L’université d’été du PS a donc commencé sous les ovations déchaînées d’une foule de frétillants militants socialistes. Tous les candidats aux primaires y sont venus exposer leurs ébauches de programme, à l’exception remarquée et lourdement commentée de François Hollande, qui a trouvé dans sa petite manœuvre une façon de se démarquer.
Dans ce raout bien huilé, Martine Aubry a, semble-t-il, frappé les esprits par sa combativité : beaucoup s’accordent à dire que la première secrétaire a enfin passé la seconde du petit moteur à mazout d’une campagne qui n’arrive pourtant pas à la faire décoller de la deuxième place des sondages, derrière un Hollande dont l’attitude zen (et, il faut dire, un peu indolente) l’agace prodigieusement à en juger par l’avalanche de piques pointues qu’elle lui sert sans hésiter.
Cette accélération doit beaucoup à quelques unes des phrases choc qu’Aubry aura égrenées au long de son discours d’ouverture.
Si l’on passe sur quelques maladresses évidentes, comme saluer le « courageux » (sic) Papandréou, qui a tout de même instauré des plans de rigueur (insuffisants, de surcroît) en Grèce, on trouve par exemple l’éternel appel à un « nouveau système« , jamais clairement défini, plus tellement nouveau mais forcément différent de celui qui ne marche pas et dont les socialistes ne sont pas, on s’en doute, du tout responsables.
On a aussi droit à des propositions que d’autres candidats se sont déjà appropriées, comme par exemple le poncif qui consiste à réclamer une nouvelle agence de notation des dettes souveraines, indépendante mais bien sûr publique, dont on se demande exactement ce que pourront vraiment valoir les notations quand les salaires des gens qui y travailleront dépendront du bon vouloir de celui qu’ils notent…
Et en bonne place, au milieu des prévisibles critiques du gouvernement, on découvre ainsi que selon elle, la règle d’or de Nicolas Sarkozy … ne réglera rien. On comprend qu’imposer constitutionnellement un retour rapide à l’équilibre budgétaire encombrerait assez méchamment tout parti qui se trouvera en place à ce moment. Se voyant déjà dans le confortable fauteuil présidentiel, Martine n’hésite donc pas à ridiculiser l’initiative et en profite pour expliquer — en toute modestie socialiste — que cette règle d’or, elle s’en est fort bien passée pour « redresser les comptes de la sécurité sociale et créer la CMU en même temps« … Elle est vraiment trop forte, Martine.
Dans la salle, ses groupies ont consciencieusement applaudi chacune de ses salves. Ils étaient facilement repérables à un t-shirt imprimé pour l’occasion sur lequel on pouvait lire « Yes We Care« .
Et là, soudainement, on se rappelle de la fameuse « société du Care » de la même Aubry qui fit vaguement débat en mai 2010 (oui oui, il y a nettement plus d’un an, donc) avant de terminer dans un flop mou caractéristique des idées creuses exclusivement destinées à une communication d’emballage de baudruches.
Le message de ces t-shirts est globalement très mal joué.
D’une part, il rappelle à tous que la communication, quand elle ne supporte aucun produit, n’est qu’un air de flûtiau : aussitôt entendu, aussitôt oublié.
D’autre part, la mauvaise copie du slogan d’Obama n’est pas forcément très finaude : le président américain n’a jamais été aussi bas dans les sondages d’opinion, et l’état actuel des Etats-Unis fait plutôt frémir que rêver. En plus, si l’on s’en tient à la récente perte américaine, le message s’écrit maintenant plutôt « Yes We Cn », ce qui ne veut plus rien dire. S’adosser ainsi à cette image déplorable n’est probablement pas le souhait des militants, mais le risque existe bel et bien.
Enfin, tout le monde se souvient en revanche parfaitement des autres t-shirts « Yes We Kahn« , portés brièvement avant que le directeur du FMI fasse un tour en pyjama orange par la case Rikers Island. Là encore, rappeler ainsi le délicat problème DSK et s’y accoler aussi tendrement, c’est un pari dangereux. Sans oublier qu’on peut compter sur tous les adversaires de Martine (dont les plus féroces seront sans doute dans son propre camp) pour lui demander lourdement ce qu’elle pense de la condition féminine, histoire de remuer un peu le couteausk dans la plaidsk.
Il faut bien se faire une raison : la société du « care » de Martine Aubry restera lettre morte, comme, du reste, toutes les belles pensées positives qu’elle déploiera dans un programme encore à écrire à l’encre très pâle et diluée d’une République exsangue.
Effectivement, on la voit mal distribuer des largesses budgétaire alors qu’elle devra tout faire pour montrer ses talents à respecter (voire dépasser !) cette règle d’or dont elle prétend s’être affranchie pour sauver la Sécu, la veuve et l’orphelin. Or, l’état est aux abois et n’a, pour tout dire, plus un rond.
Avec ses déficits abyssaux, la France accroît de plusieurs centaines de millions d’euros par jour sa montagne de dettes. Il semble dès lors que si Martine Aubry est élue, son « care » devra se limiter à dorloter le budget pour le mettre à l’abri des turbulences violentes qu’on sent déjà poindre.
On peine à voir dans la candidate et son avalanche de bricolages flous la moindre capacité à relever ce défi.
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Note :
Ce billet était au départ destiné à paraître sur Atlantico. Suite à une erreur technique, il n'est pas parvenu dans ses colonnes ; je vous en fait donc profiter, exceptionnellement, ce samedi.
Il ne faut pas en vouloir à Martine. Ce sont ses consultants qui moulinent à vide. Je la vois uniquement en tant que candidate, pas en tant qu’agitateur d’idées ou créateur d’espérance.
Son rôle se borne à être sous l’oeil des caméras le plus souvent possible, sous son meilleur profil (Ségolène est championne pour ça), à sortir une petite phrase creuse et inutile mais surtout sans danger pour elle. Quand elle doit faire semblant de prendre position ce sont ses communicants qui sont à la manoeuvre et préparent soigneusement le terrain.(Idem pour les autres).
Voilà la bouillie « démocratique » à laquelle nous allons être nourris jusqu’en mai 2012. C’est consternant et surtout dramatique pour ce peuple qui a eu les plus grands penseurs du XVII° au mi XX° siècle et qui en est réduit à ça.
Malheureusement, … j’abonde.
Hourra, un article de H16 un samedi !!!
J’ai noté une faute :
« (dont les plus féroces seront sans doute dans son propre camp) »
au lieu de
« (dont les plus féroces seront sans doute dans son propre khan) »….
Bon, pour en venir au fond, je suis très déçu de Martine.
Enfin, non, plutôt des primaires.
C’est un système qui pousse encore plus les pré-candidats à toujours plus de promesses pour galvauder ses troupes et, bien sûr, de slogans creux voire en décalage.
Mais pire, chaque candidat doit se démarquer (de manière exagérée ??), puis, au paroxysme de ce grand écart, un(e) seul(e) sera choisi(e) pour représenter tous les autres !!
En doublant la campagne (primaire puis présidentielle), le résultat n’en sera qu’une parodie de choix où l’emballage compte plus que le programme insipide, caricatural voire oxymorique.
Oui, mais, who care ?
En bon anglais, c’est « who cares? » 😉
Déçu des primaires ? Pourtant, il fallait s’y attendre : les socialistes ont toujours été très primaires.
Tu as raison, le socialisme est forcément primaire : il faut de la hauteur pour distinguer ce que l’on voit (facile ça, donc primaire) et ce que l’on ne voit pas (nécessitant du bon sens).
Quand je disais que j’étais déçu, c’est en fait :
– Martine (2011) se Ségolènise (2007),
– le système des primaires, que j’espérais être une chance pour voir émerger de nouvelles têtes et/ou des idées, est inutile.
La différence entre les socialistes de Droite (UMP) et les socialistes de Gauche (PS), c’est que les premiers se choisissent d’abord le clown qui les représentera, puis élaborent un semblant de programme, alors que les seconds pondent un programme que les clowns de la primaire vont amender, compléter, expliquer, etc…
Au final, plus c’est court (campagne(s) et élection), moins on perd de temps en futilités.
Pas « galvauder », galvaniser
Euh oui, merci !!! C’est bien galvaniser !
Le samedi, c’est bien aussi. Merci pour ce billet, donc.
Afin d’illustrer la notion de vide, on pourrait mettre une photo de Martine dans les encyclopédies illustrées. Ce serait assez démonstratif.
Par ailleurs, en matière d’illustration, je crois avoir trouvé comment illustrer la social-démocratie à la française. On peut la symboliser par le personnage de Dolorès Ombrage ( http://fr.harrypotter.wikia.com/wiki/Dolores_Ombrage ) dans la saga Harry Potter. Comme elle, elle est toute rose et se complait dans les environnements sucrés mais surtout, c’est une vraie s…. qui n’hésite devant rien pour arriver à ses fins. Dans la saga, c’est comme dans ce pays, elle s’évertue à détruire l’enseignement classique pour le remplacer par un infâme blougi-boulga au nom du bien commun, bien entendu.
En matière de morale publique (expression qui de vient un véritable oxymore dans notre belle société comme morale républicaine ou citoyenne), cette info est croustillante: http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/jean-guisnel/fregates-de-taiwan-paris-condamne-la-defense-passe-a-la-caisse-02-09-2011-1369187_53.php.
En fait ça va ressembler au premier opus de MGMT si elle est élue: We (Don’t) Care
We Care
Money To Burn
Everything’s Happenin’ So Fast
Love Always Remains
We Don’t Care
Ces primaires sont surtout un excellent moyen pour le PS d’occuper les médias en permanence pendant les longs mois qui précèdent la primaire et de se faire tourner les projecteurs vers les candidats. Au niveau notoriété c’est tout bon car il me semble que c’est un moyen de manipuler l’opinion publique bien avant la campagne des présidentielles.
C’est vrai que c’est bien pour manipuler le citoyen assoupi.
Mais ceux qui balisent en voyant ces excités prendre (depuis des années) des mesures toujours plus crétines, intervenir là où ce n’est pas nécessaire, ceux-là assistent impuissants au ballet des hypocrites sans être convaincus.
En fait non, il n’y a pas besoin de manipuler l’opinion : cela fait longtemps que les médias ont sacrifié toute conscience professionnelle en débitant la même bouillie mainstream.
Et ceux qui s’informent autrement ne pourront pas être manipulés.
« yes we cn » ..
mon cher H16, celle là est trop subtile, je pense que la moitié des lecteurs ne l’auront pas comprise …
sondage ? moi je parie au contraire qu’il y en a pas un sur 10 qui n’aura pas compris.
Nous sommes à l’ère du vide. Notre PS étant de niveau mondial dans ce domaine, il a sa chance.
Croyez vous que, parmi nos concitoyens matraqués de prose citoyenne et solidaire, assommés de socialisme de gauche et de droite, on puisse trouver une majorité lucide ?
Avant la cata ? Non.
Et puis même si il y avait une majorité de « lucide », vers qui se tourneraient ils? La pêche à la ligne? La pétanque? Le petit blanc au comptoir? Vivement Dimanche avec Drucker?
2012 sera au mieux un passeport pour encore 5 ans pour rien, au pire… Chacun complétera comme il le sent.