Une presse française lâche et paresseuse

Ah, finalement, qu’il est doux d’être journaliste en France dans un journal de révérence !

Jadis, c’était un travail fatigant, voire stressant et parfois même risqué : il fallait aller chercher l’information directement sur le terrain et la corroborer le carnet de notes à la main. Certains événements pouvaient impliquer de mettre sa vie en danger ; et certaines informations, une fois obtenues, pouvaient signifier une exposition directe aux rétorsions des puissants…

Heureusement, en France, ce temps est révolu : de nos jours, les nouvelles, rédigées de façon presqu’automatique par l’Agence Fausse Presse, sont religieusement reprises, fautes d’orthographes y comprises, par toutes les officines médiatiques estampillées “Source fiable”. Parfois, le journaliste en rédaction exécutera un petit travail d’illustration et quelques remaniements de phrases pour donner un petit caractère original à la notule fraîchement démoulée. La plupart du temps, le copier-coller sera l’opération la plus complexe menée pour transmettre l’information, menaçant le pigiste d’une foulure de pouce lors de ces répétitions frénétiques.

Et pour ce qui concerne les contenus, ils seront méticuleusement choisis pour ne surtout froisser personne aux étages influents : la presse française a, depuis longtemps, abandonné toute velléité d’informer, d’analyser et de décortiquer une information, aussi épineuse soit-elle, pour ne plus se concentrer que sur les histoires qu’il faudra enrober avec plus ou moins de talent pour la diffuser habilement.

Comme le disent les anglo-saxons, elle a troqué l’information pour le “narratif”.

Et en période de tensions, au moment où les sujets d’actualités se font de plus en plus clivants, la presse française se dresse comme un seul homme pour nous entretenir de sujets palpitants comme la virilité des barbecues et l’inhérent besoin d’écoféminisme pour abandonner la viande, ce qui aura cramé en buzz médiatique l’équivalent énergétique d’au moins une journée d’éolien par grand vent, les frasques carbonées de Mélenchon repartant avec panache dans un gros 4×4 thermique après un discours écolo-lacrymogène, ce qui ne manque pas d’occuper les navrantes chroniques de trop de journaux, ou, encore plus caricatural, les blagounettes à base de char à voile d’un entraîneur d’équipe de foot qui semblent faire sortir de leurs gonds tous les petits censeurs écosensibles de la classe jacassante.

Pourtant, les sujets d’importance ne manquent pas : l’inflation galopante, l’impéritie patente du gouvernement, les choix calamiteux du locataire de l’Élysée, la situation internationale ou l’insécurité en France, … Mais voilà : tout cela est quelque peu risqué pour le modèle économique actuel de la presse française.

Eh oui : fermement tenue par le portefeuille, noyée dans des subventions anesthésiantes, elle n’a aucune incitation économique à chercher la vraie information, l’analyse solide et un lectorat attentif. Dès lors, la petite éditocratie germanopratine se concentre sur les chiens écrasés et les plus croustillantes de ces anecdotes produites sur Twitter, magnifique chambre d’écho de la classe jacassante. Tout bien considéré, cette méthode reste moins chère, nettement moins risquée et tout aussi gratifiante que de faire des enquêtes et des articles de fond que beaucoup de Français ne peuvent trouver qu’ailleurs, loin de ces canaux officiellement sanctionnés et irrigués.

Et lorsque la presse française fait des efforts, cela donne des articles consternants comme, par exemple, ce pamphlet lamentable du Monde sur le rejet pourtant clair de la proposition par référendum de nouvelle constitution chilienne : pour le pisse-copie, pas de doute, en rejetant ainsi une nouvelle constitution “pourtant progressiste” et s’éloignant enfin de l’actuelle, pondue par l’infâme Pinochet, le peuple chilien se trompe.

L’écart avec ce qui existe encore dans la presse internationale (britannique ou allemande, par exemple) est cruel et la plupart du temps, la presse française ne semble plus être qu’un dernier wagon dans le train de l’information et de l’analyse qu’on peut trouver maintenant partout sur internet…

Malheureusement et logiquement, comme les politiciens s’alignent naturellement sur ce qui est médiatiquement porteur et seulement ça, ces derniers deviennent – notamment en France – de plus en plus insignifiants d’autant qu’ils concentrent leur intellectuel de moins en moins affûté sur les niaiseries portées à bout de bras par ces organes de cancanement.

Cela donne l’effet d’une marche quasi-synchrone avec les phénoménales âneries qu’on voit par exemple apparaître outre-Atlantique ou lorsque la pandémie de Covid avait déclenché les mêmes réactions mécaniques de la part des dirigeants européens. Cela produit aussi les prises de décisions débiles comme orienter toutes les politiques en fonction d’agendas écologiques de plus en plus radicaux mais si terriblement sexy électoralement, jusqu’à se prendre violemment le mur indépassable de la réalité.

Le résultat est sans appel. Le système politico-médiatique actuel est tellement bureaucratisé, subventionné, arqué sur ses petites habitudes, ses gros travers et son entre-soi bien cadré que les effets de monopole se font maintenant sentir sans plus la moindre retenue : le prix de l’entretien et de la maintenance de ce pitoyable barnum médiatique s’accroît alors même que la qualité du produit final s’effondre. Le contribuable français coule un pognon de dingue dans des médias (radios, télévisions, presse écrite) pour obtenir en retour une propagande oscillant systématiquement entre l’infantilisation et l’insulte pure et simple, et où – si l’on s’en tient aux fines analyses de notre presse d’exception – personne ne semble s’offusquer que le président de la République passe son temps en onde pour nous expliquer la bonne température des chambres, le nombre de douches idoines pour rester propre.

Reconnaissons la cohérence des gratte-papiers subventionnés : la même presse n’avait pas bronché de voir le même pignouf pompeux expliquer comment aérer son logis en temps de pandémie. Alors, tout compte fait, que le Président de la République fasse thermostat à 20h n’ébouriffe plus aucun journaleux.

Le constat mérite d’être répété : ce pays est foutu, et c’est notamment car le quatrième pouvoir s’est vautré dans la paresse et la lâcheté.

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Commentaires377

  1. Draner

    Rien de bien nouveau avec une pensée de Léon Bloy sur le journalisme : Léon Bloy, Journal, 29 mai 1908

    « À force d’avilissement, les journalistes sont devenus si étrangers à tout sentiment d’honneur qu’il est absolument impossible, désormais, de leur faire comprendre qu’on les vomit et qu’après les avoir vomis, on les réavale avec fureur pour les déféquer. La corporation est logée à cet étage d’ignominie où la conscience ne discerne plus ce que c’est que d’être un salaud. »

    — « Avant-propos », Léon Bloy, L’Assiette au beurre, 16 mai 1903

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