Régionales : patates chaudes et école des fans

Alors que le mois de janvier entame tout juste sa deuxième semaine, on peut le dire : ça y est, la campagne des élections régionales est lancée. Les deux mois devant nous s’affichent maintenant clairement dans le domaine de la politique politicienne. Et déjà, on sent frémir les casseroles des popotes diverses.

On pourrait ainsi tenter de décortiquer l’astuce (on ne peut pas vraiment parler de stratégie, vu la nébulosité de l’ensemble) des groupuscules d’extrême-gauche pour apparaître sur les radars médiatiques de ces régionales, avec les tentatives bizarroïdes d’accouplements transpirants du Front de Gauche avec le NPA – la maquette de parti politique d’Olivier B, postier putatif dans le XIVème arrondissement.

Ça occasionnerai probablement quelques savoureux paragraphes de franche rigolade , mais leurs manœuvres sont tellement emberlificotées dans les bidouilles d’appareil et les programmes illisibles qu’ils finissent par fatiguer les zygomatiques.

Ce serait exactement comme étudier les bricolages du Front National : rigolo deux minutes, lassant à la longue, l’impact de ceux-ci et de ceux-là étant marginal (pour ne pas dire nul) sur le résultat final des élections, on ne va pas perdre beaucoup plus de temps. On n’est plus en 2002.

Restent donc, essentiellement, les deux principaux partis politiques franchouilles : le Parti Officiellement Socialiste, débordé sur sa gauche par des Verts de plus en plus pivoine, et le Parti Honteusement Socialiste, mollement raboté, lui aussi sur sa gauche, par un Modem à l’encéphalogramme inquiétant.

Côté UMP, la victoire ne semble pas du tout certaine.

En pratique, c’est même une bonne grosse raclée qui semble plutôt à portée. On pourra lire l’intéressant interview de Ferry dans le Parisien, dans lequel l’ancien ministre fait preuve d’une lucidité prophétique, rare chez les politiciens, en déclarant d’une part :

Si une nouvelle crise venait frapper nos économies, nous aurions du mal à y faire face compte tenu des déficits actuels… En cas de nouvelle tourmente, nous risquons d’être à poil dans la neige.

et d’autre part :

La droite va prendre une tôle aux régionales, ça va être une catastrophe, une bérézina.

La première affirmation, concernant la crise, semble assez logique : l’État est déjà à poil, et pour ce qui est de la neige, on est servi. Et de nombreux petits signes semblent indiquer qu’effectivement, une nouvelle crise pourrait bien arriver.

La seconde affirmation, elle, est évidemment tempérée par d’autres « ténors » de « droite » , comme Raffarin, l’ex-ministre de la pente raide, qui déclare ainsi qu’une défaite de Royal est possible. Dans le fond, il n’a pas tort surtout si les approvisionnements en afghane s’arrêtent et déclenchent un sevrage précoce de l’actuelle présidente de Poitou-Charente.

Mais regardons à présent la situation courante, c’est-à-dire d’où nous partons, et vers où nous allons.

Le bilan de Sarkozy étant globalement merdique – c’était prévisible, prévu et quasi-garanti sur facture – , on sent qu’effectivement, les électeurs auront bien du mal à revoter massivement pour des têtes de listes UMP qui auront, sur les deux dernières années, projeté sur eux deux douzaines de taxes, ponctions vexatoires, idioties frivoles, petits & gros morceaux de bêtises crasses comme un solide légionnaire atteint d’une tourista carabinée.

Côté socialiste, on ne peut pas non plus dire que l’intelligence, le rassemblement, l’unité et la finesse furent de mise depuis juin 2007. Il serait herculéen de reprendre en détail toutes les abrutissantes stupidités que les politiciens de gauche auront enfilées comme des perles d’un collier multi-kilométrique depuis que l’homme sans classe sera parvenu à l’Elysée, mais force est de constater que les clowns qui animent ce parti ont absolument tout tenté pour le faire exploser, et y sont partiellement parvenus. Et par décence, je ne parlerai pas du récent référendum qui illustre assez bien l’absence d’entregent dont les dirigeants socialistes font démonstration actuellement.

Avec un tel passif, miser sur une une victoire écrasante du PS semble un peu risqué. En outre, la carte actuelle des régions française montre une domination écrasante des socialistes revendiqués (20 régions sur 22).

L’issue du scrutin se résume, finalement, à une question de probabilité. Celle, par exemple, que le PS fasse mieux, revient à dire qu’il lui faut non seulement gagner deux nouvelles régions, mais surtout, n’en perdre aucune. Ce n’est pas impossible, mais cela suppose un parcours sans faute sur tout le territoire.

Et c’est là que les choses deviennent amusantes.

En effet, si le PS perd ne serait-ce qu’une région (et ne domine alors que de 19 sur 22), l’UMP pourra déclarer avoir gagné du terrain. Une branlée reproduisant le précédent score, 20 régions socialistes sur 22, pourra être présentée par l’UMP comme un excellent damage control : « On a sauvé les meubles, les enfants : on ne fait pas pire qu’en 2005 ». De son côté, le PS pourra toujours prétendre, à bon droit, avoir gagné de façon écrasante. En clair, il semble évident que pour pousser un ouf de soulagement, l’UMP ne doit déployer, finalement que des efforts plus modérés que pour le PS.

Stratégiquement, il apparaît aussi que conserver coûte que coûte des régions n’est peut-être pas, électoralement parlant, judicieux sur le long terme : la plupart des ténors de gauche pensent aussi à 2012. Or, si l’on tient une région entre 2010 et 2012, cela veut dire qu’on va devoir jongler avec des comptes locaux particulièrement dégradés, les sources de financement étant de plus en plus restreintes. D’autant qu’en réalité, rien n’indique que la situation économique va s’embellir au profit des conseils régionaux… Au contraire.

Il ne serait ainsi pas totalement surprenant que certaines régions socialistes, tenues par de futurs présidentiables, tombent fort malencontreusement dans l’escarcelle de la droite, alors que, précisément, les rentrées fiscales se font rares et les dépenses, elles, tournent  à plein régime. L’UMP hériterait alors d’un cadeau douteux, qu’ils auraient d’ailleurs tout fait pour empoisonner avant de se l’administrer.

Autrement dit, nous allons assister à un jeu de patates chaudes, équilibrage savant et subtil entre un désir immédiat de victoire, une pénible équation probabilistique, et l’objectif 2012 dont, pour le moment, tout semble indiquer qu’il va être une véritable foire d’empoigne tant le manque de candidat crédible est évident.

Et au soir du 21 mars 2010, il n’est donc pas impossible que, comme dans une école des fans politiques, tout le monde se déclare gagnant et se distribue de bonnes notes.

Pendant ce temps là, la criiiiise continuera ses dégâts.

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Commentaires16

  1. Higgins

    En 2007, nous avions le choix entre la peste et le choléra. J’avoue avoir choisi la peste après une longue réflexion (je suis resté quelques longues minutes dans l’isoloir), le choléra ne me tentant pas, ayant à le subir au quotidien. Je pense que la droite va se ramasser une tôle aux prochaines mais la gauche aurait tort de crier victoire, le grand vainqueur de cette mascarade sera, sans nul doute, l’abstention. La coquille vide qu’est devenue la politique française devient de plus en plus un repoussoir, les électeurs se rendant de plus en plus compte de l’inanité des propositions des uns ou des autres et de la cécité des acteurs politiques.

    La lecture du livre de Philippe Nemo « Les deux républiques » vient à point nommé pour comprendre la situation actuelle et l’impasse dans laquelle s’est enfoncée notre pays. La vraie et unique opposition n’est plus, depuis longtemps, entre la droite et la gauche mais entre ce que l’auteur appelle la république de 1789 et celle de 1793. En plus clair, entre libéralisme politique et économique et socialisme rampant et nauséabond et totalitaire. L’équipe actuellement au pouvoir se caractérise surtout par son incapacité à appréhender le réel et se contente du socialisme mou (toujours aussi nauséabond) qui restera sa marque de fabrique dans l’histoire: agitation n’est pas raison. Le réveil sera d’autant plus douloureux qu’il sera tardif.

  2. l’hérétique

    Salut h16
    Pour les signes (revente d’actions par les grands patrons) attention, il y a une autre cause possible : la volonté affichée par l’actuel gouvernement de taxer les stock-options en question, comme un revenu. Et quand tu considères sur quelle tranche cela serait taxé, on arrive à des pertes sèches assez monumentales.
    Mieux vaut, dans ces conditions, revendre, même avec un faible bénéfice.
    J’ai bien regardé : il n’y a que les patrons français qui revendent…

    1. @L’hérétique : effectivement, ceci expliquerai bien cela. Cependant, il y a d’autres signes plus inquiétants encore (celui-ci, par exemple)…

  3. l’hérétique

    dis, au fait, dans un tout autre registre : méga-mignonne, Agata Kovacs, celle qui a écrit l’article sur Meccanopolis ! 🙂 Typiquement la brune qui me fait fondre sur place…

    Attention : la photo date peut-être des années 60 😉

  4. le chafouin

    Moi je pense que les Verts vont mettre une ou deux raclées au PS. Enfin, je l’espère…

    Ce serait assez rigolo, effectivement. Et ça a des chances d’arriver, oui.

    1. @L’Hérétique : l’état français a du mal à boucler ses fins de mois. C’est un élément de plus pour montrer que la crise est plus profonde et plus grave, que la reprise n’est pas vraiment là et qu’on se prépare pour dans bientôt des aventures rock’n’roll.

      Mais j’avoue clairement avoir un gros biais pessimiste (eh oui).

  5. Higgins

    @H16

    « l’état français a du mal à boucler ses fins de mois. » Ça ne date pas d’aujourd’hui. Depuis quelques années déjà, par exemple les installations militaires ferment pour la période de Noël (économie de chauffage, fin des crédits requis pour exercer des activité comme les heures de vol). Disons que fin 2009, c’était plus violent que les autres années d’où le billet de maître Eolas. Ça ne devrait pas s’arranger dans un proche avenir. La paupérisation de l’Etat n’est plus une chimère. Pour en revenir à l’institution militaire, il n’y a qu’à voir l’âge moyen des matériels (avions, hélicos, bateaux, véhicules divers) par exemple.

  6. Nick de Cusa

    Biais pessimiste? Meuh non, allons, voyons. Enfin, ils sont tellement cons que tu vas quand même gagner à la fin.

  7. Abst

    Comme d’habitude, je ne voterai pas. Après tout, qu’est ce que j’en ai à faire ? je ne suis plus en France depuis longtemps.

  8. CedricA

    Je m’attend quant même, notamment en milieu urbain à de bon scores d’EE qui vont foutre un peu le boxon dans les accords avec le PS. Cependant, le PS risque d’être grandement favorisé par une remonté du FN.

    1. @CedricA : ce n’est pas impossible. Du point de vue de ce blog, de toute façon, tout est bon à prendre. Une déculottée (prévisible) de l’UMP sera un régal, rien que pour la tête des socialistes de droite devant le désastre. Une branlée du PS sera aussi assez délectable avec tous les socialistes de gauche qui pleurnicheront sur l’impossible unité d’un parti agonisant…

  9. adnstep

    Je pense au contraire qu’EE va prendre une branlée, et que le PS sera largement devant. Le réchauffisme passe de mode, et la TaxKarbon 2.0 ne passe pas.

    A droite, brouillard total. Le FN n’est pas crédible une seconde, et on sait que les rodomontades de l’UMP ne sont pas suivies d’actes. Sauf quand Carla susurre à l’oreille de son étalon. Bref, l’électeur droitiste risque de massivement aller faire les vitrines.

    Aux résultats ? : 5% d’augmentation des salaires des conseillers régionaux, augmentation massive des zimpôts locaux (à cause de l’état qui nous donne pas les sous qu’il nous doit, bien sur), mange-debouts, petits fours et canapés, inaugurations d’oeuvres d’art, …

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