Un mois d’août pour rien

Les élections présidentielles se profilent dans quelques semaines, et déjà le PS avance en ordre rangé derrière son leader. La bataille s’annonce titanesque et … Ah on me souffle qu’en réalité, les élections sont dans deux ans.

Il n’y a, finalement, rien de plus terrible pour un journaliste qu’une rentrée en demi-teinte.

Coincé entre les petites affaires du monde qui continue de tourner, cahincaha, et le désert aride que constitue la politique en France, il doit improviser en attendant que de vraies choses se passent. Manipulé par les vagues sujets lancés en pâture par une clique politique indigente, il se jette alors sur le moindre morceau de barbaque informationnelle.

Ainsi, l’été fut rythmé par les abrutissantes conneries débitées par Hortefeux, le ministre bifidus (ce qu’il fait à l’Intérieur se voit surtout à l’extérieur) pour camoufler l’enfoncement progressif de Woerth, le ministre cosmétique (parce qu’il ne vaut rien), dans le marais putride des financements de parti politique. Le journaliste, bien trop occupé à ne surtout pas faire fonctionner sa tête, se sera fait fort de relayer bruyamment les rots mentaux des uns et des autres.

Pendant ce temps, les monnaies fluctuaient bizarrement, les notes de dettes souveraines étaient dégradés, le chômage continuait de grimper, les entreprises de fermer, la situation économique d’empirer. Mais en juillet et en août, ce sont les vacances : pas question d’enquêter (les équipes sont réduites et les rotatives tournent au ralenti). On se contenta donc du tout venant, du pré-mâché pré-digéré prêt à servir que la majorité offrait sur un plateau.

Et là, en fin de mois, l’apothéose : le parti officiellement socialiste décide de se réunir lors de son « université d’été ». Normalement, dans le cadre d’un parti politique, c’est l’occasion de discuter programme, de faire des propositions, d’enchaîner des discours flamboyants (Galouzeau Style) et d’enfiler les réflexions profondes comme des perles. Cela permet d’une part aux journalistes de se remettre dans l’ambiance, et d’autre part de fournir aux militants de la matière pour les prochaines semaines.

Malheureusement, cette fois encore, le parti qui se réclame socialiste continue de ne pas faire sa mue : voyants éteints, tableau de bord crasseux et curseurs encroûtés dans une rouille des années 70, il continue sa molle lancée dans les steppes plates et mornes de l’opposition sans objet.

Aubry a la pêche !

On pourrait analyser, phrase à phrase, la soupe claire, très allongée d’eau plate, que Martine Aubry aura cru bon de servir à ses troupes hypnotisées hier.

En vrac, on trouve ainsi :

  • de l’autosatisfaction facile (« Nous sommes unis et nous n’aurions jamais du être autrement.« ),
  • du Madame Soleil en concentré (« Un automne très sombre va s’ouvrir pour les Français.« ) – prophétie d’autant plus simple à faire qu’elle fera tout pour qu’à force de grève et de mouvements sociaux, le mois de septembre soit effectivement pourri,
  • de la romance pure (« Oui nous avons des réponses, nous l’avons montré sur les retraites« ),
  • des promesses aussi creuses qu’amusantes (« demain nous proposerons, nous dirons qu’une autre France est possible.« ), véritable Arlésienne shootée à l’utopicaïne de synthèse du monde politique.

Dans le registre présidentiel, on trouve bien évidemment quelques attaques à l’humour masquant mal leur banalité quasi-quotidienne. Dans un sursaut d’innovation et profitant de l’actualité pour rajeunir son discours un peu poussiéreux, la première secrétaire a rappelé que les « gens du voyage sont français » et « les roms européens« , dénonçant des charters « indignes et infondés« . Constatant à raison que l’image de la France à l’étranger est écornée, elle s’est empressée de ne surtout rien proposer pour la gestion de cette question. Là encore, le futur est obligatoire : le parti officiellement socialiste proposera, un jour, c’est promis juré craché, une autre Fraônce est possible, tout ça, youpi, mais pas aujourd’hui.

Et puisqu’on parlait sécurité et intérieur, la Martine a embrayé en soulignant l’importance des petits bisous, de l’éducation avant la sanction, ce qui est, il faut bien le dire, totalement nouveau dans la méthode utilisée pour aborder le problème depuis trente ans. Renversant encore plus fort, encore plus loin, les tabous et les habitudes, elle a même proposé, dans la foulée athlétique de son discours marathon, une petite loi des familles pour lutter contre le trafic d’armes (car tout le monde sait que le marché de l’armement, en France, est totalement libre, hein).

Mais le plus rigolo, et de loin, fut l’espèce de rêve humide et éveillé que les socialistes officiels continuent d’entretenir au sujet tant des présidentielles que de leurs primaires.

En réalité, cette future présidentielle joue le rôle évident d’une bouée de sauvetage à laquelle s’accroche désespérément un parti qui n’en finit pas de se tortiller comme un lombric coupé en petits morceaux. L’absence totale de programme, de proposition et de colonne vertébrale politique ne permet pas à l’invertébré, tiraillé par des dissensions internes évidentes, d’avancer dans quelque direction que ce soit.

N’osant pas les outrances trotskystes ridicules d’un NPA en pleine déconfiture, perdu dans une dialectique sociale-démocrate mollassonne et compromise, incapable d’ingérer une composante verte sans développer immédiatement des pustules séparatistes, le pauvre PS barbote dans la médiocrité : 2012 est devenu son horizon indépassable.

Ségo, c'est plus rigolo

Et pour bien faire rentrer l’importance de cette date dans le cœur et les têtes creuses des paisibles ruminants qui militent dans le vieux parti, ses instances dirigeantes se sont donc piquées d’y organiser des primaires. Coup double : cela permettra d’une part de faire parler des bisbilles internes pendant de longs mois avant la date fatidique, remplaçant encore avantageusement les propositions de fond et un programme structuré par des salves de petites phrases assassines entre dirigeants et futurs-ex-présidentiables, et d’autre part d’avoir enfin un « candidat officiel » apte à fédérer les gogos qui s’empresseront d’aller oindre de leur vote l’heureux gagnant à la course au trône.

En version originale aubryesque non-sous-titrée, cela donne « La droite va être débordée par nos propositions. » Ici, on peut pouffer.

Aubry Propose, et ça rigole pas.

Maintenant, éloignons-nous de ce bouillon insipide déjà servi dix fois et regardons ce qui, en l’espace de deux mois, ou, disons, sur le mois d’août, a réellement changé en France. Le tableau fait peine à voir : rien.

Oh, bien sûr, les déclarations fracassantes de certains auront agité le microcosme politique, mais la vie courante des Français n’a pas été modifiée par celles-ci. Les problèmes, qu’on avait pudiquement rangés dans un placard en juillet, vont ressortir début septembre, plus poussiéreux mais pas plus résolus. En termes économiques, la situation n’est pas meilleure, elle est même pire (la récente intervention en urgence de la Banque du Japon en dit long à ce sujet).

Et même en se concentrant sur les aspects que les incompétents au pouvoir choisissent pourtant eux-mêmes de mettre en avant, comme l’insécurité, on se rend compte que pas un millimètre carré de République n’aura été récupéré dans les zones de non-droit, pas une seule action ferme n’aura permis de marquer clairement des points dans ce domaine.

Bref : que l’actualité politique soit pilotée par les postillons excités de la majorité ou par les prouts discrets de l’opposition, elle ne concerne plus les problèmes réels touchant chacun des électeurs et des contribuables qui, pourtant, continuent de voter et de payer leurs impôts.

Ce mois d’août n’aura donc servi à rien.

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Commentaires19

  1. Higgins

    La réaction d’Estrosi a été à la hauteur du discours de la Martine: nulle. Et nos journaleux nuls (pléonasme) sont encore capables de disserter (le mot est trop fort pour la qualité de leur prestation) sur ce vide.
    Il faut relire l’excellente BD de Binet « M. le ministre ». Ça a 20 ans mis ça n’a pris une ride. Toute la nullité politique française y est résumée et au moins, c’est comme tes billets, c’est juste et drôle.

    1. Yul

      j’ai adoré les caricatures !!! et toujours aussi lucide ! au moins on rit alors que franchement, la situation de la France en ce moment, et l’incurie intellectuelle qui y règne, me donnent plutôt envie de pleurer.

    2. Cambronne

      Tennez pour l’anecdote sur l’arrogant estrosi élu Niçois pétant dans la soie pire qu’un défroqué
      hier reportage « Sept à Huit » d’Harry Roselmack sur d’enfer TF1 l’usine à chefs d’oeuvre Des tableaux de Van Gogh ou de Monet, des sculptures de Rodin et de Michel Ange : ce sont les plus grands chefs d’oeuvres occidentaux, mais leurs copies sont désormais produites en Chine ! Soixante pour cent des reproductions mondiales des oeuvres d’art sont fabriquées dans deux villes chinoises, parfois en quelques minutes seulement, à la chaîne… Là-bas, en toute légalité, d’anciens paysans se sont reconvertis en faussaires.
      un fondeur chinois heureux de nous montrer le buste en bronze commandé par un élu Niçois pour une modique espèce de 500 euros avec la création de cette pièce unique nous dirons que l’Estrozy rimant si bien avec Sarkozy le chinois chinoiseur sachant chiner en expert de la politique jacobine françoise soviétisante … a voulu montrer jusqu’à quel point il aimait son chef …manque plus qu’il nous commande un statue en bronze à l’image du surréalisme de la Corée du nord pour vénérer oncle KIM

  2. Fopo

    Ils se sont bien emmerdés cet été les journalistes en tout cas, à en voir les 15 pages de Le Monde par jour, remplies de déclarations sur l’identité et les Roms.

    « et regardons ce qui, en l’espace de deux mois »

    Mmmm, je dirais plutôt sur deux mois mais sur deux ans : Rien. Rien de concret.

    1. Toni

      Oui à peu près 30 ans que ça dure. Moi je compte à partir de Mai 1981 et l’élection de Mr Miterrand, rien n’a vraiment changé dans notre modèle social depuis 1981. Par contre le monde a changé depuis 1981.

  3. Fopo

    Je parlais du mandat de Sarkozy, mais sinon ça va faire trente ans plutôt. Enfin, en 30 ans il y a eu quelques trucs par-ci par-la, mais sous Sarkozy rien. Brûler ses meubles pour se réchauffer n’est pas une bonne solution à long terme.

  4. Cambronne

    Trop bon H16 excellentissime à se faire pipi dessus vu que nos Jacobins en puissance feront 15% en 2012, il y a une chose qui m’a fait doucement sourire c’est utilisation du Jaures , faut dire que nos frustrés traitant sur les vertus anthropophages n’ont pas digéré que l’empereur lors de son investiture n’hésitera pas à utiliser le nom du bolchevik….l’on croirait presque un sermon de Jim Jones avec le « Temple du. Peuple » dans la jungle de Guyana en Amérique du Sud fin des années 70 v’là-t’y pas que la secte rouge n’hésitera pas un instant dans la débauche pour conquérir le monde à nous la jouer suicide collectif . …

  5. kelevra

    billet excellent bien sur pas besoin de le repeter a chaque fois, vous seriez oblige de changer de chaussures et en ces temps de disette ne faisons pas comme l etat a jeter l argent qu on a pas par les fenetres qu on a plus depuis longtemps.

    ce qui m a amuse et que vous n avez peut etre pas releve c est qu une delegation du parti democrate americain etait presente au congres de la rochelle pour leur expliquer comme faire des primaires !!!!! le ps cherche son barak hussein? non pas harlem desir quand meme pas.

    et ce matin j ai recu mes impots fonciers : +22% tiens ca baisse pas, pas recu la taxe d habitation mais je crois que ca va etre bon (a sec avec des graviers merci a tous)

    1. Cambronne

      question graviers faites donc comme le Bushmen marchez donc pieds nus en temps de crise franco française vu que l’hystérie collective ne fait que commencer faudra donc vous y faire je travaille actuellement sur un projet au viet nam pays pourtant communiste mais force de constater que la corruption reste 10 fois moins couteuse qu’en soviétie Française d’ailleurs c’est dingue le nombre de français qui viennent y investir depuis quelques temps …

      1. Toni

        Le Viet Nam est de moins en moins communiste dans les faits. Les entrepreneurs viennent dans ces pays à cause des couts de main d’oeuvre bien moins élevés qu’en France. Comme il s’agit maintenant d’un pays calme; les investisseurs et les capitaux arrivent.
        Les Français qui investissent là-bas correspondront à des pertes de milliards d’euros pour l’état Français. Là on parle du Vietnam mais on aurait pu parler d’autres pays; un investisseur qui s’en va est toujours une grosse perte potentielle.

    2. Fopo

      Il y a quand même quelque chose qui a changé depuis la présidence de Sarkozy : 33 taxes en tout ajoutés et prévues (dernière mise à jour du nombre en Avril). Quel méchant ultra-turbolibéral !!

  6. Théo31

    « les prouts discrets de l’opposition »

    Seuls les chiens doivent les entendre. Pauvres bêtes. .

  7. Alex6

    De toutes manieres le point de non retour est atteint, une majorite est desormais persuade que Chirac etait un bon president (et en comparatif du guignol en poste, je me joins a cet avis)
    Le mur se rapproche, il va y en avoir partout…

    1. VRP

      « Je n’ai jamais vu un homme mentir à ce point, il ment tout le temps, c’est incroyable. » – A propos de Chirac. Ceci dit c’est applicable pour 98% des politiciens.

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