés.

  5. Glam

    dans le domaine economique, ca pignouffe effectivement en roue libre depuis des semaines sur lib et le mond, avec des articles qui en substances disent bouh bouh vilaines agences de notation, bouh bouh vilaines bourses, et des commentaires de lecteurs qui disent en gros ‘proute, rote, a mort les riches, trotsky mon amour, rote’.

  6. Stéphane

    Je me marre en pensant qu’après vérification des calculs, les autorités américaines et S&P pourraient finalement conclure, embarrassés, que la note américaine réelle devrait être BB+, hihihi! 🙂

    Et ne parlons pas du pseudo triple-A français… 😀

  7. Franck Boizard

    Il est mignon, le h16.

    Il fait mine de découvrir que nos politiciens sont cons, véreux et incompétents.

    Moi, c’est bizarre, c’est quand je reçois mon avis d’imposition que j’y pense.

  8. Théo31

    C’est curieux, quand les agences ont relevé la notation du Brésil, personne n’a gueulé.

  9. BA

    Vendredi 12 août 2011 :

    Italie : record de la dette en juin à plus de 1900 milliards d’euros.

    La dette publique de l’Italie, qui est l’une des plus élevées du monde en valeur absolue, a atteint un nouveau record en juin, à 1901,9 milliards d’euros, contre 1897 milliards d’euros au mois de mai.

    Elle représente 120 % de son produit intérieur brut (PIB).

    Elle s’accentue ainsi pour le troisième mois consécutif. Sur un an, elle a progressé en juin de 3,19% en données absolues.

    « Chaque nouveau-né se trouve avec une dette publique de 31’700 euros, qui s’élève à 90’565 euros par ménage », ont dénoncé les associations de consommateurs italiens.

    http://www.lematin.ch/flashinfo/economie/italie-record-de-la-dette-en-juin-plus-de-1900-milliards-deuros

    1. librexavier

      Petite question à tous:
      Il me semble que dans le calcul du PIB, est inclus la production des fonctionnaires.
      Le mode de calcul est l’addition de tout ce qu’ils coûtent.
      Est-ce exact ?

      Si c’est le cas, ceci implique que lorsqu’on affirme que la dette correspond à 120 % du PIB, en réalité si on prend la vrai base productive, c’est-à-dire la sphère privée, on atteint des proportions astronomiques

        1. poum

          en meme temps des rfonctionnaires qui produisent quoi que ce soit y en a pas des masses.
          Et aussi des entreprises publiques qui font semblant d’etre des entreprises privees en france il y en a tout un tas.donc le secteur prive est encore plus petit qu’on pense.

  10. Higgins

    Je n’ai pas encore eu le temps de lire l’ouvrage d’Ortega (je l’attends) mais ce post lu chez Didier Goux et consacré à ce penseur méconnu me semble assez éclairant et tout à fait adapté à la situation présente: http://didiergouxbis.blogspot.com/2011/08/ortega-y-gasset-pour-une-politique.html

    J’en tire cet extrait pour plus de commodité: « …Lorsque ces minorités, ces élites (Ortega assigne un rôle prépondérant à des minorités d’individus dans le processus de structuration du corps social: en France, c’est essentiellement l’oligarchie politico-financière qui dirige le pays), cessent de tenir leur rôle, le corps social se défait et c’est la voie royale pour toutes sortes de régressions, dont la plus dangereuse semble bien être l’étatisation de tout le champ social et, en parallèle, la montée de la violence, le recours systématique à la force, ce que le philosophe appelle l’action directe, et qui n’est autre, les élites ayant renoncé leur rôle de médiateurs, que l’intervention directe des masses dans la vie publique : « L’étatisme est la forme supérieure que prennent la violence et l’action directe constituées en normes. À travers et par le moyen de l’État, machine anonyme, les masses agissent par elles-mêmes. » C’est cette observation qui conduit Ortega y Gasset à réaffirmer la supériorité indépassable du libéralisme politique, ou si l’on préfère de la démocratie libérale, et, donc, à renvoyer dos à dos les deux totalitarismes de son siècle… »

  11. waynes

    a propos de l’enquete de la sec sur standards and poor:la sec enquete plus precisément sur des délits d’initiés.une semaine avant la dégradation des hedge fund ont vendu la bourse us agressivement(ventes a terme).effectivement les bourses etaient en chute libre une semaine avant dégradation.donc certains hedge funds initiés ont fait fortune.c’est probablement les non initiés qui l’ont mauvaise,et qui ont saisi la sec.on peut comme toujours s’attendre a une enquete sérieuse(cf maddoff)

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