Tous ensemble pour la grève !

Une fois n’est pas coutume dans ce blog, je vais saluer les efforts des syndicats et des salariés qui viennent de mener une action de grève. Dans un mouvement d’une rare lucidité, les salariés des chaînes publiques de propagande radio et de télévision ont donc arrêté le travail et les émissions de (entre autres) Radio-Pravda, Pravda-Culture, Pravda-Télévision auront été perturbées voire interrompues. La raison principale de cette colère, jamais vue depuis 1974 et l’éclatement de l’ORTF ? La suppression de la publicité dans le service public…

Tout d’abord, je tiens à féliciter le message capitaliste et libéral que transmettent ainsi ces salariés : eh oui, si on supprime la publicité, nos syndicats ont vite compris que les moyens allaient manquer à leur marronnier. Ils admettent ainsi clairement qu’ils sont dans l’économie de marché, que la publicité, c’est le nerf de la guerre pour eux, et qu’il leur faut se vautrer dans le merchandising et la vente de temps de cerveau disponible pour Coca si l’on veut faire des documentaires sur les cacas thermomoulés de Piotr Vladlavodka …

Et cette grève, tout d’un coup, devient un extraordinaire moment de rigolade.

D’un côté, les syndicats de l’audiovisuel public, thuriféraires de la société de non-consommation, encenseurs d’un mode de vie citoyen, festif, décroissant et pas du tout capitaliste, se retrouvent dans la position de rouspéter parce qu’on leur enlève un moyen de subsistance totalement basé sur cette nom d’une pipe de société de consommation qui – doit-on le rappeler – mène le monde à sa perte, fait pleurer Gaïa notre mère Nature, détruit la forêt amazonienne et mâchouille des bébés phoques sans conviction.

De l’autre, les syndicats doivent tout faire pour ne surtout pas réclamer le retour de la pub, tout en ne réclamant surtout pas de hausse de la redevance ou des impôts (ce qui serait un comble). Les voilà réduits à devoir réclamer le beurre et l’argent du beurre sans que ça se voie, pendant que la crémière fait tout sauf sourire.

Mais la franche rigolade qui me secoue ne s’arrête pas là en apprenant que la grève est reconduite ! Et ça, c’est du bonheur en barre sur le long terme. En effet, si l’on continue à ce rythme effréné de grèves, les téléspectateurs vont se désintoxiquer du service public. Eh oui, quand on n’émet pas, on prend le risque de donner de nouvelles habitudes de consommations au zappeur qui se trouve sur son canapé aux heures de grande écoute.

En clair, la grève accroît encore les parts de marché de M6, TF1 et Canal, sans même prendre en compte l’impact positif pour internet. Les plus accros basculeront du cheese-burger journalistique au 20H de la 2 pour le big-mac journalistique au 20H de la une ; les autres découvriront d’autres plats, peut-être même exotiques (qui sait), et, papilles excitées par tant de nouveaux goûts, n’y reviendront plus.

A l’instar des dockers dont l’immobilisme syndical, les grèves répétées et les habitudes maffieuses auront permis, plus sûrement qu’aucun arrêté préfectoral ou qu’une libéralisation totale des ports maritimes, la disparition progressive et complète de leur profession, les grèves à répétition sur le service public de radio-télévision et l’arrêt intempestif ou programmé des émissions amènera le consommateur à déserter complètement les productions nombreuses et créatives des Manufactures Naâationaâales de Documentaires et de Fictions Fraônçaises. Finis Louis La Brocante, Question pour un Champignon et Plus Bête La Vie ! Terminé le gros salaire de Delarue ! Finie aussi la tribune permanente aux cancrelats du socialisme larvé, qui, de petites remarques anticapitalistes en atermoiements pathétiques d’alter-écolos, finissent par inculquer les pires engeances de la pensée économique alternative de baltringues à toute une population accro aux bons sentiments et à sa dose quotidienne de moraline…

Et le pompon, dans l’histoire, c’est que cette grève ne peut avoir que des résultats positifs :
– si elle échoue lamentablement, les syndicats en ressortiront lessivés, ce qui n’est pas plus mal pour le trotskyme ambiant. Une petite claque pour la CGT, FO et consorts, c’est toujours un plaisir qui ne se boude pas.
– si elle réussit, Sarkozy est obligé, à nouveau, de baisser son pantalon[1]. Devenu maître en la matière, pouvant en cela rivaliser avec les meilleurs transformistes du monde du spectacle, il montrera encore une fois que sa « méthode » de gestion de crises politiques est en totale rupture … avec toute rupture puisque respectant parfaitement les canons établis depuis plus d’une décennie par son prédécesseur.

Que du bonheur, je vous dis ! Pas de doute, cette grève est une excellente chose. Elle décrédibilisera encore un peu plus le bouffon à la tête de l’état, ou, alternativement, amènera à la disparition progressive du boulet coûteux qui nous sert d’organe officiel d’ « informations »…

Le seul regret, finalement, que la disparition de ce service public amènera, sera la disparition des petites émissions tordantes et spécifiquement collectivistes à la moraline en tube, présentant par exemple les dernières avancées du gouvernement en matière de Mangibougisme. Eh oui : plus personne, plus aucune voix officielle adoucissant le choc d’une nouvelle taxe, alors que nous sommes en pleine saison de reproduction, plus de préparation psychologique aux rapports de la Cour des Comptes

De façon plus pragmatique, Sarkozy se voulait le réformateur et celui qui amènerait plus de pouvoir d’achat aux Français. Supprimer la télé publique, c’est aussi redonner 156€ par foyer. Et mine de rien, 156€, ça fait du chauffage en hiver, des repas en plus, … Du pouvoir d’achat, quoi !

La grève dans l’audiovisuel public : je suis pour !

Notes

[1] encore qu’avec Bruni comme femme, je ne suis pas sûr qu’il en porte encore

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Commentaires13

  1. geo

    """"encore qu’avec Bruni comme femme, je ne suis pas sûr qu’il en porte encore""""

    ça, c’est l’avenir qui nous le dira!

  2. capa06

    Ha ha hA ! Excellent !
    Mais dites-moi, ce n’est pas les mêmes gens qui agressaient les revendeurs de quotidiens gratuits qui ne vivent que de la publicité ?
    Comme quoi on n’est pas à une contradiction près.

    Vivement une bonne grosse grève générale et durable de la fonction publique pour se sevrer.

  3. chris

    J’abonde ! J’abonde !

    Votre vision contrarienne de la grève fait mouche.

    On peut noter malgré tout, au crédit de Sarko, que c’est lui qui est à l’origine du pataquès en annonçant la fin de la pub sur la télé publique.

    Mais comme d’hab, il n’a fait que le tiers du chemin. Il fallait annoncer la fin tout court de la télé publique bien sûr, en tout cas une réduction de format intransigeante (allons soyons fous, gardons 1 TV et 1 radio publiques, point barre).

    Je note aussi que cette news fait délicieusement échos au porc-à-la-belle-cravate, AKA le patron du Moove, qui frétillait pendant sa somptueuse fête…

    Bientôt mon cochon, ce sera ceinture ; et le chomedu.

    Ca va être dur !
    ;-))

  4. geo

    fin de ma publicité sur les chaînes publiques! oui pourquoi pas, Chris nous dit supprimons les chaines publiques, bof je ne vois pas l’intérêt de supprimer, ce n’est plus de la pensée libérale, c’est de l’autoritarisme,

    Oui h16, cette position des syndicats est paradoxale mais compréhensible, il défendent leur "job"

    """"Elle décrédibilisera encore un peu plus le bouffon à la tête de l’état, ou, alternativement, amènera à la disparition progressive du boulet coûteux qui nous sert d’organe officiel d’ "informations"…""""

    Les 2 mon capitaine, Sarko effectivement se décrédibilise aux yeux d’une certaine population, et à terme ce système publique risque de disparaître sous la pression "des amis du Président" (bon titre pour une saga que l’on pourrait passer sur TF1 par ex)

    Que Chris se rassure des guignols comme le patron de cette "moove" ne sont pas près de disparaitre…..

  5. Thierry

    Je vous trouve bien optimiste. J’ai vu hier des syndicalistes demandant plus de moyens : c’est à dire l’augmentation de la redevance. La pub représentant 1/3 des recettes de FTV, il va faudra donc payer une redevance de 234 euros.
    L’augmentation des taxes, c’est ça la méthode Sarkozy.

  6. gnarf

    Bof….un poulet decerebre court un instant dans la bonne direction. Pas de quoi se mettre en joie. Ca va se terminer par une taxe sur les publicites du prive + de la pub dans le public ou une hausse de la redevance.

  7. TheGreatLeslie

    En même temps je ne vois pas pourquoi la sarkote devrait céder à cette grève, en effet si les grévistes ne sont pas payés c’est toujours ça d’économisé pour l’état qui en a bien besoin et finalement ça ne gène pas les français puisqu’il n’y a pas de monopole dans l’audiovisuel. Au final ils sont loin d’avoir le pouvoir de nuisance de la sncf et de la ratp

  8. Mateo

    @geo
    Il est tout à fait "libéral" de demander la fin des télévisions et radios publiques car ce ne sont pas de tâches régaliennes à ce que je sache…

    Mais on peut toujours rêver… 🙁

  9. Stéphane

    Si les grévistes ne sont pas payés de leurs jours de grève, peut-on espérer que la redevance sera réduite en proportion?

    Mais on peut toujours rêver!… (bis)

  10. Laglute

    Cela me rappelle un peu les mésaventures du journal Libération, joyeux repère de maiostes dans ses premières heures : la réalité économique a finit par les rattraper. Le plus beau, si je me souviens bien, est que c’est Rotschild qui les a renfloué ( en pure pertes ) pour un montant de 20 Millions d’euros.

  11. El Gringo

    "En clair, la grève accroît encore les parts de marché de M6, TF1 et Canal"

    Et comme chacun sait, Canal+ n’est pas, mais alors pas du tout à gauche…

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